Récit

La Russie face à son passé : crimes et reniements

Par Estelle Levresse

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C’est une dense forêt de Carélie où les pins majestueux du nord de la Russie s’étirent vers le ciel. Le cimetière mémoriel de Sandormokh surgit après un étroit sentier. Des centaines de visages, hommes, femmes de tous âges, toutes conditions sociales. Les portraits sépia ou noir et blanc sont fixés sur les troncs d’arbres ou sur des structures de bois surmontées d’un toit. Fragiles sépultures qui côtoient des monuments collectifs décorés de fleurs artificielles aux couleurs vives.

En ce 5 août 2022, journée internationale de la mémoire des victimes de la Grande Terreur* La date du 5 août a été choisie pour commémorer les victimes de la Grande Terreur en référence à l’ordre opérationnel du NKVD n° 00447. Cet ordre marque le lancement le 5 août 1937 de « l’opération koulak », la plus meurtrière opération répressive secrète de masse lancée par Staline, qui avait pour objectif d’éliminer toute une série « d’ennemis » : « ex-koulaks », « gens du passé », « éléments socialement nuisibles ». La Grande Terreur a également visé les individus « ethniquement suspects », c’est-à-dire ayant un lien de près ou de loin avec les pays identifiés par le régime soviétique comme « hostiles » (Pologne, Allemagne, Pays baltes, Finlande, Japon)., c’est sous un soleil radieux que les visiteurs se dispersent dans les allées pour se recueillir devant les mémoriaux dédiés à leurs ancêtres.

Alexandre Spiachtchi est venu honorer le souvenir de son grand-père maternel. « Il travaillait dans un kolkhoze dans le secteur de Medvejegorsk. Ils sont venus chercher 18 personnes de nuit et les ont fusillées deux semaines plus tard, dit le vieil homme, ému. On n’a connu la vérité qu’en 1992 grâce aux recherches de Memorial. »

Habitante de Saint-Pétersbourg, Anna Babadjanyan, 63 ans, est une habituée des lieux. Avant, elle faisait le déplacement avec ses parents pour rendre hommage à son grand-père, Flegont Volinets. Elle vient seule désormais car son père est décédé il y a deux ans et sa mère est trop âgée pour faire le voyage. Membre du mouvement révolutionnaire de Biélorussie, son aïeul faisait partie des 1 111 prisonniers du camp des îles Solovki en mer Blanche, déplacés jusqu’à Sandormokh pour y être fusillés à l’automne 1937. 

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