Dossier Dossier. L’Egypte sous le joug du maréchal Sissi
Dix ans après la révolution, les espoirs de démocratie se sont brisés contre le régime militaire du maréchal al-Sissi. Alors que la répression n’en finit pas, la France reste l’alliée de la dictature. Nos reportages et analyses.
Dix ans après le soulèvement de la place Tahrir, si la dictature a triomphé sur le projet démocratique en Égypte, les idéaux révolutionnaires n’ont pas disparu. Ils continuent d’irriguer les vies et les rêves personnels de toute une génération.
Le maréchal Abdel Fattah al-Sissi est obsédé par la crainte d’un nouveau soulèvement. Sous couvert de lutte antiterroriste, une répression débridée frappe toutes les couches de la société égyptienne, y compris des milliers de mineurs.
Au début des années 2000, la Palestine a permis aux révolutionnaires d’Égypte de se mobiliser et de se former une conscience politique. À tel point que le régime ne tolère plus les manifestations de soutien.
La répression qui s’est abattue sur l’Égypte depuis l’accession au pouvoir du maréchal Sissi n’est pas synonyme de société atone ou immobile. Trois chercheurs explorent ce qu’il reste de vivant sous la chape de plomb et de silence du régime.
Le journaliste Corrado Augias, à Rome, a restitué lundi son insigne. Plusieurs intellectuels italiens ont fait de même pour dénoncer la décoration par Macron du dictateur égyptien.
En visite d’État en France, Abdel Fattah al-Sissi s’est vu dérouler le tapis rouge loin des journalistes, tenus à l’écart sur sa demande expresse. Le président français l’a même décoré du plus haut grade de la Légion d’honneur. Rien ne l’y obligeait.
Alors que les exportations d’armes vers des pays accusés de violation des droits humains font débat, le président français reçoit en visite officielle le président égyptien. L'Egypte, l’un des principaux clients de l’industrie de l’armement française.
Alors que la révolte contre les violences sexuelles s’amplifie sur les réseaux sociaux égyptiens, le retour de bâton est venu de la justice. Au nom d’un « ordre moral » conservateur, des victimes et témoins sont poursuivis, en même temps que les agresseurs.
En manque d’effectifs et de protections, les soignants sont les premières victimes du coronavirus. Malgré leur dévouement, ils sont la cible d’une vague de répression et d’accusations de négligence.
La pandémie est l’occasion pour l’Égypte de Sissi, l’un des régimes les plus répressifs au monde, d’accentuer l’oppression à l’extérieur comme à l’intérieur des prisons du pays.
Alors que la répression ne faiblit pas en Égypte, qu’un rapport d’ONG documente les abus d’une justice parallèle, la France apparaît dans une « déconnexion criante et inacceptable » à l’égard de son allié le dictateur Sissi, pour reprendre les mots d’Emmanuel Macron. La diplomatie, ce n’est pas s’écraser.
Le régime toujours plus répressif du maréchal Sissi s'en est pris ce week-end à Mada Masr, un des derniers espaces de liberté médiatique en Égypte. Mediapart avait rencontré Lina Attalah, la directrice de la rédaction, pour parler de la situation du pays et de la possibilité de continuer de faire du journalisme indépendant dans ce contexte.
Pour la première fois depuis l’accession au pouvoir du dictateur Al-Sissi, des manifestations et des rassemblements anti-gouvernementaux, réclamant le départ du président, ont eu lieu en Égypte. Aux abois, le régime use de son arme principale, la répression, pour étouffer le mouvement. Plus de 1 400 personnes ont été arrêtées depuis vendredi 20 septembre.
Depuis deux semaines, la police égyptienne réprime avec brutalité les manifestations qui dénoncent la corruption du régime et réclament le départ du maréchal-président. En continuant à le soutenir et à l’armer, avertit Amr Darrag, ancien ministre du gouvernement renversé en 2013, la France piétine ses valeurs morales et compromet ses intérêts dans la région.
Les 20 et 27 septembre, de jeunes manifestants ont osé défier les forces de sécurité dans toute l’Égypte. La plupart viennent des quartiers populaires ou sont issus de la classe moyenne appauvrie.
Alors que des appels sont lancés pour « une marche du million », le régime égyptien, qui réprime à tour de bras, peut-il étouffer la colère qui monte contre lui ? « L’émergence ou le surgissement d’une crise révolutionnaire est toujours une probabilité, même si dans le contexte actuel cela peut sembler impossible », répond le chercheur Youssef El Chazli.