Lundi 31 mars, PSA confirmait qu'une de ses anciennes employées, assistante du service direction de la communication de Peugeot, s'était suicidée. Depuis 2007, il s'agit du septième suicide d'un salarié de l'entreprise.
Cette mère de deux enfants âgée de 41 ans s'est donnée la mort le 21 mars, à son domicile d'Antony (Hauts-de-Seine). Après près de vingt et un ans chez PSA, elle s'était vue signifier son licenciement économique le 12 décembre dernier. Mais elle faisait toujours partie des effectifs du groupe, puisqu'elle profitait d'un congé de reclassement.
Selon son avocat, le suicide de cette jeune mère de deux enfants est directement lié aux conditions de son départ. « Ce plan de départ l’a laminée, elle était désespérée et s'est retrouvée seule face à son problème d’emploi pendant son congé de reclassement » », affirme Me Dominique Ozenne. Quatre jours avant de se donner la mort, le 17 mars, elle était revenue au bureau une dernière fois pour prendre ses affaires. Une visite qui l’avait alors « très affectée », selon le témoignage de sa belle-sœur.
PSA refuse de commenter les détails de l'affaire, « d'ordre privé » selon un porte-parole. Selon lui, cette salariée avait quitté l'entreprise depuis trois mois. Et si elle a été licenciée, ajoute-t-il, c'est parce qu'elle avait accepté de faire partie d'un vaste plan de départs volontaires lancé par la direction de PSA en mai 2007 pour réduire les coûts.
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« Dans une affaire de suicide au travail, on tombe toujours sur les mêmes écueils », affirme le médecin psychiatre Patrick Légeron. « D’une part, la direction de l’entreprise va essayer de mettre l’affaire sur le compte de motifs personnels, comme une dépression. D’autre part, il y a une attitude tout aussi caricaturale qui consiste à tout attribuer à l’entreprise. »
Le 12 mars, Patrick Légeron et le magistrat Philippe Nasse ont remis au ministre du Travail Xavier Bertrand un rapport sur « la détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au travail ». Une grande première en France, où le stress au travail reste largement méconnu. Il existe certes des enquêtes de la DARES et de l'INSEE. Des syndicats comme la CFDT avec l'enquête "Le travail en question" ou la CFE-CGC avec son "Baromètre" se sont penchés depuis longtemps sur le sujet. Un peu partout, des syndicalistes et des chercheurs s'intéressent aux conditions de travail. Mais les statistiques nationales manquent cruellement.
Parler des suicides au travail reste d'ailleurs largement tabou. « C'est un sujet dont on a encore du mal à parler et que l'on refuse d'aborder scientifiquement » déplore Patrick Légeron. Dans le rapport Légeron-Nasse, on apprend ainsi que l'assurance-maladie « expérimente un système de remontée d'informations pour comptabiliser les suicides au travail. » Mais « ces données ne seront pas disponibles avant un an ». Et les deux experts de demander que de telles statistiques soient « rendues publiques ». Ce qui n'est aujourd'hui pas prévu...
Pourtant , le stress au travail coûte cher à l'économie française. Selon l'INRS, le coût social du stress au travail est ainsi évalué entre 800 millions et 1,6 milliard d'euros par an. Si l'on prend en compte l'ensemble de ses conséquences (arrêts de travail, prise en charge médicale, perte de productivité...), il s'agirait même de 60 milliards d'euros selon le ministère du Travail. Enfin, selon l'assurance-maladie, un quart des arrêts de travail de deux à quatre mois ont le stress pour origine.
Dès aujourd’hui, nous ouvrons dans la partie Club une édition intitulée « Le travail en question ».
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