Économie et social

Pour l’instant, l’Allemagne sort du nucléaire sans émettre plus de CO2

En 2011, l’Allemagne n’a pas compensé la fermeture d’une partie de ses centrales nucléaires en brûlant plus de gaz et de charbon, mais en réduisant ses exportations d’électricité et en augmentant sa production d’énergie de source renouvelable.

Jade Lindgaard

C’est l’une des questions les plus déterminantes du débat énergétique européen : en sortant du nucléaire, l’Allemagne va-t-elle brûler plus de charbon et de gaz, et détériorer son bilan carbone ? Bien évidemment, assurent les défenseurs de l’atome, pour qui l’argument climatique est devenu premier (voir par exemple ce billet de l’association Sauvons le climat).
En réalité, cette affirmation est contredite par les données énergétiques allemandes : en 2011, l’Allemagne n’a pas compensé la fermeture d’une partie de ses centrales nucléaires en brûlant plus de gaz et de charbon, mais en réduisant ses exportations d’électricité et en augmentant sa production d’énergie de source renouvelable. Telle est l'analyse du chercheur Andreas Rudinger dans une passionnante note rédigée pour l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Cela ne garantit pas qu’elle parvienne à respecter ses objectifs de réduction des gaz à effet de serre (– 80 % en 2050). Mais c’est un sérieux indicateur qu’elle s’est mise en situation de le faire.
« Les décisions post-Fukushima ne constituent ni un renversement brutal de la politique nucléaire existante, ni un obstacle majeur à la réalisation des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre », explique ce spécialiste en politiques énergétiques et climatiques. A la suite de l’accident japonais de Fukushima Daiichi, Berlin a décidé l’arrêt anticipé de huit réacteurs (sur un total de dix-sept). Long d’une vingtaine de pages, cet article détaille, chiffres à l’appui, les paradoxes du tournant énergétique allemand. Sa lecture va à l’encontre de bien des idées reçues si souvent claironnées en France.
D’abord, la production d’électricité d’origine fossile n’a pas augmenté en 2011 par rapport à 2010, calcule Andreas Rudinger. Une stabilité permise par la diminution de la consommation intérieure brute (2 TWh), alors que la production de renouvelables a gonflé de 19 %. A l’avenir, les scénarios officiels font état, de plus, de l’ambition de ne pas compenser la perte des capacités nucléaires par un recours accru aux centrales à combustion fossile. Pourtant, l’Allemagne est bien en train de construire des centrales fossiles (10 Gigawatt). Mais, les installations en construction « visent en premier lieu à remplacer des centrales vétustes et polluantes par des centrales plus efficaces (…) et à réduire la part des centrales thermiques à charbon au profit de centrales à gaz et à co-génération», révèle le chercheur. C’est ce paradoxe qui explique que, contrairement à ce qu’affirment les pro-nucléaires, l’Allemagne peut à la fois construire de nouvelles centrales à gaz et améliorer son bilan carbone.

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