L'affaire de l'UIMM n'a pas fini d'éclabousser le patronat français. Interrogé mercredi 16 avril par le juge Roger Le Loire, qui enquête sur la «caisse noire» de l'Union des industries et métiers de la métallurgie, Denis Gautier-Sauvagnac (dit DGS), mis en examen depuis le 15 janvier pour «abus de confiance», «recel d'abus de confiance» et «travail dissimulé», a impliqué son plus prestigieux prédécesseur, l'ancien patron des patrons, François Ceyrac.
A en croire l'ancien président de l'UIMM, François Ceyrac, aujourd'hui âgé de 95 ans, a perçu pendant plusieurs dizaines d'années un "complément de salaire" de 5.000 euros par mois, qu'il touchait en espèces. Une rémunération occulte qui aurait, selon DGS, perduré jusqu'en septembre 2007, date de la révélation publique du scandale de l'UIMM. Selon des informations recueillies par Mediapart, ces remises en liquide ont commencé dès le départ, en 1981, de M. Ceyrac de la présidence du Conseil national du patronat français (CNPF, devenu Medef en 1998).
Président de l'UIMM (la principale branche du Medef) de 2006 jusqu'à sa démission le 15 novembre 2007, Denis Gautier-Sauvagnac a fait cette déclaration au juge Le Loire qui le questionnait sur la destination de 19 millions d'euros, retirés en espèces sous son autorité, entre 2000 et 2007, d'une caisse de secours mutuel – l'Epim – créée en 1972 par le même François Ceyrac. Créditée aujourd'hui de quelque 600 millions d'euros, cette caisse avait vocation à soutenir les entreprises adhérentes ayant subi des préjudices lors de conflits sociaux. Jusqu'alors, DGS a refusé d'indiquer le nom des bénéficiaires de cette manne, se bornant à évoquer «des organismes participant à la vie sociale de notre pays».
Un salaire occulte et... une villa
L'enquête a établi qu'environ 3 millions d'euros avaient été utilisés comme compléments de salaire pour des collaborateurs de DGS, valant à quatre d'entre eux des poursuites pour «recel d'abus de confiance». Par ailleurs, 2,3 millions d'euros ont été retrouvés dans des coffres de l'UIMM lors d'une perquisition.
Le 6 octobre dernier, alors que l'affaire dite de l'UIMM commençait à faire grand bruit, François Ceyrac s'était fendu d'un courrier de soutien à l'adresse de DGS, reproduit à l'époque par Le Monde. Rétrospectivement, le ton et la nature des propos de M. Ceyrac ne manquent pas de saveur. «Je voudrais vous témoigner de ma sympathie et de ma solidarité dans ces pénibles circonstances. Je suis bien placé pour savoir que les actions que l'on vous reproche, consistant à donner des aides en espèces à divers partenaires dans la vie sociale, sont dans la continuité historique de l'UIMM dans sa mission de recherche du dialogue social», écrivait M. Ceyrac. Qui concluait : «Vous êtes dans le droit-fil de l'UIMM et je suis fier de vous.»
Ce n'est pas la première fois que le nom de M. Ceyrac, qui vient d'être officiellement écarté des instances de l'UIMM où il continuait à siéger soixante-deux ans après son entrée, est cité en marge de l'affaire. Le 10 avril dernier, Le Parisien a notamment raconté comment cette ancienne figure du patronat français est logée gracieusement depuis... 1959 au Vésinet (Yvelines) dans une somptueuse villa avec parc, propriété de l'organisme patronal.
M. Ceyrac n'a pas donné suite aux sollicitations de Mediapart. Quant à l'UIMM, elle n'a souhaité faire «aucun commentaire» sur les différentes largesses octroyées à son ancien président.