Le secrétaire général de l’Élysée a des liens familiaux avec les principaux actionnaires de MSC, un des premiers clients des chantiers de Saint-Nazaire. À plusieurs reprises, il s’est trouvé en position de mettre les moyens de l’État à disposition du croisiériste, avant d’aller y pantoufler.
La Sfil, une discrète banque publique qui assure les financements des bateaux achetés en France par le groupe MSC, s’est réjouie en 2020 de bénéficier du « soutien » du secrétaire général de l’Élysée. Ce dernier a des liens familiaux avec les Aponte, les principaux actionnaires de MSC.
L’enquête judiciaire pour « trafic d’influence » dans le dossier Suez-Veolia pourrait menacer, en pleine campagne présidentielle, Alexis Kohler, déjà englué dans le conflit d’intérêts du dossier MSC. Deux affaires qui mettent en cause les pratiques de certains membres de la haute fonction publique.
Le secrétaire général de l’Élysée a refusé par deux fois de répondre à la convocation de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale pour expliquer son rôle dans l’OPA de Veolia sur Suez. Son refus conforte les soupçons dans ce dossier : Suez-Veolia est bien une affaire d’État.
C’est aussi cela la traduction du conflit d’intérêts d’Alexis Kohler. Gravement touché par la crise du Covid-19, l’armateur a obtenu la suspension de tous ses remboursements de crédits pendant un an. L’État se retrouve surexposé au risque du croisiériste. Une conséquence des facilités qui ont été consenties à MSC, lequel a obtenu pendant des années « un accès à la liquidité publique » sans contrainte.
Contrairement à ce qu’il a toujours affirmé, Alexis Kohler a pu, dans toutes les fonctions qu’il a exercées au ministère des finances de 2008 à 2016, garder l’œil et même intervenir sur les dossiers intéressant l’entreprise MSC, à laquelle il est lié familialement.
Passant outre la séparation des pouvoirs, Emmanuel Macron a écrit au PNF à l’été 2019 pour disculper Alexis Kohler, au lendemain d’un rapport de police l’accablant. À la suite de cette lettre, un second rapport d’enquête a été écrit, aboutissant à des conclusions inverses. Un mois plus tard, l’enquête sera classée sans suite.
En moins d’un mois, et après la lettre d’Emmanuel Macron, les enquêteurs de la brigade de la répression de la délinquance économique ont radicalement changé d’analyse sur le cas Kohler. Un grand exercice de réécriture pour effacer les éléments compromettant le numéro deux de l’Élysée.
L’Élysée a annoncé dimanche la commande de deux paquebots par le deuxième transporteur maritime mondial. Une commande à 2 milliards d’euros pour les chantiers de l’Atlantique. Mais dans les faits, tous les risques sont pris par la puissance publique.
Saisie par Mediapart, la commission d’accès aux documents administratifs a prononcé un avis défavorable à la communication de ce document que le secrétaire général de l’Élysée aurait dû remplir lorsqu’il était administrateur du port du Havre. Mais elle laisse planer des doutes sur une déclaration qui aurait dû être confiée aux Archives nationales, selon la loi. A-t-elle jamais existé ?
La Cour des comptes a rendu public un référé sévère sur le terminal multimodal du port du Havre. Un projet décidé « à la hâte », « protégeant mal les intérêts publics » et qui « n’a pas trouvé son équilibre économique ». Alexis Kohler était administrateur du port au moment où le projet et le montage financier ont été adoptés. Il avait tout approuvé.
Lors d’une perquisition au ministère de la transition écologique et solidaire, la police judiciaire, qui souhaitait saisir la déclaration d’intérêts d’Alexis Kohler du temps où il siégeait au conseil de surveillance du port du Havre, ne l’a pas trouvée. Le document a-t-il été caché ? Ou bien le collaborateur d’Emmanuel Macron aurait-il évité de la remplir ?
Des documents embarrassants ont été saisis en juin à la direction du Trésor et en août au Grand Port maritime du Havre et au ministère des transports, mettant à mal la défense d'Alexis Kohler.
Contrairement à ce qu'il affirme, Alexis Kohler n’a pas toujours révélé ses liens familiaux avec MSC et ne s’est pas toujours déporté sur tous les dossiers concernant l’armateur italo-suisse. Des documents officiels du port du Havre, auxquels Mediapart a eu accès, montrent que le plus proche collaborateur d’Emmanuel Macron, quand il siégeait de 2010 à 2012 au conseil de surveillance du Port, a pris part aux discussions et aux votes en faveur de MSC.
Pourquoi Alexis Kohler, désormais secrétaire général de l’Élysée, a-t-il voulu à toute force devenir directeur financier de MSC et de MSC Croisières ? Numéro deux mondial du transport de marchandises et grand croisiériste, possesseur de terminaux portuaires, l’armateur italo-suisse est certes une puissance. Mais il est aussi adepte des paradis fiscaux, du secret des affaires, des collusions politiques, évoluant dans un environnement où rôdent des ombres dangereuses. Enquête sur une énigme qui cache la part d’ombre de la mondialisation.
Jamais ils n’ont été avertis des liens familiaux du secrétaire général de l’Élysée avec MSC, jamais ils n’ont su qu’il s’était déporté sur le sujet, témoignent auprès de Mediapart de hauts fonctionnaires de Bercy. Ignorant tout de sa situation, ils lui ont adressé sans précaution toutes les notes. Et elles ont été nombreuses. Des perquisitions ont été menées mercredi à Bercy, notamment dans les bureaux de la commission de déontologie.
Le parquet national financier a indiqué lundi 4 juin avoir ouvert une enquête à la suite de la plainte déposée par Anticor pour prise illégale d’intérêts et trafic d’influence contre le secrétaire général de l’Élysée. Après nos révélations, les agissements du bras droit d’Emmanuel Macron dans le dossier MSC, société avec laquelle il a de nombreux liens familiaux, sont au cœur de l’enquête.
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