How Covid-19 spread through France while doctors' warnings were ignored

Appendices

Below are the replies (in French) Mediapart received to the questions it submitted to the Direction générale de la santé (DGS), the health ministry’s administration for public health policy. (excerpts of which are cited in the text of the article), and also a reply from the Île-de-France regional health agency (ARS).  


1 - La DGS a été informée dès la fin du mois de février, de la multiplication de cas de personnes contaminées par le Covid-19. A Compiègne, entre le 25 février et le 1er mars, il y a déjà 15 PCR positifs. A Paris, les établissements de référence, l’Institut Pasteur, puis la Pitié et Bichat, ont vite été débordés pour réaliser les prélèvements. Dès le 28 février, des médecins d'autres hôpitaux se sont rendus sur place pour les aider.

Fin février toujours, plusieurs hôpitaux parisiens ou de région parisienne ont dû renvoyer des patients suspects — dont les tests se sont ensuite, pour certains, révélés positifs — vers les centres de référence. Des médecins ont alerté sur cette situation dangereuse qui risquait de les mettre en danger et d'accroître la propagation de l'épidémie.

Pourquoi les autorités de santé n’ont-elles pas, dès ce moment là, ouvert le dépistage des cas suspects et soutenu les efforts pour le faire, en dehors des centres de référence, à plusieurs hôpitaux dont les laboratoires pouvaient être mobilisés ?

 

Dès réception de l’information selon laquelle deux cas confirmés provenaient en fait d’une zone géographique restreinte, pouvant faire suspecter un possible cluster, un dispositif spécifique d’investigation épidémiologique et de dépistage a été déployé immédiatement sous l’égide de l’ARS afin d’assurer l’identification et la prise en charge des personnes contact et l’enquête épidémiologique de ce cluster. La DGS a envoyé dès le lendemain de l’alerte un officier de liaison auprès de l’ARS afin d’appuyer cette action et de mobiliser toutes les ressources disponibles.

Dans les jours suivants, suite à l’analyse de cette alerte, la DGS a adressé un message à l’ensemble des établissements de santé afin de leur demander de tester « toute personne présentant des signes de syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) pour laquelle aucune étiologie n’a pu être identifiée, sans notion de voyage/séjour dans une zone d’exposition à risque ou de contact étroit avec un cas confirmé de COVID-19. »

Fin février, en plus du CNR (Paris et Lyon) et de la CIBU, plus d’une trentaine de laboratoires d’établissements de santé ont fait l’objet d’un déploiement de la technique du Centre national de référence pour réaliser le diagnostic du Covid-19 (dont en Ile de France (5), Lille, Amiens, Rouen), soit la quasi-totalité des établissements de santé identifiés comme première ligne pour l’accueil de patients covid-19. Concernant les modalités et contraintes liées au déploiement de la capacité diagnostique, nous apportons tous les éléments de réponse infra.

 

2 - Ce choix de laisser seuls les centres de référence a-t-il été déterminé par des considérations matérielles, à savoir de faibles capacités de tests ?

 

Face à un virus émergent, la stratégie sanitaire est celle inscrite au sein du volet REB (risque épidémique et biologique) du dispositif ORSAN. Dans la phase précoce d’une émergence, la stratégie consiste à hospitaliser tous les cas possibles dans des établissements de santé disposant des capacités d’isolement suffisante (chambres à pression négative). Une quarantaine d’établissements ont été identifiés initialement afin de constituer une première ligne afin de pouvoir prendre en charge des cas possibles dans toutes les régions. Rapidement, une seconde ligne d’établissements a été identifiée afin que l’ensemble des départements puissent disposer d’une capacité de prise en charge et de diagnostique le plus rapidement possible.

Le renforcement des capacités de diagnostic du SARS-CoV-2 par RT-PCR a été une action prioritaire qui a été conduite en fonction de la disponibilité des réactifs fournis par le CNR des virus respiratoire et de l’appropriation des techniques par les laboratoires des établissements de santé.

Dès le mois de janvier, et conformément à ses missions, le CNR a développé une technique de RT-PCR pour détecter l’ARN du SARS-CoV-2. Cette technique dite « maison » (par opposition aux kits commerciaux qui n’étaient pas encore disponibles sur le marché) a été disponible à compter de la dernière semaine de janvier. La mise en œuvre de cette technique de référence n’est pas automatisée et nécessite un temps de réalisation important, limitant le nombre d’échantillons réalisables par jour et par laboratoire (40 à 80).

Toujours conformément à ses missions, il a commencé rapidement le déploiement sécurisé de cette technique, par l’envoi de réactifs et de protocoles, vers les établissements de référence dont les laboratoires étaient de niveau de confinement de type 3 (niveau de confinement appliqué au MERS-CoV). Il s’agit des établissements qui avaient été identifiés par les ARS comme établissements de première ligne pour la prise en charge des cas possibles de COVID-19.

Sur demande de la DGS, la Société française de microbiologie a fait une évaluation de risque et publiée un avis en date du 14 février 2020 permettant la manipulation des prélèvements à visée diagnostique dans un niveau de confinement de type 2, ce qui a permis d’élargir la liste des laboratoires pouvant mettre en œuvre la technique CNR.

Plusieurs laboratoires d’établissements de santé de 2ème ligne ne disposaient pas des équipements et capacités nécessaires pour implanter la technique CNR, et reposent sur des automates spécifiques. Les premières solutions commerciales, automatisables, étaient destinées à la recherche, et ne disposaient pas du marquage CE prescrit par la réglementation ni de validation sur des prélèvements pour faire du diagnostic humain. Les premiers kits commerciaux marqués CE ont commencé à apparaitre vers la mi-février, mais ne correspondaient pas nécessairement au parc d’automates installé en France.

Les premiers produits dont les performances ont été évaluées par le CNR ont été disponibles au début du mois de mars. Il a alors été accepté qu’un test ne disposant pas d’un marquage CE, mais présentant des performances vérifiées de haut niveau, puisse être utilisé. Un avis de la Haute autorité de santé a été publié le 6 mars, suivi d’un arrêté d’inscription à la nomenclature des actes de biologie médicale, permettant la prise en charge du test RT-PCR dans les laboratoires de biologie médicale de ville.

 

3 - Dans plusieurs échanges de mails venant des centres de référence, des professeurs signalent dès février le manque de tests. Quelles mesures ont-été prises pour venir en soutien aux laboratoires hospitaliers ?

 

Le renforcement des capacités de diagnostic du SARS-CoV-2 par RT-PCR a été une action prioritaire qui a été conduite en fonction de la disponibilité des réactifs fournis par le CNR des virus respiratoires et de l’appropriation des techniques par les laboratoires des établissements de santé. La technique CNR, non automatisée, permet le traitement d’un nombre d’échantillons limité.

Le 7 février, la DGS a été informée par le CNR d’une alerte européenne sur des lots de réactifs contaminés au niveau de la chaine de production. Cette alerte a contraint le CNR à cesser la livraison des réactifs concernés et informé les quelques laboratoires qui en avaient reçu. Tout résultat douteux a été répété, sans dommage. Une nouvelle commande a été faite, en réclamant une production en salle blanche, offrant un niveau de sécurité très élevé sur le risque de contamination.

Par ailleurs, avec le déploiement de la technique CNR, des tensions ont commencé à apparaitre sur certains composants des réactifs. Le fournisseur concerné a été contacté et une commande centralisée a été mise en place, permettant de lever cette tension.

 

4 - Fin février et début mars, plusieurs indicateurs montrent que l'épidémie est présente et qu’elle se propage sur une partie du territoire. Les autorités sanitaires se sont-elles trompées en expliquant au même moment que le virus ne circulait pas sur le territoire mais qu’il était contenue dans des foyers bien identifiés ?

 

Au début du mois de mars, la situation épidémiologique décrite par Santé publique France correspond a une situation de transmission active localisée sur le territoire national. Ainsi, au 03 mars, Santé publique France indiquait que parmi les 212 cas confirmés sur le territoire national, 152 étaient rattachables à un cluster déjà identifié, 47 liés à un voyage en zone à risque et seulement 21 (10%) sans exposition identifiée.

La découverte récente de cas antérieurs aux premiers cas identifiés officiellement sur le territoire national peut laisser à penser qu’une circulation virale active était déjà présente sur le territoire national à ce moment-là mais nous ne disposions à cette époque d’aucun élément en ce sens. Les investigations rétrospectives en cours permettront de documenter cette possibilité.

 

5- Au regard des données épidémiologiques, pourquoi les autorités de santé n’ont pas sollicité un déclenchement du niveau 3 avant le 14 mars ? En particulier dès le 25 février, lorsque une réunion de crise est organisée avec Compiègne ? 

 

Au regard des données épidémiques, la situation correspondait au stade 2 (cf supra). Il n’existe pas de circulation active du virus généralisée mais des clusters qui apparaissent en différents points du territoire et font l’objet de mesures de prise en charge spécifiques (stratégie d’endiguement renforcé). L’exemple des Contamines-Montjoies où un cluster a été endigué de manière efficace démontre que cette stratégie a permis de retarder le plus possible le déclenchement du stade 3.

Cette stratégie d’endiguement, qui prévalait aux phases 1 et 2 de l’épidémie, visait à retarder la survenue de la vague épidémique et éviter qu’elle ne coïncide avec l’épidémie de grippe saisonnière mais également à en atténuer l’impact (c’est le fameux « applatissement de la courbe »). Elle permettait en outre de poursuivre les efforts de préparation du système de santé le plus longtemps possible.

 

6 - Dans toute la France, des hôpitaux ont enregistré, en février, des décès de personnes, sans antécédents médicaux, atteintes de SDRA. Afin d’obtenir des modèles de propagation précis, pourquoi ne pas avoir établi un schéma national de remontées de ces décès suspects dès le mois de février ?

 

La DGS n’a pas eu connaissance d’alertes spécifiques concernant un excès de décès par SDRA sans étiologie retrouvée chez des personnes hospitalisées durant cette période. En revanche, c’est à la demande de la DGS, suite à la découverte des deux cas de SDRA révélant le cluster de l’Oise, que la définition de cas de Santé publique France a été modifiée afin d’inclure ces formes cliniques dans la définition de cas possible. En complément, la DGS a adressé un message le 27 février à l’ensemble des établissements de santé afin de leur demander de tester « toute personne présentant des signes de syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) pour laquelle aucune étiologie n’a pu être identifiée, sans notion de voyage/séjour dans une zone d’exposition à risque ou de contact étroit avec un cas confirmé de COVID-19. »

 

7 - Nous avons par exemple étudié le cas d’une quinquagénaire décédée début février en Haute-Loire et qui présentait les symptômes du Covid, dont l'agueusie. Or, les causes de cette mort restent à ce jour inexpliquées et les proches de cette personne, qui avaient également développé au même moment les symptômes du Covid, n’ont pas été testées par sérologie. Est-il possible que l’absence de stratégie nationale de tests dès le mois de février ait empêché d’avoir une analyse fine de l’évolution de l'épidémie ?

 

L’agueusie/anosmie comme signe spécifique de COVID-19 n’a été identifié que bien plus tard, dans la seconde quinzaine du mois de mars. Par ailleurs, en l’absence de diagnostic virologique, il faut être très prudent sur l’évocation de ce diagnostic à cette période, a fortiori, puisqu’elle correspond également à la période de circulation de la grippe saisonnière. De même, les tests sérologiques n’étaient pas disponibles à cette époque. La fiabilité des tests sérologiques n’était pas établie et les performances des dispositifs non évalués par le CNR. De plus, de nombreuses incertitudes existaient (et existent toujours aujourd’hui) concernant la réponse immunitaire au COVID-19, la production d’anticorps par tous les malades, le caractère protecteur de ces anticorps et la durée de cette éventuelle protection. A cette période, seules quelques références d’origine asiatique revendiquaient le marquage CE, sans que ce soit vérifié. C’est pourquoi ces tests n’étaient pas inclus dans la doctrine de dépistage.

Début février, la technique diagnostic RT-PCR était en cours de déploiement dans les établissements de référence qui étaient considérés comme la cible prioritaire et la doctrine de tests s’appuie sur la définition de cas régulièrement actualisée et mise en ligne sur le site de Santé publique France. En l’absence d’éléments laissant à penser qu’une circulation autochtone avait lieu effectivement à cette date, il s’agissait de la stratégie la plus appropriée et consensuelle s’agissant d’un virus émergent à risque épidémique et biologique.

 

8 - Cette absence de remontées du terrain n’explique-t-elle pas le retard français dans la prise en compte de l’ampleur de l’épidémie ?

 

La conduite de la réponse à l’épidémie a été adaptée à l’acquisition des connaissances existantes sur le SARS-CoV-2 et des éléments disponibles à date. Il paraît important de ne pas reconstruire a posteriori des scénarios sur des connaissances dont nous ne disposions pas à cette époque. Sur cette base-là, nous ne considérons pas qu’il y ait eu un retard dans la prise en compte de l’ampleur de l’épidémie. Pour rappel, au 08 mars, soit une semaine avant la décision de confinement globale, le bilan des cas confirmés par Santé publique France était de 1126 cas soit une incidence de moins de 2 cas pour 100 000 habitants au niveau national avec des situations en réalités très hétérogènes par territoires.

 

9 - Plusieurs professionnels de santé réexaminent actuellement leurs dossiers patients en remontant jusqu’au 1er novembre. C’est notamment le cas depuis la publication d’une étude sur un patient positif à deux tests PCR à Bondy, en Seine-Saint-Denis. La DGS s’est-elle mise en relation avec ces professionnels en vue d’affiner ses modèles sur la dynamique du virus ?

 

La DGS a recommandé aux équipes l’ayant informée de ce type de recherches de se rapprocher de leurs ARS et de Santé publique France. Santé publique France travaille actuellement à un guide méthodologique permettant de cadrer au mieux ces investigations. Nous espérons que ces investigations contribueront à documenter le plus précisément possible la phase initiale de l’épidémie.

Réponse de l'Agence régionale de santé Ile de France : 

L’ARS Ile de France, en activant le plan blanc le 6 mars, a permis la mobilisation de l’ensemble des établissements de santé d’Ile de France dans la réponse à l’épidémie de Covid. Dès ce jour, 98 hôpitaux en Ile de France (4 établissements de référence et 94 établissements de 2eligne) ont été habilités à prendre en charge des patients Covid. Vous trouverez le détail des établissements mobilisés dans l’onglet « organisation du système hospitalier francilien pour la prise en charge des patients Covid-19 » sur notre site internet : https://www.iledefrance.ars.sante.fr/coronavirus-covid-19-lars-ile-de-france-mobilisee

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