Livres

L’affaire Gouguenheim ou comment on réécrit (mal) l’histoire

Depuis quelques semaines, le livre d'un médiéviste jusque-là réputé suscite un énorme scandale dans la communauté scientifique. Dans cet essai très idéologique, Sylvain Gouguenheim affirme que « l'Europe chrétienne » n'a pas eu besoin du monde musulman pour lire les Grecs. Et qu'en gros, nous ne devons rien ou presque aux Arabes. Comment un tel livre, immédiatement discrédité par l'ensemble des pairs de l'auteur, a-t-il pu être publié par une maison aussi sérieuse que Le Seuil ?

Sylvain Bourmeau

« Il en a de la chance ce Monsieur Gouguenheim : il sait comment faire parler de son travail dans les journaux lui ! » Mohammed Arkoun est amer. Au côté d'Alain de Libera, son ami et collègue historien de la philosophie, il fait partie des premières cibles d'Aristote au Mont-Saint-Michel, ce livre de Sylvain Gouguenheim, récemment publié au Seuil, et qui est à l'origine d'un rare tollé dans la communauté scientifique – au point que l'affaire a motivé la création par la direction de l'Ecole normale supérieure Lettres sciences humaines, où il est professeur, d'un comité d'experts chargé d'évaluer le livre et d'étudier les réactions qu'il a suscitées.
Dans ce qui se présente comme un essai, le médiéviste Gouguenheim entend contester les nombreuses recherches historiques qui, depuis des années, ont montré le rôle déterminant des « Arabes » dans la formation de l'identité culturelle de l'Europe. La simple lecture de la dernière phrase de la quatrième de couverture permet de saisir tout l'enjeu historiographique et, au-delà, politique du livre : « Si le terme de "racines" a un sens pour les civilisations, les racines du monde européen sont donc grecques, celles du monde islamique ne le sont pas. »

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