Sur le papier, les parlementaires peuvent désormais se constituer en Haute Cour et destituer un président de la République, «en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat». C'est l'objet de l'article 68 de la Constitution, introduit en février 2007 (en «contrepartie» de l'immunité pénale offerte au chef de l'Etat). Mais depuis trois ans, aucune loi organique, censée venir de Matignon, n'a jamais fixé les «détails» de cette procédure: le gouvernement a laissé la réforme en jachère, inapplicable en l'état. Au grand dam des socialistes, la destitution pour faute politique est restée une arme virtuelle.
Jeudi 14 janvier, au Sénat, ces derniers ont donc tenté de combler le vide juridique et imposé à l'ordre du jour une proposition de loi organique de leur cru, concoctée par François Patriat et «visée» par Robert Badinter. Minoritaires au palais du Luxembourg, les socialistes n'avaient aucun espoir de la faire adopter, mais voulaient mettre les pieds dans le plat, aiguillonner le gouvernement, le contraindre à prendre la plume.
De fait, si leur proposition a été balayée (plus précisément renvoyée en commission), la ministre de la justice, Michèle Alliot-Marie, a promis un texte pour «le deuxième trimestre 2010», après les élections régionales. Le président UMP de la commission des Lois, Jean-Jacques Hyest, reconnaissant une «lacune manifeste», a d'ailleurs relayé la pression socialiste: «Si le gouvernement n'a rien déposé d'ici juin, nous reprendrons la proposition de François Patriat», affirmait-il dans les couloirs, ajoutant qu'il faudrait largement... l'amender.
Car au fond, dès qu'il s'agit de décliner l'article 68 de la Constitution dans le détail, le PS et l'UMP ne sont plus du tout d'accord. La révision de 2007 – rappelons-le – s'était contentée de dessiner à grands traits la procédure. En résumé: la destitution doit être prononcée par le Parlement réuni en Haute Cour; celle-ci ne peut être convoquée qu'après le vote d'une résolution par les deux chambres (l'Assemblée nationale d'un côté, le Sénat de l'autre); les deux décisions clés (réunion de la Haute Cour, puis destitution) sont prises à la majorité des deux tiers...
Au-delà, c'est le grand flou: combien faut-il d'élus signataires, au départ, pour qu'une proposition de saisine de la Haute Cour soit soumise au vote de l'Assemblée et du Sénat? Combien de fois un parlementaire, au cours de son mandat, peut-il parapher une telle demande? Quels délais imposer?... Selon ses réponses, le législateur introduit plus ou moins d'obstacles, facilite ou non le déclenchement de la procédure.
Or, pour Jean-Jacques Hyest (UMP), la copie rédigée par le PS «n'apporte pas les garanties suffisantes pour éviter des usages politiciens». Egalement hostile à une «banalisation» de l'article 68, Michèle Alliot-Marie a fait comprendre jeudi que son projet de loi organique serait bien plus «exigeant» que la version socialiste. «On ne saurait faire [de la demande de destitution] une tribune contre le Président de la République du moment, a-t-elle lancé. (Le chef de l'Etat) n'est pas responsable devant le Parlement. Si la procédure le conduit à rendre des comptes devant les Assemblées, la cohérence de nos institutions est altérée!»
Alors que le PS avait prévu un seuil minimal de 60 signatures (de sénateurs ou de députés), indispensable pour qu'une proposition de saisine de la Haute Cour soit soumise au vote des assemblées, Michèle Alliot-Marie a répliqué jeudi qu'il faudrait «un nombre plus important de parlementaires»... Jean-Jacques Hyest (UMP), entre les lignes, a par ailleurs suggéré que les élus disposent d'une seule cartouche, au cours d'un même mandat présidentiel.
Dans les couloirs, il jugeait en plus nécessaire d'accorder aux bureaux de l'Assemblée et du Sénat le pouvoir de tuer dans l'œuf toute initiative «abusive»:
#FREEMORTAZA
Depuis le 7 janvier 2023 notre confrère et ami Mortaza Behboudi est emprisonné en Afghanistan, dans les prisons talibanes.
Nous ne l’oublions pas et réclamons sa libération.