- L’ammoniac, allié numéro un de l’agro-industrie
Loin de nous être étranger, l’ammoniac n’est pas un simple élément de jargon scientifique. Naturellement présent dans notre corps, il se dégage dans l’environnement sous forme gazeuse. Le NH3 se libère ainsi par la décomposition dans le sol de matières organiques, produites par les végétaux et les animaux. Leurs déjections constituent la plus grande part du gaz dans l’air. Mais, depuis un siècle, l’ammoniac est, aussi, un produit industriel.
En 1909, la première tonne d’ammoniac de synthèse est créée dans le but de concevoir des explosifs, mais aussi d’industrialiser l’agriculture paysanne. Ce NH3, précieux fertilisant pour les cultures, promet de hauts rendements. Jusqu’à l’overdose. Un siècle plus tard, 130 millions de tonnes d’azote sont ainsi vendues dans le monde sous forme d’engrais minéraux. Dispersés sur les cultures, ils dégagent de l’ammoniac dans l’air, comme lors de l’épandage de lisiers (déjections du bétail utilisées comme fertilisants). L’ammoniac forme ensuite des particules très fines capables de passer la barrière pulmonaire pour atteindre la circulation sanguine.
Elles sont identifiées comme la cause de 48 000 décès prématurés en France, selon Santé publique France. Le Sénat, en 2015, en évaluait le coût à 100 milliards d’euros. Des angles morts dans la littérature scientifique et les outils de mesure laissent toutefois penser que ces chiffres sont sous-évalués.
- La Bretagne, première région émettrice d’ammoniac en France
Chaque cercle de la carte interactive présentée dans cet article et ci-dessous correspond aux émissions déclarées en 2019 par les exploitations agricoles et les usines soumises à la directive relative aux émissions industrielles (IED). Pour les exploitations agricoles (95 %), seuls les porcheries de plus de 2 000 têtes et les poulaillers de plus de 40 000 emplacements sont concernés, pas les élevages bovins.
Les données sont donc partielles, certaines émissions n’apparaissent pas sur la carte : celles des exploitations moins grandes et celles qui rejettent moins de 10 tonnes d’ammoniac par an (le seuil déclaratif).
Et, comme le montre notre enquête, certains industriels ne respectent pas leur obligation de déclaration. Le groupe chimique norvégien Yara, qui exploite une usine d'engrais à Montoir-de-Bretagne (Loire-Atlantique), ne figure pas sur la carte. En 2019, Yara a déclaré 0 tonne d’ammoniac pour ce site. Pourtant, entre 2003 et 2018, il a émis 161,8 tonnes en moyenne chaque année, soit bien plus que les plus grands émetteurs figurant sur la carte.
Les émissions sont aussi présentées à l’échelle des intercommunalités. Ici, les données proviennent du recensement agricole et comprennent les émissions dues aux engrais organiques (lisier, fumier) et minéraux (ammonitrate).
La moyenne des données du système de surveillance atmosphérique Copernicus du 15 mars au 15 avril 2020 révèlent les zones où la concentration de l’ammoniac dans l’air était la plus forte. Cette période correspond à un pic de pollution attribué aux épandages qui avait nécessité le déclenchement d’une alerte aux particules fines, en plein confinement.