« Ces hommes qui arrêtent et torturent encore aujourd’hui construisent un monument en hommage aux personnes qu’ils ont tuées ? » Cette question, c’est Ahmed Harara qui l’a posée. Ce dentiste de 33 ans est un héros en Égypte. Il a perdu un œil lors du soulèvement contre Hosni Moubarak en janvier 2011, puis le second durant la bataille de la rue Mohamed Mahmoud qui commença le 19 novembre 2011 et dura près d’une semaine. Hosni Moubarak évincé le 11 février 2011, le pouvoir est immédiatement transmis à l’armée. Mohamed Hussein Tantawi, ministre de la défense de Moubarak entre 1991 et 2011 prend la tête du pays avec le Conseil suprême des forces armées (CSFA). Neuf mois plus tard, une seconde séquence de la révolution éclate au Caire dans la rue Mohamed Mahmoud, attenante à la place Tahrir. Avec environ 47 morts et des centaines de blessés sur plusieurs jours, ce sera la plus violente répression depuis la chute de Moubarak. Tantawi devient le nouvel ennemi des révolutionnaires. Deux ans plus tard, l’armée destitue Mohamed Morsi et se retrouve de nouveau officiellement aux commandes du pays. Aveugle, Harara continue à se mobiliser au nom de la liberté, mot inscrit sur la lentille de contact qu’il porte. Tantawi n’a jamais été jugé. Morsi l’a mis à la retraite, décoré et lui a offert la place de conseiller présidentiel, tout comme à Sami Annan, chef d’état-major de l’armée et numéro deux du CSFA, qui reconnaît aujourd’hui des « erreurs » mais refuse que l’armée soit seule à rendre des comptes.
Egypte: l’histoire officielle contre la mémoire
Depuis janvier 2011, le calendrier des Égyptiens est ponctué de commémorations dédiées aux « martyrs de la révolution » ou à la gloire du soulèvement du 25 janvier. Ainsi, les hommages se suivent et font à chaque fois de nouveaux morts et blessés. L’armée, Mohamed Morsi, puis à nouveau l’armée s’emploient à réécrire l’Histoire, pour effacer le passé et mieux s’imposer dans le présent.
24 novembre 2016 à 08h49