Le nouveau grand rabbin de France est lui aussi adepte du « copier-coller »

Mediapart révèle que dans deux de ses livres, Haïm Korsia, élu grand rabbin de France le 22 juin, a recopié des passages entiers d’autres ouvrages, sans les citer. L’affaire pourrait faire du bruit au sein de la communauté juive, encore secouée par la démission en avril 2013 de Gilles Bernheim, précédent grand rabbin qui avait tenté de camoufler ses propres « emprunts » et revendiqué à tort une agrégation de philosophie.

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Il est des mots qui déclenchent une nervosité certaine au sein des instances dirigeantes du judaïsme français. Des mots que les membres du consistoire, qui organise la vie des communautés juives dans l’Hexagone, auraient aimé ne pas voir s’agiter autour du tout nouveau grand rabbin de France, Haïm Korsia, élu à ce poste le 22 juin. Et pourtant, des termes comme « emprunts », « paraphrase », « copier-coller », voire « plagiat », circulent depuis quelques jours à propos de deux livres de celui qui a été choisi justement pour faire oublier les errements de son prédécesseur Gilles Bernheim. Ce dernier a démissionné en avril 2013, après avoir admis que ses livres et ses discours contenaient plusieurs plagiats, et que le titre d’agrégé de philosophie qu’on lui accordait généreusement était inventé (toute l’affaire est reprise chronologiquement sur le site de l’universitaire retraité spécialisé dans le plagiat, Jean-Noël Darde).

Les premières accusations publiques contre Haïm Korsia ont été portées par un blog anonyme intitulé « Ligue juive contemplative ». Ses auteurs ont interpellé Haïm Korsia à plusieurs reprises avant et après l’élection, puis ont dépublié leurs billets. Selon nos informations, ils ont aussi alerté par e-mail le consistoire avant l’élection. Ces mises en cause ont été prises au sérieux par les dirigeants du judaïsme français, mais elles ont été rapidement désamorcées par le candidat Korsia, qui a apporté des réponses jugées rassurantes.

Pourtant, Mediapart a étudié de près les deux livres litigieux – l’un destiné au grand public, l’autre d’exégèse religieuse –, et y a trouvé de fortes similitudes avec d’autres sources, généralement non créditées par l’auteur. Sollicité pour s’expliquer, le grand rabbin a confié à son entourage le soin de nous répondre, dans une longue lettre (disponible ici), dont nous reprenons de larges éléments dans cet article. La réponse ne conteste pas les reprises repérées, mais minimise leur importance. « Les citations en question ont pour point commun de ne porter à chaque fois que sur des éléments factuels, biographiques et ayant un rapport contextuel au sujet, et jamais d’éléments structurants pour le travail de recherche », indique ce texte.

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Jacques Chirac et Haïm Korsia, en 2009. © Reuters - Bob Edme

Le premier ouvrage concerné est paru en 2006. Être juif et français – Jacob Kaplan le rabbin de la République (Éditions Privé, 2006) est la biographie du grand rabbin de France de 1944 à 1980, dont l’attachement à la République et l’attention portée aux autres religions et à tous les courants du judaïsme français sont revendiqués comme des valeurs fondatrices par Haïm Korsia. L’ouvrage a été préfacé par Jacques Chirac, alors président de la République, dont Korsia est souvent présenté comme proche. Le livre, paru en 2006, est une version simplifiée de la thèse de doctorat du rabbin, soutenue la même année à l’université de Poitiers.

Selon les décomptes de Mediapart, après des comparaisons forcément artisanales et incomplètes, réalisées principalement grâce au moteur de recherche Google Livres, la biographie de Jacob Kaplan comprend une bonne dizaine de passages présentant des ressemblances importantes avec d’autres sources, assez diverses. Certains font quelques lignes à peine, d’autres dépassent une page. Selon les cas, des paragraphes sont repris à l’identique ou presque, ou bien le « modèle » est largement paraphrasé. Quelques-uns de ces passages ont été évoqués sur le blog de la « ligue juive contemplative », d’autres non. Tous les passages litigieux repérés par Mediapart sont listés en page 5 de cet article, certains étant consultables directement grâce aux montages réalisés par nos soins.

Certes, pour un livre de près de 400 pages, ces emprunts sont très loin de constituer la partie principale du livre de Haïm Korsia, qui a réellement travaillé et écrit sur la vie de Jacob Kaplan. C’est ce que n’a pas manqué de nous répéter à plusieurs reprises l’entourage du grand rabbin, et notamment Moché Lewin, rabbin du Raincy (Seine-Saint-Denis), directeur exécutif de la Conférence des rabbins européens, porte-parole et ancien directeur de campagne de Haïm Korsia, avec qui nous nous sommes entretenus plusieurs fois (voir notre boîte noire).

En privé, plusieurs représentants officiels du judaïsme estiment eux aussi que ces cas ne pèsent pas lourd dans l’ensemble du livre. Sans doute. Mais ces faits, dont des échos plus ou moins bien renseignés tournent à bas bruit dans la communauté depuis plusieurs jours, ne sont pas anodins dans le contexte troublé suivant la démission de Gilles Bernheim. Au minimum, le bruit médiatique que pourrait déclencher la révélation de ces nouveaux recopiages méritait réflexion pour un homme qui postulait à une fonction demandant une forte autorité morale.

Un des exemples les plus frappants des emprunts relevés par Mediapart concerne un passage comparant les parcours d’Emmanuel Levinas et de Léon Askénazi, dit « Manitou », un penseur juif de la même époque. Sur une page environ, Haïm Korsia a en fait repris très fidèlement le contenu d’une conférence tenue en 2000, explorant les ressemblances entre les deux intellectuels, et accessible sur le site internet personnel de son auteur, Georges Hansel. Cette conférence a ensuite été reprise en 2005 dans le quatrième numéro des Cahiers d’Études Lévinassiennes. C’est cette version que nous avons utilisée pour comparer les deux textes.

  • Ci-dessous, les emprunts de Korsia sont encadrés en rouge, et sa source est encadrée en vert. Les mots sont extrêmement proches, seules quelques expressions sont remaniées par le rabbin, qui a aussi procédé à quelques coupes :
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Des textes « factuels et publics » ?

Modifier légèrement les phrases et piocher dans une matière abondante les passages les plus intéressants : cette méthode a manifestement été employée plusieurs fois au cours de l’élaboration du livre. À chaque fois, à notre connaissance, pour des passages où le livre s’éloigne de la vie même de Jacob Kaplan et donne des éléments de contexte ou de compréhension plus généraux.

C’est ainsi qu’un autre colloque, tenu en octobre 2003, a été exploité pour décrire l’expansion des commerces cacher à Paris. L’intervention de Lucine Endelstein, doctorante en géographie à l’université de Poitiers, a été largement reprise par Haïm Korsia. Là aussi, les similitudes sont frappantes :

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Pour l’entourage du grand rabbin, les deux textes cités ici sont des « éléments biographiques et factuels publics ». Or, il est justement permis de discuter de leur statut public. Ils sont certes disponibles en quelques clics sur internet. Mais cela ne signifie pas que leurs auteurs sont d’accord pour être quasiment recopiés sans être cités.

D’autres passages repris dans Être juif et français ne sont d’ailleurs pas disponibles aussi facilement sur internet. C’est par exemple le cas d’une longue phrase de l’historien Michel Winock qui évoque « la fierté juive, ressentie sans complexe, et particulièrement par les séfarades » à partir des années 1960 en France. Selon nos recherches, cette phrase, reprise presque telle quelle par Haïm Korsia, est initialement parue en octobre 2002 dans la revue L’Histoire.

Mais même lorsque la source a été citée par l’auteur, des paraphrases trop fidèles peuvent être problématiques. Il en va ainsi du livre L’Étoile et la Francisque, paru en 1990 aux éditions du Cerf sous la signature de Maurice Moch et d’Alain Michel. Cet ouvrage, qui explore l’attitude des autorités juives de France face à Vichy, est listé dans la bibliographie du livre de Haïm Korsia, parmi des dizaines d’autres. Une recension discrète qui ne donne pas la mesure des emprunts effectués, ceux-ci apportant la matière à plusieurs pages du livre sans que cela soit mentionné explicitement. En tout, quatre passages distincts paraissent avoir été écrits en suivant fidèlement L’Étoile et la Francisque (voir en page 5).

« Le grand rabbin aurait dû indiquer directement les pages de références de mon livre »


Le cas le plus spectaculaire se trouve pages 111 et 112 de la biographie de Jacob Kaplan, qui renvoient directement aux pages 91 à 97 du livre de Moch et Michel :

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Interrogé sur ces pratiques, l’entourage du grand rabbin a fait savoir que « c’est le propre d’un travail universitaire que de s’appuyer sur des recherches antérieures qui sont alors mentionnées dans le corps du texte ou a minima en bibliographie, ce qui est le cas ». Un avis qui est loin d’être partagé par l’historien Alain Michel (qui avait repris et retravaillé le manuscrit non finalisé de Maurice Moch, décédé, pour publier le livre).

Sollicité par Mediapart, celui-ci nous a fait parvenir la réponse suivante par e-mail : « Je réagis aux rapprochements que vous avez effectués entre mon livre L’Étoile et la Francisque (Le Cerf, 1990) et des passages de l’ouvrage du grand rabbin Korsia, pour lequel je tiens à affirmer tout d’abord que j’ai beaucoup d’estime. Cependant, il n’y a aucun doute que plusieurs passages de son livre Être juif et français sont directement des "copier-coller" de l’ouvrage que j’avais écrit sur la base du manuscrit et des archives de Maurice Moch. Même si quelques mots ont été changés, l’ensemble est bien puisé directement de L’Étoile et la Francisque. Il est tout à fait normal pour un auteur de se servir des recherches de ses devanciers mais, en l’occurrence, le grand rabbin Korsia aurait dû pour ces passages indiquer directement les pages de références de mon livre, et ne pas se contenter de me citer de manière générale dans la bibliographie. »

Comment expliquer que ces passages, repérés par les yeux non avertis de Mediapart, n’aient pas déclenché d’inquiétude majeure au sein de l’équipe du candidat Korsia, ni même du consistoire ? Selon nos informations, les blogueurs anonymes de la « Ligue juive contemplative » ont envoyé plusieurs e-mails au consistoire quelques jours avant l’élection, pour dénoncer de possibles plagiats, en demandant que le candidat se retire.

« Nous avons rappelé il y a quelque temps à M. Haïm Korsia qu’il était l’auteur de nombreux plagiats. Afin de ne pas revivre un grand déballage, nous lui conseillions de se retirer et d’éviter une disgrâce à sa personne et à l’institution qu’il souhaite diriger, menaçait le texte. (…) Inutile de nous étendre sur le risque inconsidéré que constituerait un autre grand rabbin de France plagiaire. En réalité, la faute impardonnable n’est pas tant d’avoir commis ces plagiats que les mensonges qui vont avec. »

« Les taux de similitude étaient très faibles »

Au sein du consistoire, on confirme avoir reçu ces messages, et surtout, avoir demandé des explications au candidat. « Avant même l’élection, nous avions vu passer quelques e-mails anonymes mettant en cause le grand rabbin, indique Élie Korchia, avocat, vice-président du consistoire de Paris et président de la commission électorale qui a veillé au bon déroulement du scrutin. Mais Haïm Korsia nous a lui-même personnellement assuré qu’il avait soumis ses livres au logiciel spécialisé Compilatio, et nous a présenté les rapports d’analyse produits par le logiciel. À partir du moment où le grand rabbin avait pris les devants, et qu’il n’y avait pas de problème sur le plan juridique, il n’y avait pas lieu d’aller plus loin. »

Le logiciel Compilatio est en effet l’outil de référence à l’université pour vérifier que les étudiants et les chercheurs ne copient pas trop généreusement des sources déjà existantes. Il permet d’évaluer le pourcentage de similitudes entre un texte produit et tous ceux qui existent déjà. Dans le cas des livres de Haïm Korsia, « les taux de similitude étaient très faibles », fait-on savoir au consistoire.

Le 27 mai, celui qui n’était alors que candidat à l’élection s’était exprimé publiquement sur Radio Shalom, au micro de Pierre Gandus. À la fin du quart d’heure d’émission, il a répondu à une accusation de plagiat. Quelques jours plus tôt, la « Ligue juive contemplative » l’avait interpellé sur twitter, en évoquant un autre livre, paru en 2011 : dans son introduction, Korsia cite une phrase d’Henri Guaino, dont les blogueurs pensaient avoir débusqué la source dans une interview du responsable politique au Parisien. Haïm Korsia leur avait répondu directement le 14 mai :

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Sur Radio Shalom, il évoque à nouveau rapidement le cas d’Henri Guaino, invoque l’« institut Compilatio », et s’affirme tout à fait en règle. Au passage, il se flatte d’être le seul des cinq candidats au poste de grand rabbin à avoir écrit « de nombreux ouvrages ». Remarquons qu’il se garde de répondre directement à la question des plagiats, indiquant simplement que Compilatio « a vérifié tous [s]es ouvrages ».

Les rapports établis par Compilatio sont donc un élément clé de la défense du grand rabbin. Mais malgré nos demandes, Mediapart n’a pourtant pas pu les consulter pour l’heure. Par ailleurs, comme nous l’a précisé le fabricant du logiciel, Compilatio ne sait pas détecter la paraphrase bien réalisée, dès lors qu’elle dépasse « quatre ou cinq mots ». « Compilatio relève principalement les “copier-coller”, c’est-à-dire la forme la plus extrême, la plus grotesque, du plagiat, alors qu’il y a trente-six façons de plagier », souligne Jean-Noël Darde, traqueur acharné des cas de plagiat dans le monde universitaire. Mais même lui accorde « des circonstances atténuantes » au grand rabbin, compte tenu de la rapidité avec laquelle le recopiage s’est répandu à l’université. « La copie, le plagiat, font malheureusement désormais partie du paysage français, il n’y a plus de repères dans ce domaine », déplore-t-il.

Le directeur de thèse de Korsia, dont le commentaire nous a été transmis par le grand-rabbinat, estime pour sa part qu’il n’y a rien à reprocher à son étudiant. Paul Lévy était à l’époque directeur de l’UFR de sciences humaines de l’université de Poitiers, et est aujourd’hui président de la communauté juive de Tours. « Son mémoire de thèse compte plus de 550 notes infrapaginales et 300 références bibliographiques », indique-t-il à propos de Haïm Korsia. Il décompte « trois à quatre citations n’ayant pas été créditées » et ne voit là « rien d’exceptionnel ni de condamnable compte tenu de leur place marginale dans ce travail remarquable ».

Les subtilités de la définition juridique du plagiat

L’entourage de Korsia le martèle : « Les citations en question, ont pour point commun de ne porter à chaque fois que sur des éléments factuels, biographiques et ayant un rapport contextuel au sujet, et jamais d’éléments structurants pour le travail de recherche. » Et il est fort possible que cette défense soit recevable sur le plan juridique. Il est en effet extrêmement ardu de démontrer légalement qu’un plagiat a eu lieu. Comme le rappelle dans un livre très éclairant (Du plagiat, Gallimard, 2011) la spécialiste du plagiat Hélène Maurel-Indart, professeur de littérature à l’université de Tours, pour constituer le plagiat, il faut démontrer qu’il y a contrefaçon.

Or, c’est loin d’être évident, comme Mediapart l’avait raconté lors d’un récent procès intenté à Alain Minc : seule l'œuvre originale – la composition, l'expression – est protégée, au contraire des données brutes, des faits, mais aussi des idées et des opinions, qui relèvent toutes du domaine public. Juridiquement, un plagiat est démontré lorsque sont reprises « des phrases tournées d'une manière particulière, qui ne s'impose pas par le sens seulement mais aussi par la personnalité de l'auteur, ou par certains choix de mots, inattendus... », résume Hélène Maurel-Indart.

Le disciple et le maître recopié

Des nuances qui devraient plus difficilement pouvoir être soulevées dans le cas du deuxième livre qui présente des similitudes importantes avec une autre source. Elles sont d’une tout autre ampleur, même si le grand rabbin apporte des explications crédibles sur les faits. Selon nos constatations, au moins une quinzaine de pages (soit plus d’un dixième du livre) de La Kabbale pour débutants, paru en 2007 aux éditions Trajectoire, sont des décalques quasiment purs de pages publiées en 2001, par le même éditeur, dans le livre L’Homme, espoir de Dieu, d’Emmanuel Chouchena.

Les similitudes entre les deux livres sont très nombreuses, et concernent de très longs passages. (Toutes les références sont à retrouver en page 5.) En voici deux exemples :

La page 46 du livre de Haïm Korsia est presque entièrement composée de passages des pages 52 et 53 du livre d’Emmanuel Chouchena.  

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Et  toute la page 118 est une reprise de paragraphes issus des pages 247, 267 et 251 du livre « source ».

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En fait, Haïm Korsia a été un des plus proches disciples d’Emmanuel Chouchena. C’est lui qui aurait fait le lien entre la maison d'édition et son « maître », œuvrant pour que le livre se fasse, alors que le rabbin Chouchena était déjà malade. L’avant-propos signale qu’il « a relu et corrigé les épreuves ». Contactée par Mediapart, la maison d’édition confirme que « Haïm Korsia a travaillé sur l'ouvrage d'Emmanuel Chouchena et en a fait [la] relecture ». C'est même lui qui « a signé la quatrième de couverture de L'Homme, espoir de Dieu ».

En réalité, il a fait bien plus, selon Thomas Sertillanges : « À la suite des interviews avec le rabbin Chouchena, une trentaine d’heures à Paris et à Jérusalem, j'ai rédigé l'ouvrage tout en laissant des “blancs” car certains aspects un peu “techniques”, ceux relatifs à la Kabbale et sur d'autres points aussi de la loi et de la foi juives m'échappaient, explique-t-il à Mediapart. Comme cela était prévu dès l’origine, Haïm Korsia a comblé les vides. » Ce que confirme aussi Jean-Pierre Delville, ex-président de la maison d'édition Trajectoire, dans une attestation fournie par l’entourage du grand rabbin.

Pour l’auteur des entretiens avec Chouchena, il est donc « tout a fait naturel et logique » que « développant la thématique de la Kabbale dans un autre ouvrage de vulgarisation publié chez le même éditeur, Haïm Korsia ait repris certains passages qu’il avait déjà rédigés ». Sertillanges « précise enfin que cela a été fait avec mon plein accord, en toute transparence et sans aucune ambiguïté ».

Pour autant, ni la maison d’édition, ni le grand-rabbinat n’ont été en mesure de nous fournir un document confirmant que ces larges emprunts ont été faits avec l’accord de l’éditeur, ou avec celui du rabbin Chouchena ou de ses ayants droit. Le procédé n’est pas non plus explicitement mentionné dans le livre de Haïm Korsia, qui s’est contenté d’une dédicace, ambiguë à souhait : « Remercier, c’est dire que l’on ne fait pas tout, tout seul. Je remercie l’Éternel qui guide nos rencontres et m’a fait la grâce de connaître et d’apprendre avec le grand rabbin Emmanuel Chouchena, dont la pensée inspire chaque ligne de ce livre. »

Un journaliste mis sous pression

Officiellement donc, tous ces éléments n’inquiètent pas le grand rabbin. Mais en coulisses, une réelle tension est perceptible. Dans son entourage, on ne fait pas mystère de soupçonner que les attaques viennent de la frange la plus orthodoxe du judaïsme français, qui ne se reconnaîtrait pas dans la figure d’un grand rabbin médiatique, et ouvert à tous les courants de la société. Certains croient voir dans les blogueurs anonymes de la « ligue contemplative » un retour du collectif « Jean Néhorey », tout aussi anonyme, qui avait beaucoup œuvré pour dévoiler les plagiats de Gilles Bernheim, et n’hésitent pas à faire le lien, dénonçant à mots couverts une entreprise orchestrée de déstabilisation des figures jugées les plus libérales du rabbinat.

« Ces accusations ont été formulées dans les derniers jours de la campagne pour l’élection : leur visée évidente était de délégitimer [une] candidature à la veille d’une élection cruciale pour l’avenir des Juifs de France, attaquent les proches de Korsia. Nous ne sommes donc pas face à un défenseur de la vertu ou de la vérité mais à un calomniateur dont l’objectif explicite et répété était de torpiller une candidature. »

Les couteaux sont désormais tirés. Selon nos informations, des membres de l’entourage du rabbin ont essayé de se renseigner sur l’identité réelle des auteurs de la « Ligue juive contemplative ». Sans trop regarder aux méthodes, puisqu’un journaliste travaillant pour un média communautaire a été ciblé et a subi des tentatives d’intimidation, personnelles et professionnelles. À notre connaissance, il n’a pourtant joué aucun rôle dans cette affaire.

La liste des références d'emprunts

 Voici la liste des références d'emprunts,
copies et paraphrases constatées par Mediapart :

Dans le livre Être juif et français – Jacob Kaplan, le rabbin de la République (Privé, 2006) :

– Reprises de  L’Étoile et la Francisque, de Maurice Moch et Alain Michel (Éditions du Cerf, 1990)

  • pages 101-102 :  reprise de la page 42
  • p. 102-103 : reprise de la page 48
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  • p. 107 : reprise des pages 72-73
  • p. 111-112 : reprise des pages 91-97
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– Autres reprises :

  • p. 177-178 : conférence de Georges Hansel, le 30 janvier 2000, disponible ici (également publiée dans Les Cahiers d’Études Lévinassiennes n°4, 2005, p. 275-278).  
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  • p. 245 : Histoire du rabbinat français, Roger Berg (Éditions du Cerf, 1992), p. 116
  • p. 247 : Article de Colette Zytnicki, Archives juives, volume 31/2, 1998, p. 106
  • p. 250 : Les juifs originaires d'Afrique du Nord, acteurs du développement du commerce cacher aujourd'hui, intervention de Lucine Endelstein (disponible ici), doctorante en géographie à l'université de Poitiers. Octobre 2003
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  • p. 251 : Émancipation et exclusion – La France et la question juive, article de Michel Winock, dans la revue L'Histoire, octobre 2002.   
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  • p. 362 : Tentations et actions de la conscience juive, VIe et VIIIe colloques d'intellectuels juifs de langue française organisés par la Section française du Congrès juif mondial (Presses universitaires de France, 1971), p. 46
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Dans le livre La Kabbale pour débutants (Trajectoire, 2007) :

– Reprises de L'Homme, espoir de Dieu – Judaïsme et kabbale pour le monde d'aujourd'hui, de Emmanuel Chouchena et Thomas Sertillanges (Trajectoire 2001)

  •  pages 21-25 : reprises des pages 15-20
  •  page 46 : reprise des pages 52-53
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  • pages 82-85 : reprises des pages 74-75 et 79-86
  • pages 88-89 : reprises des pages 89-90
  • p. 118-121 : reprises des pages 247, 267 et 251-255 
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  • p. 123-124 : reprises des pages 296-297

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