Sur le parvis de la mairie de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), au nord de Paris, des manifestants se rassemblent sous un ciel gris d’automne. Malgré le confinement, ces militants se réunissent, mardi 17 novembre après-midi, pour dénoncer les menaces que font peser les chantiers en lien avec les Jeux olympiques de Paris 2024 sur le territoire du département. Des pancartes colorées aux slogans accusateurs « La misère est olympique » ou drôles « Don’t you know that your toxic », en référence au hit de Britney Spears, s’élèvent au-dessus de la foule.

Mais l’ampleur du rassemblement est directement affectée par le confinement. « Ce n’est pas évident d’organiser une manifestation pendant cette période, concède Marianna Kontos, membre du comité citoyen de vigilance des JO-2024 et co-organisatrice de la manifestation. Mais la loi le permet. On a vérifié la légalité de notre démarche avant tout. » Une attestation spécifique a d’ailleurs été distribuée en verso du tract rappelant les principales revendications des associations. Elle précise qu’il est autorisé de participer à « tout rassemblement, réunion ou activité sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public, qui n’est pas interdit et organisé dans des conditions de nature à permettre le respect des dispositions de l’article premier du décret ».
Ce 17 novembre, les membres d’organisations et les riverains, presque tous masqués, sont venus exprimer leur colère dans la rue. « L’idée est de résister sur les lieux qui sont menacés par des projets dangereux au niveau social et écologique », détaillent les organisateurs. Parmi eux : l’expulsion d’un foyer de travailleurs migrants, la destruction de 70 000 m2 du parc Georges-Valbon à La Courneuve pour construire le cluster des médias, la création d’un diffuseur autoroutier de l’A86 complet à cinq bretelles à proximité immédiate d’un groupe scolaire, la transformation de la tour Pleyel en hôtel de luxe, même si ce projet n’est pas directement lié aux J.O, la disparition de nombreuses parcelles de jardin, notamment les jardins ouvriers vieux de cent ans détruits au Fort d’Aubervilliers remplacés par une piscine d’entraînement… « Les travaux des projets ne sont pas confinés eux. Certains ont déjà commencé, d’autres pourraient être mis en route dès le printemps », précisent les associations dans leur communiqué.
Le cortège, composé d’environ 150 personnes selon les organisateurs, emprunte le boulevard Jean-Jaurès, en direction de la tour Pleyel. Le groupe va faire un détour à travers le futur village olympique en chantier puis terminera son parcours au carrefour Pleyel. Solitaire parmi la foule, Roxane brandit une affiche dénonçant « la réintoxication du monde ». Une initiative nationale du même nom avait été lancée à la sortie du premier confinement, le 17 juin, impulsée par une large coalition formée de plus de quatre-vingts collectifs. L’idée générale étant de défendre des lieux menacés par des projets d’ampleur. Et ce, même en pleine pandémie. « Je pense qu’il est essentiel de se mobiliser pour défendre nos droits fondamentaux, assure l’étudiante en architecture de 21 ans, dont seuls les yeux, coincés entre sa frange et son masque chirurgical, sont visibles. Particulièrement dans la période que nous connaissons. »

Un constat partagé par de nombreux militants. « Le confinement ne fait qu’isoler davantage, se désole Marco, 52 ans, membre du collectif pour le Triangle de Gonesse (CPTG) qui fustige le projet de l’installation d’une gare sur des terres agricoles, jugé inutile par le collectif. Pour mener les luttes contre ceux qui se placent avant tout dans une logique marchande, comme c’est le cas avec le projet Grand Paris, il est nécessaire de braver le confinement. En gardant les distances de sécurité et en respectant les gestes barrières. Mais c’est un combat fondamental », défend-il alors que les coups de tambour de la fanfare redoublent d’intensité.

L’affluence de la manifestation du jour est plus importante que prévu. « On est hyper contents, se réjouit Hugo Coldeboeuf, 33 ans, membre du collectif de défense des jardins ouvriers d’Aubervilliers, qui participe à l’organisation de l’événement. Les gens se sont mobilisés alors que nous sommes mardi, en pleine semaine. Ce n’est, en plus, que la première action du genre, on reprend tout juste les toxic tours, c’est encourageant pour la suite. » Ces toxic tours sont des visites guidées des lieux de pollution de Seine-Saint-Denis. Ils sont destinés à sensibiliser les habitants sur les projets néfastes présents sur le territoire.
Au même moment, des actions « contre la réintoxication du monde » étaient menées dans quatorze villes hexagonales. Notamment à Montpellier (Hérault) où une soixantaine de personnes étaient réunies sur le site de l’îlot Vergne pour dénoncer l’installation d’un vaste projet immobilier en plein cœur du quartier populaire de Figuerolles.
Mobilisation #citoyenne ce midi sur le site de l Îlot Vergne au cœur du quartier #Figuerolles à #Montpellier contre 1 projet #immobilier prévu sur place ! #Ecologie #immobilier #EspacesVerts #environnement pic.twitter.com/W2csau78JB
— le mouvement (@lemouvementinfo) November 17, 2020
Le même jour, le collectif « Oxygène » conviait les Montpelliérains à participer à une manifestation en ligne pour réclamer un moratoire sur l’installation de la zone commerciale « Oxylane » à Saint-Clément-de-Rivière, une commune située en périphérie de Montpellier. Le collectif dénonce le danger de l’artificialisation des terres. En juin 2020, la Convention citoyenne pour le climat a proposé une mesure radicale pour lutter contre l’artificialisation des sols et l’étalement urbain : « Prendre immédiatement des mesures coercitives pour stopper les aménagements de zones commerciales périurbaines très consommatrices d’espace. »
Ce à quoi le président de la République, Emmanuel Macron, avait répondu le même jour : « Vous préconisez d’instaurer un moratoire sur les nouvelles zones commerciales en périphérie des villes, allons-y ! Allons-y, agissons ! » Avant d’ajouter : « Arrêter la bétonisation, c’est un projet pour rendre notre pays plus humain, au fond plus beau. » À Saint-Denis, les manifestants ne pourraient pas être plus d’accord.