La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, créée après le choc de l’affaire Cahuzac, a publié, jeudi 24 juillet, les déclarations d’intérêts des 925 députés et sénateurs français. Pour y voir un peu plus clair, Mediapart met l’accent sur une quinzaine de situations qui interrogent, à droite comme à gauche.
Mediapart révèle que l'épouse de Jean-François Copé est salariée à l'Assemblée nationale depuis des années, sur un poste d'assistante parlementaire du député de Seine-et-Marne, aux frais du Palais-Bourbon. « Elle a un rôle de conseil », rétorque l'entourage de l'ancien patron de l'UMP.
Mediapart a épluché la liste, désormais publique, des collaborateurs de députés, complétée de nos propres informations. En 2014, au moins 20 % des députés ont rémunéré un membre de leur famille proche.
Au parlement, le projet de loi sur la transparence va bientôt faire apparaître les emplois discrètement occupés par les épouses, les enfants, etc. D'après nos informations, la femme de Bruno Le Maire, artiste-peintre, a été rémunérée plusieurs années sur un poste de collaboratrice à temps plein. Difficile de savoir ce qu'elle y faisait concrètement.
Au lendemain des législatives de 2012, le patron des députés UMP, Christian Jacob, a non seulement utilisé les réserves de son groupe pour voler au secours financier du parti, mais il a aussi octroyé des prêts personnels à deux élus qui venaient de perdre leur siège. Là encore, sans en informer ses troupes.
Mediapart révèle que le président du groupe UMP de l’Assemblée a secrètement « prêté » 3 millions d’euros au parti dirigé par Jean-François Copé, alors qu’il était au bord de la faillite en 2012. Double problème : les députés n’en ont pas été informés, et l’argent provient pour l’essentiel des caisses de l’Assemblée.
Deux juges se penchent sur les dépenses du groupe UMP, où plusieurs élus sont soupçonnés de « détournements de fonds publics ». Cette autre “affaire UMP” braque les projecteurs sur l'opacité des cagnottes de groupes parlementaires.
L'ancien député travailliste Denis MacShane vient d'être condamné à de la prison pour avoir présenté de fausses notes de frais au Parlement. C'est au moins le cinquième à subir le même sort. Cette fermeté british donne la chair de poule côté français.
Comme député, Jérôme Cahuzac piochait dans ses frais de mandat pour financer des « dépenses personnelles, ce qui paraît contraire à l'esprit de cette indemnité », d'après une note du service Tracfin dont Mediapart a eu connaissance.
Vacances, billets de train à sa famille, dépenses courantes : Pascal Terrasse, député socialiste et président du conseil général de l'Ardèche, utilise son indemnité pour frais professionnels en partie à des fins personnelles. Mediapart publie les documents. Loin d'être isolé, son cas illustre les dérives liées à l’absence de transparence autour de cette indemnité − 6 412 euros brut par mois − exemptée de tout contrôle.
Les députés regorgent d'ingéniosité, dès qu'il s'agit d'exploiter le système de prise en charge de leurs frais professionnels, et surtout ses failles. Avec leur indemnité mensuelle, certains se constituent un patrimoine immobilier, en toute légalité. Mediapart révèle qu'une réforme a été envisagée cette année, mais aussitôt enterrée.
La déontologue de l'Assemblée se déclare favorable à l'instauration d'un contrôle sur les dépenses des députés. Nos révélations sur les frais très personnels du député Cahuzac soulignent l'urgence d'une réforme.
L'exemple de Pascal Terrasse le montre : des parlementaires utilisent l'enveloppe censée financer leurs frais professionnels pour des dépenses personnelles (vacances, voyages, etc.). Dix-sept députés de différents partis ont pourtant déposé une proposition de loi cet automne visant à enfin contrôler ces frais. Ils n'ont pas été entendus, et le regrettent fortement.
La Haute autorité pour la transparence, imaginée en réponse à l'affaire Cahuzac, vient de tenir sa toute première réunion. À l'ordre du jour : les déclarations de patrimoine et d'intérêts des parlementaires, que certains ont expédiées à reculons.
En validant mercredi les grands principes de la loi sur la transparence, le Conseil constitutionnel s'épargne un procès en ringardisme et sauve la mise de l'exécutif. Mais il censure des dispositions importantes et amoindrit encore la portée de cette loi écrite après les aveux de Jérôme Cahuzac.
Les assistants parlementaires vont-ils devoir eux aussi déclarer leurs conflits d'intérêts ? Certains députés plaident pour. Car la précarité des petites mains du Parlement conduisent parfois à des situations troubles.