Voici l'intégralité des réponses reçues par Mediapart dans le cadre de cette enquête :
- La réponse intégrale d’Éliane Houlette, reçue par l’intermédiaire de son avocat Me Jean-Pierre Versini-Campinchi :
« Madame Houlette suit mon conseil qui est de ne pas répondre à des questions qui me sont apparues si saugrenues qu’elles en deviennent humiliantes.
J’ai observé que vous avez pu, par des fuites, prendre connaissance de transcriptions de communications téléphoniques échangées entre mon confrère Monsieur Campana et un tiers inconnu.
Permettez-moi de déplorer que ces transcriptions n’aient pas été jusqu’ici portées à la connaissance de Madame Houlette et de son avocat. »
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- Les réponses intégrales du parquet général de la cour d'appel de Paris :
Question de Mediapart : D’après nos informations, le parquet général de Paris a été informé dans la première moitié du mois de juin 2019 d’écoutes téléphoniques susceptibles de mettre en cause Mme Houlette, alors Procureure national financier en exercice, dans une enquête portant sur des malversations présumées à la mairie de Marseille. Est-ce exact ?
Réponse : « À l’occasion d'écoutes téléphoniques ordonnées et retranscrites dans le cadre d’une enquête préliminaire pour détournement de fonds publics visant des emplois fictifs à la mairie de Marseille, des faits distincts de leur saisine étaient constatés par les enquêteurs, qui établissaient un procès-verbal de renseignement judiciaire qu’il adressaient aux magistrats du parquet national financier en charge de l’enquête pour suite à donner.
Informés de faits susceptibles de mettre en cause leur supérieure hiérarchique directe, et à ce stade non qualifiés pénalement, les deux magistrats du parquet national financier ont sollicité directement et à leur initiative la procureure générale de Paris, autorité hiérarchique, pour l’en informer ».
Questions : D’après nos informations, les services judiciaires de la Chancellerie ont été saisis le 17 juin par le parquet général de Paris du cas de Mme Houlette pour une éventuelle enquête administrative-disciplinaire. Est-ce exact ?
Le ministère peut-il enquêter sur une magistrate à la retraite à votre connaissance ?
Pourquoi ne pas avoir donné instruction d’ouvrir parallèlement une enquête pénale sur les mêmes faits ?
Réponse : « Le 11 juin 2019, la procureure générale de Paris décidait de recevoir en entretien la procureure de la République financière pour recueillir ses observations.
Dans la soirée du 11 juin 2019, la procureure de la République financier, informait la procureure générale que l’enquête préliminaire pour détournement de fonds publics visant des emplois fictifs à la mairie de Marseille avait été clôturée et qu’une information judiciaire avait été ouverte.
Le 14 juin 2019, le directeur des services judiciaires a été saisi par la procureure générale de ces faits à toutes fins relevant de ses compétences, ces faits étant susceptibles de relever d’un manquement déontologique. »
Questions : Le 28 juin, le procureur Jean-Luc Blachon, chargé du dossier par vous, décide, au nom du PNF, de ne pas ouvrir d’enquête sur les faits reprochables à Mme Houlette, alors sa supérieure hiérarchique en fonction. Le parquet général a-t-il donné des instructions en ce sens ?
Est-il prévu par les textes qu’un magistrat puisse avoir à prendre une décision sur l’ouverture ou non d’une enquête concernant sa supérieure directe ? Pourquoi a-t-il été saisi par vous de la gestion judiciaire de ce dossier ?
Réponse : « La procureure générale n'a pas “chargé le procureur Jean-Luc Blachon de ce dossier” mais a uniquement porté à la connaissance du parquet national financier qu’il avait été donné un traitement administratif au procès-verbal de renseignement judiciaire, qui lui avait été communiqué par les magistrats du parquet national financier.
Il ne rentre pas dans les prérogatives du procureur général de procéder au classement sans suite d'une procédure judiciaire.
Lorsqu’un parquet de première instance, dépositaire de l’action publique, est saisi d’une enquête pénale mettant en cause un magistrat de son ressort avec lequel il est en relation habituelle, le procureur général peut, d’office ou sur proposition du procureur de la République, transmettre la procédure à un autre ressort dans les conditions déterminées par l’article 43 du code de procédure pénale. »
Questions : Le 25 juillet, le parquet général, sous la plume de la procureure générale, donnera finalement instruction pour ouverture au parquet de Paris d’une enquête des chefs de trafic d’influence, prise illégale d’intérêts et violation du secret, après la diffusion d’un rapport de synthèse des gendarmes ayant mis au jour des faits nouveaux. Pourquoi ne pas avoir ouvert plus tôt ?
Le 20 septembre, le parquet de Paris a confirmé à l’AFP avoir ouvert une enquête visant Mme Houlette pour des faits présumés de violation du secret. À votre connaissance, le parquet de Paris a-t-il également ouvert une enquête pour les deux autres délits visés dans votre soit-transmis ? S’il ne l’a pas fait, comment avez-vous réagi ?
Réponse : « Les interceptions téléphoniques relatives aux faits de détournement de fonds publics visant des emplois fictifs à la mairie de Marseille, diligentées initialement dans le cadre de l’enquête préliminaire se sont poursuivies ensuite sur commission rogatoire des juges d’instruction, saisis de ces faits par le parquet national financier.
Le 12 juillet 2019, les juges d’instruction adressaient au parquet national financier par soit-transmis un procès-verbal du service enquêteur concernant ces nouvelles écoutes téléphoniques diligentées au cours de l’instruction. Selon les magistrats instructeurs, ce procès-verbal révélait des faits nouveaux non contenus dans leur saisine et susceptibles d’être qualifiés de trafic d’influence.
Le 29 juillet 2019, le parquet national financier adressait au parquet de Paris, en raison de sa compétence territoriale, l’ensemble des éléments en sa possession relatifs à ces faits : c’est-à-dire les éléments transmis le 12 juillet 2019 par les magistrats instructeurs, ainsi que le procès-verbal de renseignement judiciaire transmis début juin directement à la procureure générale par les magistrats du parquet national financier en charge de l’enquête préliminaire pour détournement de fonds publics et ayant fait l’objet par le parquet général d'un traitement administratif. C'est à cette fin, et en raison de la connexité, que le parquet général communiquait le 25 juillet 2019 au parquet national financier l’original de ce procès-verbal.
Saisi de l'ensemble de ces éléments par le parquet national financier, le parquet de Paris décidait le 5 septembre 2019 de l’ouverture d'une enquête pénale. »
Question : Pour quelles raisons et à quelle date l’enquête a finalement été dépaysée à Nanterre ?
Réponse : « Le 30 septembre 2019, le parquet général de Paris, saisi par le procureur de la République de Paris le 24 septembre 2019, décidait sur le fondement de l’article 43 du code de procédure pénale, de transmettre la procédure au parquet général de Versailles, au motif que le parquet de Paris était saisi d’une procédure susceptible de mettre en cause madame Éliane Houlette, ancienne cheffe du parquet national financier, qui était de par sa mission habituellement en relation avec des magistrats de la cour d'appel de Paris. »
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- La réponse intégrale du procureur adjoint du PNF Jean-Luc Blachon :
« Je n'ai ni connu ni traité personnellement cette affaire sur le terrain pénal.
Le procès-verbal qui m’a été transmis est une copie conservée par les magistrats à l’origine du signalement. Lorsque cette copie m’a été remise, l’original du procès-verbal avait déjà été transmis au parquet général depuis plusieurs semaines et une procédure disciplinaire avait été engagée à l’encontre de Mme Houlette. Le classement de cette copie de procès-verbal n’est donc qu’une formalité administrative interne, toute interprétation différente de ce processus serait erronée.
Il n’a jamais été question que je prenne une quelconque décision dans l’affaire visant Mme Houlette, et ceci est parfaitement vérifiable dans la procédure. Ce sont les autorités compétentes, parquet général de la cour d'appel de Paris et Direction des services judiciaires, qui ont pris les décisions utiles et je vous invite à vous tourner vers elles. Aucune enquête pénale n’a donc été engagée et a fortiori classée par le PNF, qui n’était d'évidence pas légitime pour traiter une telle affaire. À cet égard, toute insinuation laissant entendre que j’aurais pu prendre une décision dans un dossier visant ma supérieure hiérarchique constitue une atteinte à mon intégrité et à mon honneur.
Enfin sur ma nomination, elle est l’aboutissement d’une demande formulée en automne 2018. Elle a nécessité une proposition de la DSJ et un avis favorable du Conseil supérieur de la magistrature à l’issue d'une audition. Enfin, Madame Houlette a formalisé un avis favorable sur cette demande d’élévation dans le cadre de mon évaluation bisannuelle de janvier 2019. »
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- La réponse intégrale du parquet de Nanterre :
« Dans le cadre de cette affaire en cours, qui fait l’objet d’une enquête préliminaire ouverte auprès du parquet de Nanterre, nous ne souhaitons pas communiquer sur le fond du dossier à ce stade.
Je suis donc uniquement en mesure de vous indiquer que le parquet de Nanterre a été saisi le 6 novembre 2019 suite à une décision de dessaisissement du parquet général de Paris dans le cadre de l’article 43 alinéa 2 du code de procédure pénale, au regard des relations habituelles entre le PNF et le parquet de Paris. Il s’agit ainsi du parquet de Nanterre qui a été désigné par le PG de Versailles pour suivre ce dossier en tant que parquet du tribunal le plus proche de la cour d’appel la plus proche de celui de Paris. »
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- La réponse intégrale du parquet de Paris :
« En réponse à votre demande, je vous indique que le parquet de Paris a été saisi au titre de sa compétence territoriale le 29 juillet 2019 par soit-transmis émanant de l’avocat général délégué aux fonctions de procureur de la République financier sans précision de la qualification pénale éventuelle des faits. Le 05 septembre 2019, il a ouvert une enquête préliminaire donnant comme instruction au service d’enquête de procéder à une retranscription des passages utiles à la manifestation de la vérité. Le 24 septembre 2019, conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 43 du code de procédure pénale, le parquet de Paris a sollicité auprès de la procureure générale près la cour d’appel de Paris son dessaisissement en raison des liens professionnels entretenus entre les magistrats du parquet de Paris et ceux du parquet national financier. Il a été fait droit à cette demande et le dossier a été dépaysé au parquet de Nanterre. »