Alain Deneault dénonce la «censure douce» qui nourrit le capitalisme contemporain

Entretien avec le philosophe canadien Alain Deneault sur le fonctionnement du capitalisme contemporain, son recours à la censure « douce » et l’omniprésence de la pensée managériale. À propos de la politique d'Emmanuel Macron, il résume : « Cette façon d’intégrer les enjeux dans une approche managériale constitue un déni du politique et une confiscation de l’activité de la pensée politique. »

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Alain Deneault est directeur de programme au Collège international de philosophie à Paris. Canadien d’expression française, il a longtemps et longuement écrit sur le fonctionnement des paradis fiscaux ou sur les méthodes peu recommandables des multinationales. Ses ouvrages Paradis fiscaux : la filière canadienne (Écosociété, 2014) ou Noir Canada (Écosociété, 2008) ont alimenté la chronique au-delà même des frontières canadiennes. En 2015, son ouvrage La Médiocratie (Lux) soulignait combien la « gouvernance » des entreprises donnait le pouvoir à la médiocrité.

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Son dernier ouvrage, Faire l’économie de la haine, paru aux éditions Écosociété, est officiellement la seconde édition d’un livre publié en 2010 qui reprenait une série d’interventions du philosophe. Mais cette version a été entièrement revue avec de nombreux textes plus récents. Alain Deneault y défend une vision globale d’un capitalisme tentant, par tous les moyens, de dissimuler le vrai coût humain, social et écologique, de son fonctionnement. Derrière la fiction angélique d’un système qui semble indépassable se cache en réalité une censure profonde et originale qui ne vise, selon ses propres mots, qu’à « faire l’économie » de la réalité haineuse de l’économie.

Dans votre dernier ouvrage, Faire l’économie de la haine, vous reprenez plusieurs de vos interventions de ces quinze dernières années sur la question de la censure. L’époque serait donc au retour de la censure ?

Alain Deneault : La censure agit aujourd’hui selon un mode nouveau. Il s’agit de réfléchir sur des modes de censure qui ne sont pas évidents a priori. Certes, il peut encore exister des formes classiques de censure imposées directement par une autorité, à travers le caviardage au nom du secret d’État ou des jeux d’influence. On peut aussi constater la persistance de l’autocensure, par exemple lorsqu’un journaliste n’inscrit pas le nom de Vincent Bolloré dans un article parce qu’il craint de devoir faire face à un procès.

Mais il existe des modes nouveaux dans le cadre desquels la censure elle-même se censure. Cette censure procède structurellement par l’usage des mots que l’idéologie colporte, par les mots que les pouvoirs institués nous enjoignent d’utiliser dans une sorte de cahier des charges sémantique. Dans le monde de l’entreprise, ce phénomène est très clair. Ces mots comportent des points aveugles, des angles morts, des prémices, des mises en perspective intrinsèques qui produisent un état de censure.

On le constate par exemple dans l’usage du mot « média », puisqu’il donne l’impression que des sujets autonomes auraient accès à des situations qui se trouvent loin de lui par l’usage d’une interface neutre. Mais si on se souvient que Marshall McLuhan [intellectuel canadien auteur de réflexions sur les médias – ndlr] a écrit que le « média est un message », ce que je réinterpréterais comme « le média conditionne le message », on prend conscience qu’un média est plutôt une « prothèse » : il supplée à certaines fonctions de la personne et, partant, il handicape la personne. Il empêche ainsi un certain nombre de choses pendant qu’il en permet d’autres. Et le prolongement de nos corps par les médias sous la forme de ces téléphones que tout le monde a désormais est l’illustration de ce phénomène.

Dès que l’on dit « prothèse » plutôt que « média », on prend conscience de la limitation de ces objets : en termes de mémoire, de conscience, de rythme. Tout cela conduit à un conditionnement du rythme et de la portée de la pensée, et à sa dépendance à des éléments externes. Cela conditionne les enjeux. Ce glissement sémantique permet ainsi, dans le domaine de la gestion, d’évacuer tout un pan de la réalité, ce qui est du domaine de la vie citoyenne, du service public ou des classes sociales.

Tout cela se perd dans un discours managérial qui a débordé le strict cadre de l’entreprise. Ainsi, désormais, les ministères parlent de « l’approche client ». En France, un mouvement politique a été porté au pouvoir en se présentant comme une entreprise qui verrait partout des clients. On pourrait décliner ce constat à l’infini. Mais ce qu’on constate, c’est qu’au-delà de la censure ou de l’autocensure, il existe des phénomènes plus sournois, moins évidents, mais beaucoup plus efficaces de censure.

Depuis quelques années, le discours managérial tente d’intégrer les aspects environnementaux et sociaux. Le gouvernement français va proposer de modifier le code civil pour intégrer précisément ces enjeux dans l’objet social de l’entreprise. Est-on là dans une prise de conscience ou dans cette forme de censure cachée que vous décrivez où l’on cherche à occulter les responsabilités ?

Selon moi, l’idée est de soumettre tous les enjeux à une logique de gestion qui occulte les principes selon lesquels on administre. Bien sûr qu’il est nécessaire d’avoir une gestion, mais cela doit se faire dans un cadre qui doit être défini démocratiquement, c’est-à-dire politiquement. Mais ici, on fait face à un régime qui présente le principe politique selon lequel on administre tout comme ne devant pas faire l’objet d’un débat parce qu’il serait évident – ce qu’on appelle « l’économie de marché » ou le « libéralisme » pour ne pas nommer le capitalisme.

Et c’est d’ailleurs là la principale forme de censure sémantique que j’évoquais à l’instant. Emmanuel Macron, d’ailleurs, ne condamne pas le fascisme ou la violence à l’encontre des personnes, mais il condamne ce qui est « illibéral », autrement dit ce qui n’entre pas dans sa ligne étroite. Cette façon d’intégrer les enjeux dans une approche managériale constitue un déni du politique et une confiscation de l’activité de la pensée politique.

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Emmanuel Macron à la CCI d'Amiens, le 26 avril 2017. © Nicolas Serve / Hans Lucas

Le citoyen abdiquerait donc, par ce fait, ces enjeux fondamentaux aux entreprises ?

Mais il n’y a plus de citoyens. Les citoyens n’existent que de pure forme. Mais ils sont déjà salariés, électeurs, consommateurs… Ils sont toujours dans un rôle prévu par un dispositif de gestion. Quand peut-on alors comme citoyen prendre le dessus sur ce cadre et délibérer sur celui-ci ? La réponse est toujours : « c’est comme cela, on n’a pas le choix, le monde fonctionne ainsi ». Mais jamais les acteurs au pouvoir ne présentent ces contraintes mondiales, cette concurrence étouffante et, au bout du compte, tous ces impératifs, comme étant de l’ordre de leur bilan.

C’est leur idéologie qui a voulu que le monde soit ainsi façonné. Mais cette idéologie n’est jamais assumée par ceux qui présentent ses conséquences comme étant « naturelles » ou quasi divines. Alors qu’elles sont le fruit de choix qui ont été intégrés dans des considérations managériales. Dès lors, la prise de conscience n’est plus possible. Les peuples n’ont progressivement plus d’emprise sur ces enjeux.

« Le régime consumériste actuel n’arrivera pas longtemps encore à tenir ses promesses »

Dans votre ouvrage, vous évoquez précisément le lien avec la pensée religieuse de cette idéologie…

Pour moi, il s’agit davantage d’une profanation et d’une instrumentalisation des acquis historiques des pensées religieuses diverses. Dans les théories du management, des relations publiques et du marketing, on a recouru à certaines expériences séculaires des différentes institutions religieuses pour détourner les pratiques spirituelles vers des enjeux de marque.

La croyance et la foi portent ainsi désormais sur des objets misérables plutôt que sur des considérations transcendantes ou métaphysiques. Certains ne jurent que par une marque d’ordinateur ou de yaourt pour développer un rapport au monde et à leur communauté. Ce n’est donc pas une utilisation de la transcendance, mais un rabattement de cette transcendance sur des objets dérisoires. C’est là un effet de la réduction de toute chose au management.

Ce rabattement de la transcendance se traduit alors dans l’argent et vous trouvez là une inspiration dans la pensée de Georg Simmel ?

Mon ouvrage entre clairement en résonance avec un autre ouvrage qui reprend des articles de Simmel que j’ai traduits. L’argent est devenu le référent principal de la valeur, à un tel point que c’est à lui qu’on finit par donner de la valeur. Il n’est plus alors un simple média qui traduit de la valeur, mais il porte la valeur. Dans un tel régime, les puissants font l’économie du sensible et l’économie des affects.

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L’argent est en effet économique, non pas dans la mesure où il permet la comptabilité et la comparabilité de choses hétérogènes entre elles, mais parce qu’il permet d’aller vite et de faire l’économie d’opérations mentales. L’argent permet de faire l’économie des raisons pour lesquelles tel objet a tel rapport de valeur avec tel autre. L’argent est donc une modalité symbolique qui permet de passer outre ces opérations plutôt que de les traiter. C’est une façon de tricher avec le réel.

En conséquence, l’argent permet de mener des opérations massives, considérables, sans jamais être au fait sur le plan sensible de ce que ces transactions impliquent. Quand on rature une ligne de budget, il y a des conséquences concrètes. Lorsque la valeur d’une action monte en Bourse, peut-être a-t-il fallu pour cela financer des dictatures, armer des seigneurs de guerre, polluer des rivières, licencier du personnel… mais on fait alors l’économie de ces considérations. Ce que je trouve intéressant, c’est comment, notamment au travers des cas de « génocides industriels » où l'on détruit des peuples pour des projets industriels et que j’évoque dans le livre, on peut, par ce biais, ne pas avoir à éprouver les sentiments de haine, de mépris et d’indifférence qui sont au cœur de ces opérations commerciales ou industrielles.

C’est comme si les grands dirigeants disposaient de structures qui haïssent par procuration. Ces dispositifs assument eux-mêmes les sentiments et les affects en cause dans le fonctionnement de l’économie. On peut ainsi être gentil avec ses employés et sa famille tout en laissant les structures elles-mêmes haïr pour soi. On peut bénéficier de l’efficacité de la violence sans éprouver le sentiment lui-même. Ça haït pour nous, ça méprise pour nous…

Mais ce patron philanthrope accepte aussi la loi de l’argent…

Oui, mais sans l’assumer. Le phénomène ne doit pas dire son nom, il doit passer pour naturel. Plutôt que de dire : « voilà le capitalisme, il est violent et je vais me comporter en conséquence », on adopte une posture perverse qui revient à laisser cette violence régner par elle-même en la maquillant d’attributs qui témoignent de la fausse conscience. On va présenter les politiques mises à l’œuvre comme relevant de la rationalité, du bon sens, du sérieux, de la normalité, du courage, de la vérité comme le disait François Fillon, ou du pragmatisme et de la modernité comme le dirait Emmanuel Macron.

Et dès lors, on va réserver les étiquettes péjoratives comme irresponsable, illuminé, brouillon, délirant ou rêveur à tous ceux qui s’éloignent de cette idéologie qui favorise les profits des multinationales, les dividendes pour les actionnaires, les paradis fiscaux ou la réduction des fonds aux services publics. On maquille des partis pris, des politiques, des modalités d’organisation en nécessités absolues pour ne pas les rendre sujettes à des débats politiques. 

Pour les défenseurs de ce système, on serait bien dans la fin de l’Histoire. Rien ne peut dépasser cette logique et tout ce qui viendrait apporter une remise en cause de l’ordre économique existant doit alors disparaître du champ public…

Pour une raison très simple : si l’on sort de cette fin de l’Histoire, il faudra s’enquérir de l’histoire de la fin. Le régime productiviste et consumériste actuel n’arrivera pas longtemps encore à tenir ses promesses. Un tel régime sur un mode mondialisé est destructeur parce qu’il est gourmand en énergies et en ressources naturelles à un point qui n’est pas soutenable pour les écosystèmes. Il faut évoquer non pas un possible effondrement, mais une érosion dans laquelle on est déjà.

Déjà, on va chercher du pétrole dans la boue de l’Ouest canadien ou dans les profondeurs de l’océan au large de l’Angola, dans des puits qui n’auraient intéressé personne voilà vingt ou trente ans. Et on en est à développer des modes nouveaux comme le solaire photovoltaïque ou les batteries de pointe qui supposent eux aussi le recours à des minerais qui sont limités, eux aussi… Tout cela n’est pas tenable. Ce régime est cancérigène et profondément malsain. Et, pour moi, le but désormais est moins de chercher à le renverser du haut de je ne sais quelle organisation que de l’accompagner activement dans sa chute, dans le but de créer d’autres organisations plus politiques et plus conscientes.

Ce système capitaliste semble avancer de façon autonome, comme un canard sans tête avançant mécaniquement vers le désastre…

La force de ce système, c’est précisément d’être sans tête. Les deux tours les plus importantes du monde s’écroulent en 2001, rien ne change ; le PDG de Total meurt à Moscou en 2014, rien ne change. Siegfried Kracauer, par exemple, avait déjà remarqué ce fait dans son livre de 1929, Les Employés. Un patron lui avait ainsi assuré que s’il se faisait écraser par un autocar, son entreprise ne verrait pas la différence parce qu’il avait intégré dans les dispositifs de fonctionnement de cette dernière des modalités de gestion qui lui permettaient de se passer de sa personne.

Face à ce régime sans tête, on ne sait plus qui décide. Et c’est ce qui explique le complotisme, qui est la réponse de ceux qui ne peuvent faire leur deuil de la politique. Coûte que coûte, ceux qui ne peuvent supporter le fait d’ignorer qui décide, remplacent la case vide dans leur imaginaire. Mais le système est très puissant précisément parce que personne ne décide. Vous aurez toujours des gens comme Patrick Pouyanné, le PDG de Total, pour vous expliquer que l’on se contente de faire son métier en respectant les lois nationales et la loi de la demande mondiale.

Mais l’absence de tête est aussi une faiblesse importante de ce régime, parce qu’il n’existe plus rien ni personne pour le brider et le réorienter. Et c’est ainsi que même certains de ses ayants droit s’inquiètent de l’évolution de ce régime. On pourrait penser à Joseph Stiglitz, évidemment, mais aussi à Larry Fink, le président de BlackRock, sur la prédation des actionnaires, ou encore à George Soros ou même à Christine Lagarde. La liste est longue de ces bénéficiaires du régime qui, dans des moments de moralité et de sincère inquiétude pour d’autres intérêts que les leurs, se demandent où va le monde. On aura de plus en plus, par à-coups, de ces prises de conscience de ce régime dysfonctionnel et extrémiste sous ses dehors modérés et normaux.

« Le changement ne survient pas avec Macron, mais avec Sarkozy »

Vous évoquez également la capacité d’adaptation de ce pouvoir…

En travaillant sur un certain nombre d’enjeux liés à Total, j’ai pu constater que le pouvoir des multinationales – qui sont elles-mêmes devenues des pouvoirs comparables à ceux des États – ne fonctionnait pas sur le mode psychotique et tyrannique de l’obéissance. C’est un pouvoir qui règne par sa capacité de s’adapter aux conjonctures. Y a-t-il un conflit russo-américain ? Eh bien, l’on passera par la Chine ! Le cours du pétrole baisse-t-il ? Tant mieux, on développera les énergies alternatives ! Monte-t-il ? On exploitera de nouvelles concessions ! On s’adapte toujours parce qu’on a généré un cadre permettant cette mobilité qui jamais ne porte atteinte aux intérêts fondamentaux de ceux qui profitent de ce système.

Mais dès lors, chacun, y compris les salariés, est responsable de ce système autonome ?

Le but du système est de faire de tout acteur social un rouage du régime. En faisant goûter sur un mode homéopathique les avantages de la haute finance aux salariés, en transformant le prolétariat en demandeurs d’emploi devant écrire des lettres de motivation, en contraignant les employés à s’autocritiquer dans les entreprises… Tous ces dispositifs lexicaux et idéologiques conduisent à faire passer le pouvoir dans l’esprit et le corps des gens qui en sont captifs.

La censure lexicale prend une place fondamentale dans cette captivité. Dans l’ouvrage, vous soulignez l’importance de la disparition de ce terme de « prolétariat ». Or ce terme, précisément, permettait une vision globale qui s’oppose à ce classement permanent des citoyens que vous évoquiez…

On retrouve ce que Erwin Goffman appelait la « mise en scène de la vie quotidienne » avec un script écrit en entreprise selon des modalités de gestion de plus en plus humiliantes. De plus en plus, on nous fait découvrir par nous-mêmes ce qu’il faut faire, en provoquant l’erreur et l’autocritique. Cela conduit les employés à intégrer de façon intime les consignes, et donc le zèle, les combines et la médiocrité pour mieux se placer. On est face à un monde qui n’est plus seulement celui de la division du travail, mais aussi celui de la division du sujet.

Les travailleurs ne sont plus des sujets qui comprennent que l’employeur profite de leur force de travail pour dégager de la plus-value, mais qui ne comprennent plus ce qu’ils font. Il en va de même pour les consommateurs pour lesquels des procédures sont mises en place par des psychologues et des neurologues. On s’adresse au sujet sans passer par la raison. Et on enrobe tout cela en faisant croire que l’on est dans un univers de liberté. Et tout le monde tombe dans le panneau.

Tout le monde fantasme sur la liberté alors que le politique ne porte que sur une chose : la détermination en commun des contraintes. La délibération sur les contraintes permet de conditionner la liberté. Ce sont ces contraintes qui doivent faire débat : un salaire maximal, une portée maximale de la fiction juridique que sont les entreprises, une meilleure répartition du temps de travail. La vie en société, c’est penser les contraintes ensemble. On en est très loin.

Comment regardez-vous la première année d’Emmanuel Macron en France ?

Je ne m’érige pas comme politiste français. Mais une chose me frappe. Nous, francophones d’Amérique, nous n’entretenons pas de rapports exotiques à l’anglais et au mode de vie américain. Nous les partageons, ils nous traversent et nous les comprenons. Et quand on a aimé la France, c’est parce que la France nous promettait autre chose que ce mode de vie. On pouvait ne pas y adhérer, mais il existait une volonté de penser l’alliage entre la vie publique et privée qui était différente. Dès lors, on est forcément meurtri face à ce qui se passe.

Pour moi, le changement ne survient pas avec Macron, mais avec Sarkozy. On a eu, pour la première fois, quelqu’un qui essayait de faire américain. Et quand on connaît très bien les États-Unis, la sociologie nord-américaine et l’anglais, cette volonté de donner des noms en anglais à toute chose comme si cela leur conférait une grandeur soudaine, ces copies d’organisation comme les primaires ou la première dame apparaissent comme des parodies. On est obligé de constater que l’on ne retrouve dans ce pays ni les formes américaines, ni ce qui faisait jadis la France. On ne retrouve que des formes insignifiantes.

Face à cette situation, que faire ? Quels sont les modes de luttes nouvelles face à un système de ce type ?

Il existe des voies qui passent par la pensée, en faisant subir une halte aux mots que l’on souhaite nous mettre dans le cerveau. Tout commence par là. Dire non à des mots comme « gouvernance », refuser l’approche clientéliste, refuser de parler de pragmatisme et de joie quand il est question du capitalisme, qui est un régime auquel on est obligé d’adhérer. Penser, c’est complémentaire d’agir.

Cette action, à mon sens, repose sur des projets pilotes, des tentatives, des essais, à petite échelle pour nous donner collectivement les modalités de demain. Ce régime ne tiendra pas ses promesses, il ment et il a besoin à flux tendu d’idéologues. Et il est vrai qu’il serait sans doute plus doux que ces idéologues disent la vérité. Mais ce n’est là qu’un discours d’intérêt déguisé en connaissance et il viendra un temps où le mensonge sera clair. Et le malaise grandira à mesure que les promesses ne seront plus remplies. Progressivement, il y aura donc une disponibilité de nos concitoyens pour des discours différents. Les expériences comme celle de la ZAD se multiplieront et deviendront des modèles.

Dès lors, l’enjeu pour nous est de s’assurer que ces moments d’ouverture ne profitent pas au fascisme. Il nous faut être aux aguets pour faire valoir à l’avance des principes d’entraide, de solidarité, de mise en commun et d’organisation démocratique. Sinon, ce sera laisser les oligarques ou les fascistes occuper l’espace.

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