La réponse des avocat·es de Gérard Depardieu :
« Bonjour,
Nous avons bien pris connaissance de votre questionnaire et nous vous remercions pour sa transmission.
Cependant, Monsieur Depardieu n’entend pas répondre à ce véritable réquisitoire, qui brasse pêle-mêle des sujets très divers dont certains relèvent d’appréciations très subjectives et/ou de jugements moraux.
Il dément formellement l’ensemble des accusations susceptibles de relever de la loi pénale. Nous vous prions de bien vouloir relayer ce démenti.
Nous demeurerons bien évidemment attentifs à votre publication quant au respect de ses droits.
Bien cordialement,
Le cabinet Temime »
Questionné à nouveau, début avril, sur deux nouveaux témoignages, le cabinet nous a indiqué n’avoir « pas de commentaires spécifiques » à faire.
Les réponses des réalisateurs, producteurs et directeurs de production :
Contactés, ils n’ont pas répondu : les réalisateurs Jean-Emmanuel Godart, Olivier Marchal, Florent Emilio-Siri ; les producteurs David Zerat, Kev Adams, Élisa Soussan, Frank Le Wita, Marc de Bayser, Florian Genetet-Morel.
Contactés, ils nous ont répondu :
Olivier Dahan, réalisateur de La Môme (2007) :
« Je n’ai pas du tout le souvenir que Gérard Depardieu se soit mal comporté. J’ai même le souvenir que ça s’était bien passé avec lui. Si j’avais su tout cela, j’aurais agi. Là ce qui m’embarrasse, c’est que je n’ai pas le moindre souvenir de cela. Je ne tolère pas ces comportements. Ce qui est raconté là, c’est grave. Je suis un peu choqué. »
Alain Goldman, producteur de La Môme (2007) :
« En 2006, Gérard Depardieu a bien tourné 8 jours sur le film La Môme réalisé par Olivier Dahan. Lors de ce tournage, je n’ai jamais constaté de comportement déplacé de sa part ou entendu un membre de l’équipe se plaindre de son comportement. »
Graham Guit, réalisateur de Hello Goodbye (2008) :
Concernant les faits dénoncés par Florence*: « Je n’ai absolument aucun souvenir des faits cités. Par rapport à la phrase “De toute façon je n’aime pas ta gueule” : Je n’ai jamais entendu M. Depardieu insulter un collègue acteur. Par rapport aux phrases “Je vais te lécher ta petite chatte” ; “T’aimes te faire défoncer la rondelle” : Croyez bien que si je les avais entendues, je ne serais pas resté passif. Par rapport au fait qu’un comédien simule un acte sexuel en pleine prise : non ce n’est pas courant, en tout cas pas sur mes quelques tournages, et je n’ai pas le souvenir d’en avoir vécu. Par rapport au fait de scotcher son texte sur le visage d’une comédienne : les comédiens peuvent avoir des trous de mémoire, et parfois scotcher sur des meubles un morceau de texte, sur le visage d’un ou une partenaire, encore une fois je n’ai pas le souvenir d’avoir assisté à une telle scène. Je ne peux parler que de mes tournages, et je n’ai pas assisté à ce genre de comportement. Personne au moment du tournage n’est venu me voir pour se confier à moi, me demander aide ou protection. »
Concernant les faits dénoncés par Émilie* : « Je ne peux que me répéter en toute bonne foi. Je ne dis pas que cette personne ment, mais moi je n’ai pas assisté à de telles scènes, et rien ne m’a été rapporté pendant le tournage. »
Fabio Conversi, producteur de Hello Goodbye (2008) :
« Cela me paraît étonnant parce qu’un fait aussi grave, on aurait dû m’interpeller. S’il s’était passé une chose aussi grave, mon producteur exécutif m’aurait appelé dans les 3 minutes, parce que même s’il était indifférent à cela [le comportement de Gérard Depardieu avec les femmes – ndlr], cela mettait aussi en danger le tournage, donc c’était aussi un problème économique. Si cela s’est vraiment passé, ce n’est pas un comportement acceptable, c’est intolérable, absolument exécrable. »
Fabien Onteniente, réalisateur de Disco (2008) et Turf (2013) :
Contacté par Mediapart, le réalisateur Fabien Onteniente confirme avoir été alerté par la directrice de casting du fait que Gérard Depardieu « était lourd avec les filles » sur le tournage de Disco. « J’en ai conclu qu’il avait dû avoir la main baladeuse, vu comme il se comportait quand il attendait les prises avec ce côté collant ponctué d’un rire très sonore. » Puis, sur le film Turf, « deux figurantes » sont venues le voir. « L’une était en pleurs et se plaignait de mains aux fesses. Voir le visage d’une fille qui était pleine d’espoir et venait faire de la figuration, ça m’a ému et mis hors de moi. Donc je suis allé engueuler Depardieu, j’ai monté le volume, je lui ai dit “tu ne recommences pas ça, c’est fini ! Tu te comportes bien”, et ça s’est arrêté net. Il était tout penaud, comme un enfant qui aurait fait une bêtise. » Aujourd’hui, le réalisateur indique qu’il ne tournera pas à nouveau avec le comédien en raison de « son comportement avec les femmes » , mais aussi de « ses prises de position concernant la Russie et Poutine ». « J’ai une image trop abîmée de lui maintenant, il est un peu devenu la caricature de lui-même, il est sorti de la poésie qu’il pouvait représenter. Tourner est une chose merveilleuse, qui ne doit pas être accompagnée de pleurs et de drames. »
Safy Nebbou, réalisateur de L’Autre Dumas (2009) :
« Je n’ai assisté à rien de particulier, je n’ai été témoin de rien de particulier. Personne sur le plateau ne m’a remonté de problèmes. En voyant vos questions, je me suis inquiété, j’ai appelé une comédienne du tournage qui avait une scène nue avec lui et qui m’a dit qu’elle n’avait pas eu de problèmes. Je ne peux pas avoir une réaction sur quelque chose que je n’ai pas vu. Je ne veux pas m’avancer sans avoir plus d’informations, sans avoir lu vos articles. »
Jean-Jacques Albert, directeur de production de Disco (2008) :
Il indique ne pas se souvenir s’il a été alerté ou non. « Mes souvenirs sont flous. C’était il y a 16 ans. Je n’ai rien à dire là-dessus. » De manière générale, il indique que le comportement avec les femmes de Depardieu est « notoire dans le sens “rigolade”, pas harcèlement. Il a cette réputation de déconcentrer les gens avant de tourner, il les prend par le bras, la taille, il les pousse, il fait ça avec n’importe qui pour rire ».
Bruno Vatin, directeur de production de Turf (2013) :
« Je n’ai aucun souvenir de cet événement. Autre époque, autre règles. En 2011, il n’y avait pas encore de système d’alerte que nous avons maintenant sur les productions. Aujourd’hui, nous avons l’obligation d’avoir un référent harcèlement tout au long d’une production, ce qui n’était pas le cas à l’époque. Quant au fait que j’ai ou non été mis au courant, à vrai dire, je n’en ai pas souvenir. Ce fut un tournage chaotique pour moi, ce qui n’est pas une excuse par rapport au problème que vous soulevez, mais vu le nombre de problèmes que j’ai eu à gérer, il est possible que ma mémoire fasse défaut. »
Emmanuel Jacquelin, directeur de production de la saison 1 de Marseille (2016) :
Il indique ne pas avoir été alerté et n’avoir rien constaté sur le tournage, si ce n’est « des propos déplacés et vulgaires » du comédien. Il précise que bien après le tournage, la boîte de production l’a sollicité pour savoir s’il avait « remarqué des agissements particuliers, car une actrice s’était plainte ». « On sait tous comment est Gérard Depardieu. Dans le monde du cinéma, comment peut-on ignorer son comportement avec les femmes ? Est-ce qu’avoir Depardieu à l’affiche de son film rendrait sourd et aveugle ? », interroge-t-il. Pour lui, si le comédien continue d’être engagé sur des films, c’est sans doute « parce que c’est un immense acteur ; parce qu’à ce jour, il n’a pas été condamné par la justice et qu’on peut se demander : suis-je légitime pour décréter qu’il est coupable et qu’il ne doit plus travailler ? » Mais « le problème est en amont », estime-t-il : « Est-ce qu’il faut l’embaucher ? Car une fois qu’il est à bord, comme n’importe quel rôle principal, on peut difficilement le virer s’il avait des problèmes, il n’est pas un simple pion qu’on pourrait remplacer, il est le pivot du film et le financement peut être monté sur son nom. » Selon lui, la responsabilité est « diluée » au sein du monde du cinéma, et n’incombe pas aux seuls producteurs.
Pascal Breton, producteur de la série Marseille (2016 et 2018) :
« Les scènes que vous décrivez ne nous ont jamais été relatées tant pendant le tournage de la saison 1 (fin 2015) que pendant le tournage de la saison 2 (démarrage deuxième trimestre 2017). Si cela avait été le cas, nous aurions immédiatement recueilli les témoignages de cette comédienne et cette figurante, de Gérard Depardieu et de toutes les personnes présentes afin d’agir en conséquence. Durant le tournage tant de la saison 1 fin 2015 que durant le tournage de la saison 2 mi-avril 2017, la production n’a jamais été informée de problèmes de comportement de M. Depardieu à l’égard d’une actrice. En notre qualité de producteurs audiovisuels, nous n’avions jamais été amenés à travailler avec M. Depardieu et nous n’avions jamais été alertés sur le “comportement problématique” de M. Depardieu que vous décrivez avec les femmes.
Deux ans après la fin du tournage de la saison 1, une actrice s’est manifestée, ce qui a bien entendu donné lieu à des vérifications de notre part auprès du directeur de production de la saison 1 et d’autres participants au tournage. Le directeur de production comme d’autres participants interrogés nous ont répondu ne pas avoir été témoins ni informés de problèmes de comportement de M. Depardieu à l’égard de cette actrice.
Elle a saisi le conseil de prud’hommes, elle a été déboutée de l’ensemble de ses demandes et elle a fait appel. »
Thomas Gilou, réalisateur de la saison 1 de Marseille (2016) et de Maison de retraite (2022) :
De manière générale, il assure n’avoir « rien remarqué de bizarre » ou « d’inapproprié » « par rapport à Gérard » durant ses tournages avec le comédien. Questionné sur les propos sexuels que tiendrait l’acteur sur des tournages, il a répondu : « Oui, ça, j’ai déjà entendu des propos… mais c’était à la cantonade. »
Concernant les faits dénoncés par Sarah Brooks : « En tant que réalisateur, je m’occupe de la face, c’est-à-dire de la mise en scène, des acteurs, et de ce qui se passe devant la caméra. Je ne suis pas là quand on fait ce genre de photos en parallèle d’un tournage. Je n’ai pas constaté ce truc-là, parce que je n’ai même pas vu quand ils ont fait cette photo-là. » Concernant les faits dénoncés par Camille G. : « Je ne vois pas. Moi, personnellement, je n’ai pas constaté cela. »
En complément de notre entretien téléphonique du 6 mars, il nous a adressé cette réponse écrite : « Avec Gérard Depardieu dans le rôle principal, j’ai réalisé un premier film, Michou d’Auber, en 2007 ; puis la première saison de la série Marseille, pour Netflix, en 2015. Pour notre troisième collaboration, il tenait un rôle secondaire dans le film Maison de retraite, l’an dernier, avec Kev Adams. Je n’ai jamais eu connaissance du moindre incident de cette nature et condamne par principe toute forme de violence, sexiste ou sexuelle, ou de harcèlement, dans la vie professionnelle comme privée. »