La haine : six mois d’islamophobie en France

Le 25 avril 2025, Olivier Hadzovic, 21 ans, entre dans une mosquée de La Grand-Combe (Gard) et assassine Aboubakar Cissé, 22 ans, de cinquante-sept coups de couteau. Il filme le corps massacré et lance : « Je l’ai fait […], ton Allah de merde. » Un mois plus tard, Christophe Belgembe, 53 ans, se rend devant le domicile de Hichem Miraoui, son voisin de Puget-sur-Argens (Var), pour le tuer. Avant de tirer, il annonce dans une vidéo : « Ce soir, on dit stop aux islamiques de mes deux. »

Ces deux drames ne sont pas isolés. Les personnes musulmanes ou perçues comme telles sont les cibles régulières d’une partie de la classe politique et des médias.

Dans tous les aspects de la vie en société, la participation des musulman·es est surveillée, voire entravée. Une mise au ban inscrite directement dans les politiques publiques par un pouvoir qui fait la cour à l’extrême droite, sous le regard amorphe d’une partie de la gauche, qui laisse faire – quand elle ne se met pas dans la roue des artisans du ressentiment.

L’islamophobie, ici, ne s’articule pas autour d’une critique de la religion, mais d’un rejet organisé des croyant·es. Galvanisé·es par cette atmosphère irrespirable, des Français·es passent à l’acte partout dans le pays. Avant l’assassinat, il y a l’agression physique, l’insulte, le crachat, la discrimination.

Et pourtant, d’après le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, chargé des cultes, « l’islamophobie » n’est rien d’autre qu’« un mot forgé par les Frères musulmans ». Empruntée à l’extrême droite, cette rhétorique n’a qu’un but : décrédibiliser le mot pour balayer une réalité sociale. Sur les cinq premiers mois de l’année 2025, les actes antimusulmans ont connu une hausse spectaculaire de 75 % : 145 ont été recensés par le ministère de l’intérieur, contre 83 sur la même période de 2024. Ces chiffres, en plus d’être largement en deçà de la réalité, ne disent rien des vies détruites ou empêchées.

En épluchant la presse, en prenant en compte les alertes des associations et en recoupant nos propres informations, nous dénombrons au moins un fait islamophobe tous les deux à trois jours depuis janvier. Pour donner à voir ce pays déformé par la haine, Mediapart raconte, dans le menu détail, six mois d’islamophobie en France. 

Par Caroline Coq-Chodorge, David Perrotin, Marie Turcan et Khedidja Zerouali

Publié le 4 juillet 2025

Janvier

« Le voile n’est pas qu’un bout de tissu, c’est un étendard pour l’islamisme »

Bruno Retailleau

D’après le ministère de l’intérieur, l’islam est la source de bien des maux. Pour lutter contre le terrorisme, Bruno Retailleau promet de s’attaquer au seul « totalitarisme islamique », ou encore à « l’islamisme des Frères musulmans », source de « séparatisme ». Le voile des femmes musulmanes est un autre « étendard pour l’islamisme » qu’il veut interdire aux mères pendant les sorties scolaires, et aux étudiantes à l’université.

La « décivilisation » selon le préfet des Alpes-Maritimes

Nice

« 2024 a été une année particulièrement difficile, où vous avez approché vos limites. 2025 sera pire encore » : le préfet des Alpes-Maritimes Hugues Moutouh a ainsi mobilisé les forces de l’ordre lors de ses vœux, le 11 janvier à Nice. Il a particulièrement insisté sur le narcotrafic, « une activité criminelle de bandes originaires des cités », qui profitent d’une « immigration subie et non choisie » en s’en servant comme d’une « main-d’œuvre abondante et vulnérable ».

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À ses yeux, il y a encore d’autres causes au « délitement de la société », qui serait « soumise à l’islamisme radical, à la violence des bandes ». Il a même désigné un ennemi intérieur : « des groupes d’individus qui vivent à [leurs] côtés et sont engagés dans un processus de décivilisation ». Le préfet a exhorté les membres des forces à « attaquer le problème à la source », au nom de la « puissance souveraine de l’État ». Depuis, il a été promu : Bruno Retailleau l’a nommé, le 9 avril, secrétaire général du ministère de l’intérieur.

« Free France » : une nuit de tags racistes et islamophobes

Haute-Savoie

En Haute-Savoie, les murs de nombreux bâtiments emblématiques de la communauté musulmane – une mosquée, des commerces halals et même une habitation – ont été recouverts de tags racistes et islamophobes : « Arabes dehors », « Sale race », « Islam dehors », « Free France », etc. C’était dans la nuit du 13 au 14 janvier, à Bonneville, Gaillard, La-Roche-sur-Foron, Fillinges ou encore Vétraz-Monthoux, rapporte Ici, soit dans un rayon de 20 kilomètres. « Nos voitures ont aussi été taguées et caillassées », raconte à Mediapart Abdelhamid Korbaa, directeur du supermarché Riadh à Gaillard.

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Les gendarmes ont retrouvé un homme, apparu sur les images de la caméra de vidéosurveillance de la boucherie de La-Roche-sur-Foron. C’est un Haut-Savoyard de 28 ans, gendarme réserviste et agent de sécurité en Suisse. Il a été interpellé et condamné le 27 mai par le tribunal de Thonon-les-Bains à deux ans d’emprisonnement avec sursis pour les délits de dégradation et destruction en raison de l’origine, ethnie, nation ou religion. Il a reconnu être l’auteur de tous les autres tags. Abdelhamid Korbaa garde un sentiment d’injustice : « Il avait déjà fait des tags en juillet 2024. Il rigolait pendant son procès, et il est sorti libre alors qu’il a une arme chez lui. Moi, je n’espère même pas une indemnisation. »

Une influenceuse d’extrême droite répand sa haine sur TikTok

L’influenceuse d’extrême droite Samia Mezhoud alias « samissou », 27 100 followers sur TikTok, 22 000 sur YouTube, enchaîne les vidéos racistes et islamophobes. Parmi les propos incriminés : « Si tu es vraiment musulman à cent pour cent, tu es islamiste », « Quand ils sont dans un pays, il y a des actes terroristes », « Dès qu’on critique votre idéologie, vous coupez des têtes […], c’est de la barbarie ».

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SOS Racisme a indiqué à Mediapart avoir signalé le 17 janvier ces propos au procureur de la République de Paris pour diffamation à caractère racial et provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale. En attendant, l’influenceuse continue de diffuser des vidéos dans lesquelles elle se met régulièrement en scène entourée de saucissons.

Des actes « abjects » contre la mosquée

Saint-Omer

Le 21 janvier, une grenade a été retrouvée près de la mosquée de Saint-Omer (Pas-de-Calais). Des démineurs sont intervenus pour neutraliser l’arme, qui s’est révélée être une grenade au plâtre d’entraînement. Une femme a été interpellée le lendemain des faits et jugée le 28 janvier. Elle a écopé de sept mois de prison avec sursis, rapporte La Voix du Nord. Le maire de la ville, François Decoster (MoDem), a dénoncé un « acte odieux » et organisé une manifestation en soutien de la communauté musulmane. Trois cents personnes se sont rassemblées le 1er février. Tous les représentants des cultes étaient présents.

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Dans son discours, obtenu par Mediapart, François Decoster a égrainé les nombreux actes « abjects » qui ont visé cette mosquée : la grenade a été déposée « précisément là où ont été déposés, l’an dernier, une tête de cochon, il y a deux ans, une déjection humaine. Devant ce mur où était dessiné, il y a trois ans, un graffiti haineux ». « Cela fait cinq ou six ans que nous sommes victimes régulièrement d’actes islamophobes, précise à Mediapart Ismail Gulmez, président de la mosquée. Un voisin a écopé d’une amende pour avoir jeté des bouts de viande de porc. On a aussi eu droit à des déjections sur des feuilles de Coran. » Il se félicite d’avoir le soutien « de la mairie, des forces de l’ordre et du procureur ». « Nous sommes entourés. »

Tags, menaces de mort, tir : la communauté turque prise pour cible

Cherbourg-en-Cotentin

Cette fois, c’est une petite mosquée de Cherbourg-en-Cotentin qui a été visée, celle de la communauté turque, installée dans un pavillon discret : le 26 janvier, y a été découvert un tag islamophobe, une grossière tête de cochon.

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Cela ravive des « moments très compliqués, qui ont installé un climat de peur », explique à Mediapart Omar Charaf, le président de la principale mosquée de Cherbourg. En novembre 2023, des menaces de mort ont été inscrites sur les murs de la mosquée, notamment : « Ici on est en France, mort aux Arabes ». Le tag était accompagné de croix celtiques, un symbole néonazi.

En avril 2024, une balle a été retrouvée fichée dans le portail de la mosquée le jour de l’Aïd el-Fitr, et quelques jours plus tard le tag « Islam hors de France » en lettres rouges. Des caméras de vidéosurveillance ont été installées et des rondes des forces de l’ordre organisées. En vain : quelques jours plus tard, douze voitures ont brûlé « sur le parking devant la mosquée, hors de portée des caméras », précise Omar Charaf. Les auteurs de ces faits courent toujours.

Le maire de Cherbourg, le socialiste Benoît Arrivé, affirme à Mediapart que « les choses sont revenues au calme ». « À Cherbourg, il y a du vivre-ensemble », minimise-t-il. Omar Charaf reconnaît avoir reçu le soutien de l’élu et de l’État localement. Mais il constate aussi que « les politiques, au niveau national, jettent de l’huile sur le feu. Les musulmans deviennent une cible ».

Février

Un humoriste arabe harcelé pour un bonnet et une barbe

Paris

Après une chronique sur France 5, l’humoriste Merwane Benlazar a subi de nombreuses attaques islamophobes. La raison : il est arabe et portait ce jour-là un bonnet et une barbe. Une tenue qui a été vue par certains comme le signe d’un islam radical. L’affaire a été amplifiée lorsque certains élus, de l’extrême droite au centre, dont l’eurodéputée (Renew) Nathalie Loiseau, s’en sont emparés et ont passé au crible les réseaux sociaux de Merwane Benlazar. À l’Assemblée nationale, la ministre de la culture, Rachida Dati, a assuré qu’il ne reviendrait plus sur France Télévisions. « Ça a créé une vague de haine. De vendredi à lundi matin, j’avais que des insultes ; le chiffre, c’est entre dix et quinze insultes ou menaces par minute », a déploré l’humoriste.

Le syndicat étudiant UNI et son jeu de cartes islamophobe

Strasbourg

Le syndicat UNI, proche de l’extrême droite, est épinglé par le collectif Golem, qui révèle que sa section strasbourgeoise a fabriqué un jeu de cartes mettant en scène des étudiants qui reprend des stéréotypes et propos islamophobes, racistes et antisémites. L’une des images montrait par exemple un militant de l’UNI Strasbourg habillé « en imam pour Halloween ». Plusieurs signalements ont été effectués auprès du procureur de la République, et une enquête administrative a été lancée. Le bureau national du syndicat étudiant a, lui, annoncé reprendre la direction de la section strasbourgeoise.

« Ce sont des musulmans, ils sont noirs »

Bruno Retailleau

Pour défendre une proposition de loi restreignant le droit du sol à Mayotte, le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau a tenu des propos racistes et islamophobes sur LCI. « Vous avez un exemple incroyable d’une société, sur un petit territoire, d’une société totalement déséquilibrée par les flux migratoires. Or, ce sont des musulmans, ils sont noirs », a-t-il défendu avant d’expliquer qu’« aucune société ne peut supporter une proportion où il y a une submersion migratoire ».

Elle porte un foulard, le juge la fait sortir de la salle d’audience

Nice

En France, la justice est rendue au nom du peuple et, à de rares exceptions, les audiences sont ouvertes à toutes et tous. Le 7 février, Hager, cadre d’une trentaine d’années, prend place dans l’une des salles du tribunal de Nice. Avant le début des débats, le président lui demande de sortir de la salle. En cause ? Son voile.

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« Il m’a dit que mon foulard empêche la reconnaissance faciale, explique-t-elle à Mediapart. J’avais un foulard tout à fait classique. Quand j’ai voulu me défendre, en disant que ce n’était pas normal, il a fini par me lancer : “Dégagez maintenant.” Ce n’est pas la première fois que je me fais agresser pour mon foulard, mais ce qui m’a touchée, c’est que c’est venu d’un juge, censé représenter la justice. »

Son avocate, Mireille Damiano, présente dans la salle, confirme les faits. Et rappelle que tout le monde peut assister aux procès, y compris avec des signes religieux. « La présidente du tribunal nous a reçues et nous a promis qu’elle convoquerait le magistrat pour lui rappeler les règles », indique-t-elle.

Auprès de Mediapart, la présidente du tribunal prend plutôt la défense du juge : « Celui-ci a considéré que le foulard porté par cette jeune femme, qui descendait bas sur son front et haut sur son menton, empêchait de voir son visage. Il lui a demandé de le retirer. Suite à la réaction emportée de celle-ci, il lui a demandé de sortir de la salle. Il conteste lui avoir dit de dégager. » 

Hager et son avocate préparent actuellement une plainte, et comptent saisir la Défenseure des droits.

Les posts islamophobes d’un élu du RN

Piffonds

Le parquet de Sens a été saisi après le signalement par le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) du compte Facebook du maire RN de Piffonds (Yonne), Xavier Rosalie. Ce proche de l’élu Julien Odoul partage des dizaines de publications islamophobes et se vante d’avoir appelé son cochon domestique « Mohamed ». S’il a évoqué un possible piratage pour se justifier, sa page Facebook a été supprimée peu de temps après les révélations dans la presse.

À trois jours du ramadan, une mosquée incendiée

Jargeau

Dans la nuit du 26 février, la salle de prière de l’association culturelle franco-turque de Jargeau (Loiret) a été entièrement détruite par un incendie. Le parquet d’Orléans, qui a ouvert une enquête, confirmait l’hypothèse d’un acte criminel. « Pour nous, c’est un acte islamophobe et une atteinte directement au culte. À quelques jours du ramadan, la salle qui brûle, on veut bien croire au hasard, mais ça fait beaucoup », confiait à Mediapart Ali Osturk, membre de l’association. Quinze jours plus tôt, les vitres du lieu avaient été taguées, et l’association avait déjà reçu un courrier raciste en 2023.

Dans les médias

Un film islamophobe projeté par des militants d’extrême droite à Montpellier (Libération). Les posts racistes et islamophobes d’un élu local à Errouville (Le Républicain lorrain). La salle de prière de l’Amicale des Algériens en Europe à Nancy dégradée (Tajmaat). À Brest, des habitants portent plainte après avoir découvert une tête de cochon et des tags racistes dans le hall de leur immeuble (Ici). Portail enchaîné, porte d’entrée brisée, dons dérobés : la mosquée du quartier Maurepas, à Rennes, vandalisée (Ici).

Mars

Dévoiler les avocates

France

Les avocates ne pourront plus porter le voile pendant leur plaidoirie. Le 3 mars, le Conseil d’État a rejeté une requête du Syndicat des avocats de France qui attaquait une décision du Conseil national des barreaux. En 2023, ce conseil avait pris la décision d’interdire le « port de tout signe distinctif autre que la robe », à la suite de plusieurs de ses instances locales. Plusieurs avocates qui portent le voile ont quitté la profession et le pays depuis.

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« Sous prétexte d’indépendance et de procès équitable, le conseil national exige d’effacer “ce qui nous est personnel”. En réalité, c’est le foulard qui est visé, et ce sont les éventuels préjugés des juges qui sont anticipés. C’est d’autant plus inacceptable qu’en 2019, le principe de non-discrimination a été inscrit dans notre règlement », explique à Mediapart Clara Gandin, l’une des avocates qui a défendu ses consœurs devant la justice.

Damien Rieu s’en prend à une boucherie halale

Saint-Denis

Adepte de l’agit-prop, le militant d’extrême droite Damien Rieu s’en est pris à une boucherie halale de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) le 9 mars en publiant une vidéo.

Dans la vidéo, postée sur le réseau social X, le militant d’extrême droite reproche au boucher le nom de son enseigne, Les Barbaresques, « ces pirates d’Alger qui ont violé, tué, pillé, esclavagisé des milliers de nos ancêtres », commente Rieu, qui en appelle au préfet et au ministre de l’intérieur pour faire fermer la boutique.

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En face, le boucher tente de se défendre : « C’est l’esthétique pirate. À ce moment-là, est-ce qu’on va interdire tous les restaurants ou les magasins qui s’appellent Vikings ? » « Ils sont pas tenus par des islamistes », tranche Rieu.

Depuis, la boucherie reçoit une pluie d’avis négatifs et de messages racistes sur les réseaux sociaux. Exemples : « Ils sont trop nombreux, une vraie fourmilière. Ça grouille de partout les cafards », « Tenter de dialoguer avec ces vermines d’Algériens, c’est du temps perdu. Ils sont encore plus de mauvaise foi que les juifs. » Deux plaintes ont été déposées, avec constitution de partie civile, pour diffamation en raison de la religion et incitation à la haine.

L’offensive de Marion Maréchal contre une école devant la justice

Valence

Marion Maréchal est mise en examen pour diffamation. Elle accuse l’association Valeurs et réussite, qui gère l’école musulmane de Valence (Drôme), d’être proche des Frères musulmans, un courant islamiste qui, selon l'eurodéputée, poursuit « le même objectif que Daech et Al-Qaïda, c'est-à-dire imposer la charia dans le monde ». Cette mise en examen n’est que le dernier épisode d’une cabale qui a débuté en 2022.

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Cette année-là, l’école, qui jusqu’alors ne disposait que de locaux exigus à l’intérieur de la mosquée, signe un compromis de vente avec la mairie pour s’installer sur un grand terrain. À cette époque, elle se prépare à passer sous contrat avec l’État. Le maire Les Républicains soutient le projet et soumet cette vente en conseil municipal : 45 votes pour, 2 contre. Mais Charlie Hebdo publie ensuite un article qui affirme que la direction de l’établissement est « proche des Frères musulmans ». La machine médiatique est lancée. Le journal sera condamné pour diffamation en première instance, la justice considérant que le travail journalistique n’était pas sérieux… avant d’être relaxé par la cour d’appel, qui estimera qu’être affilié à l’organisation des Frères musulmans n’est pas diffamatoire en soi. « Cette affiliation est disqualifiante, défend l’avocat de l’association. Par ailleurs, il n’y a aucun lien entre cette organisation et l’école. »

La mairie a fini par faire annuler la vente du terrain, renvoyant les élèves à leurs salles exiguës, dans une école désormais pointée du doigt par la rumeur publique. L’association a déposé des plaintes contre l’État et la mairie. Elles sont toujours en cours d’instruction. Auprès de Mediapart, le président de l’association résume : « Nous, citoyens musulmans, on finit par se demander : est-ce qu’on a encore notre place en France ? » Marion Maréchal sera jugée le 2 septembre 2025.

Saucisson, croix gammée, menace de mort

Grenoble

Aziz, chauffeur de bus musulman de l’agglomération grenobloise (Isère), a retrouvé dans son casier professionnel un colis étrange. Une petite boîte qui contient un bout de saucisson transpercé d’un mini-drapeau français, et un petit papier avec une croix gammée et un message : « À mort ou dehors. » Le conducteur a déposé plainte. Aucune enquête n’a été menée pour le moment, et le parquet n’a pas répondu à nos sollicitations pour en savoir plus à ce sujet.

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« C’est une grande tarte dans la gueule pour moi, explique Aziz auprès de Mediapart. Je ne suis plus le même gars. À chaque fois que quelqu’un me regarde un peu de travers, je me demande si ce n’est pas lui. Les collègues ne me regardent pas dans les yeux, ils ne regardent que ma tache sur le front », une tache due à la prosternation lors de la prière. En novembre 2024, un autre de ses collègues avait trouvé une oreille de cochon dans son casier.

Dans la foulée du colis reçu par Aziz, la section CGT des transports publics grenoblois a déposé un droit de retrait. La direction de l’entreprise l’a contesté, mais a répondu à une ancienne demande du syndicat : installer des caméras dans les vestiaires. « C’est bien triste d’attendre la récidive pour protéger les collègues », estime Pierre, élu du personnel. « Ils ne nous protègent pas, ils s’en foutent de nos vies », poursuit Aziz. Son employeur n’a pas répondu à nos questions.

Deux mois plus tard, fin mai, un nouvel incident s’est déroulé dans l’entreprise. Un chauffeur s’est adressé à un autre, maghrébin, en le désignant comme une « tête de melon », en référence à une expression raciste qui, dans l’Algérie coloniale, désignait l’indigène. La CGT a émis une alerte, la direction a lancé une enquête interne. Dans une lettre, la DRH de M TAG a reproché à la CGT de communiquer sur le sujet, estimant que cela porte « fortement atteinte à l’image de l’entreprise »

Le directeur de MTAG a refusé de répondre à nos questions précises mais a indiqué que des enquêtes internes étaient en cours et qu’une formation sur le « vivre-ensemble » sera dispensée en septembre 2025 pour « l’ensemble du personnel ».

« Vive le sport et donc à bas le voile, bien sûr »

L’exécutif et certaines fédérations poussent pour que les femmes qui portent le voile ne puissent plus accéder aux compétitions sportives.

Dans les médias

Pour le 8 mars, une affiche associative avec une femme qui porte le voile fait polémique (Ouest-France). Le magasin Etam refuse le CV d’une jeune femme à cause de son voile (Nice-Matin). La mosquée de Moulins taguée (La Montagne). Une salle de prière visée par des tirs d’armes à feu (France 3). Le ramadan et les musulmans accusés d’être à l’origine d’une pénurie d’œufs (La Voix du Nord). Vaulx-en-Velin : des parents se mobilisent pour Sara, licenciée d’une crèche pour port du voile (Rue89 Lyon).« Surveiller ABAYA SVP ! ALERTE HIJAB ! + de porc à la cantine SVP ! » : des inscriptions islamophobes sont découvertes en salle des profs dans un lycée de Creil (Le Parisien). L’université Lyon 2 interdit une soirée de rupture du jeûne (Révolution permanente). La devanture d’une boucherie halale incendiée (Corse-Matin). À la fin d’un match de foot tendu en Bretagne, une supportrice qui porte le voile agressée (Le Télégramme).

Avril

Le sénateur Rachid Temal reçoit une lettre raciste

Paris

Régulièrement, les élu·es racisé·es reçoivent des lettres racistes. Cela a été le cas, le 2 avril, de Rachid Temal, sénateur socialiste du Val-d’Oise.

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L’élu, qui avait refusé de participer à la marche contre l’islamophobie de 2019, a publié des extraits de la lettre sur les réseaux sociaux : « Il paraît qu’au Sénat, en période de ramadan, tu fais chaque jour tes ablutions à l’insu de tes collègues dans les toilettes, puis que tu regagnes ton bureau pour étaler ton tapis de prière en direction de La Mecque… front contre terre, cul en l’air, djellaba relevée faisant apparaître tes fesses nues où l’on peut ainsi insérer la roue avant d’une bicyclette, d’où l’expression de position de garage à vélo. »

Auprès de Mediapart, Rachid Temal assure recevoir régulièrement ce type de courrier : « Pour mes proches, ce n’est pas toujours facile, mais je suis surtout inquiet pour mon pays. Tout ça n’est pas un jeu. Ça produit, à la fin, un homme qui, dans le Var, en chasse d’autres comme s’il chassait des animaux. »

Un restaurant de poisson attaqué parce que ses propriétaires sont musulmans

Montpellier

Leila et Abdulilah étaient ravi·es d’ouvrir leur restaurant de poisson à Montpellier, jusqu’au 7 avril 2025. À cette date, un média local écrit un article sur l’ouverture. On y voit les deux Marocain·es tenir fièrement de grands poissons. Et tout de suite, sur les réseaux sociaux, c’est le déluge de commentaires racistes et islamophobes, visant Leila, qui porte un voile.

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« Depuis l’ouverture, on reçoit tous les jours des commentaires dénigrants, raconte Abdulilah à Mediapart. Parfois, c’est des messages directement racistes. D’autres fois, c’est des faux avis négatifs. Je me rappelle que l’un d’entre eux disait que ma pastilla n’était pas bonne, alors que je n’ai pas de pastilla. »

Le numéro personnel d’Abdulilah étant aussi celui du restaurant, il reçoit de nombreux messages islamophobes par SMS. Leila, elle, préfère ne pas lire ces messages ni les commentaires sur les réseaux : « J’ai grandi en Espagne, j’ai vécu en Belgique, j’ai de la famille en Hollande, j’ai déjà visité l’Allemagne. Je n’y ai jamais vu le racisme que je vois ici. En tant que femme voilée, je sais que dans ce pays je ne pourrai jamais être ni avocate, ni juge, ni policière. »

Les restaurateurs n’ont pas souhaité porté plainte. « Pour l’instant, ces commentaires racistes, on ne les reçoit que sur les réseaux ou par SMS. Au restaurant, tout se passe bien », se rassure le couple.

« Si on a des débats aujourd’hui sur l’excision, sur le voile, c’est parce qu’il y a un remplacement culturel qui est incompatible avec nos valeurs. »

Julien Odoul

Sur CNews, Julien Odoul, député RN de l’Yonne, reprend à son compte, comme le fait tout le reste de son groupe politique, la droite et une partie de l’exécutif, le fantasme du « grand remplacement ».

« La chasse aux couvre-chefs » à la Pitié-Salpêtrière

Paris

Le 15 avril 2025, la section Sud de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière publiait un tract s’inquiétant de « la chasse aux couvre-chefs » organisée dans leur établissement : « Depuis plusieurs semaines, les collègues avec un couvre-chef sont régulièrement convoquées et menacées. Ça s’apparente à un véritable harcèlement. Bandana, bandeaux, charlotte, calot… : visiblement la direction développe une véritable obsession. Au prétexte de la laïcité, ce sont des attaques discriminantes contre des collègues que mène la direction. »

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Deux salariées de l’hôpital ont même été sanctionnées pour leur couvre-chef, apprend-on dans Politis. Elles sont toutes deux racisées. L’une souffre d’alopécie : « C’est quelque chose qui me complexe beaucoup. Ce que je trouve injuste, c’est que la directrice ne s’est jamais posé cette question. Elle a vu mon nom, ma tête, et voilà : j’attentais à la laïcité. »

Contactée, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a répondu à Mediapart que « comme toutes les institutions publiques », elle est « tenue à une obligation de neutralité et au respect du principe de la laïcité ». Dans le guide de la laïcité des l’AP-HP, il est indiqué que calots, charlottes et bonnets peuvent être considérés comme des « signes religieux par destination », selon la justice administrative.

57 coups de couteau contre un fidèle

La Grand-Combe

Olivier Hadzovic a choisi un vendredi, la journée sacrée en islam, pour se rendre à la mosquée de La Grand-Combe (Gard) et assassiner, de bon matin, Aboubakar Cissé, jeune Malien de 22 ans. La scène, filmée par les caméras du lieu de culte, donne à voir un acharnement qui dure de longues minutes, alors que le croyant était prosterné, le front au sol. Alors que le drame a ému le pays, le ministre de l’intérieur a refusé de se rendre sur les lieux – il s’est uniquement exprimé depuis la sous-préfecture –, la maire a boudé la marche blanche, le préfet a mis quatre jours à se déplacer.

Olivier Hadzovic a été mis en examen et incarcéré. Une première expertise psychiatrique, effectuée le 11 juin, estime que le meurtrier présumé était atteint d’un « trouble psychotique ayant aboli son discernement et le contrôle de ses actes ». Selon son avocat, il a été transféré dans l’unité pour malades difficiles d’un hôpital psychiatrique. Si cette expertise était confirmée par un contre-expertise, Olivier Hadzovic serait jugé pénalement irresponsable. Cependant, la question de la motivation islamophobe du meurtre d’Aboubakar Cissé devrait être débattue.

À l’hôpital public, les propos islamophobes d’un soignant

Strasbourg

Ils étaient venus, en famille, alors qu’un incendie venait de meurtrir les leurs, à Brumath. Trois de leurs petites filles sont mortes. Et l’islamophobie d’un soignant est venue ajouter à leur peine.

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Dans le dédale de l’hôpital, un des proches filme le chemin vers la chambre mortuaire, plusieurs femmes voilées font partie du groupe et c’est alors qu’on entend un soignant commenter : « Y a la mosquée là ou quoi ? » L’homme à la caméra rétorque : « On a perdu trois enfants, comment tu parles ? » Dans un message largement partagé, Eyup Sahin, président du mouvement islamique turc Millî Görüş, s’est indigné : « Nous sommes musulmans. Nous sommes français. Et nous avons le droit au respect, surtout face à la mort. »

Le soignant a été suspendu, une enquête administrative a été lancée. Selon nos informations, elle est toujours en cours et pourrait aboutir à une sanction disciplinaire. La direction des hôpitaux universitaires de Strasbourg a fait un signalement au procureur.

Dans les médias

À Chalon-sur-Saône, le maire LR fait retirer une affiche publicitaire pour une formation parce qu’elle montre une femme qui porte un foulard (France 3). Les « arabes » d’un lycée de Libourne vivent sous la menace, recevant régulièrement des lettres anonymes (Libération). Adil, étudiant algérien en droit, dénonce des violences physiques, sexuelles, racistes et islamophobes commises par la police à Drancy (StreetPress). La Caf est le « sixième pillier de l’islam », affirme dans une vidéo un candidat d’extrême droite à la législative partielle de Saône-et-Loire (France 3). Une femme qui porte le foulard agressée dans la rue à Poissy (Le Parisien). Xavier Bertrand maintient le gel des subventions de sa région au lycée musulman Averroès, alors même que le tribunal administratif de Lille a donné raison à l’établissement privé sous contrat (La Voix du Nord). La fachosphère s’agite pour empêcher la construction d’une mosquée à Cagnes-sur-Mer (Actu).

Mai

Derrière les autocollants antimusulmans, un groupe néonazi

Orléans

Dans la nuit du 11 au 12 mai, le centre d’Orléans a été tapissé d’autocollants racistes. On pouvait y lire : « Zone interdite aux musulmans » ou encore « Good night, left side », en français « Bonne nuit la gauche », slogan d’extrême droite qui vaut menace de mort.

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Le groupe orléanais auteur des collages se fait appeler la « Brigade Puaud », en hommage à Edgar Puaud, militaire français qui avait rejoint la Waffen-SS. Le logo du groupe, également placardé dans la ville, mêle le blason d’Orléans à des symboles nazis.

Thibau C., un homme de 19 ans, a été placé en garde à vue le 21 mai et a reconnu être l’auteur des faits. Poursuivi pour « provocation publique à la haine » et « port ou exhibition d’uniforme, d’insigne ou d’emblème rappelant ceux d’une organisation déclarée criminelle par le tribunal militaire de Nuremberg », il sera jugé le 28 août.

Les autocollants en question étaient produits par un site fermé depuis par la justice. En mai, le tribunal d’Évreux a condamné à cinq mois de prison son propriétaire.

Une tête de porc déposée devant la porte d’une famille bretonne

Lorient

Une famille d’origine comorienne de Lorient, qui habite le quartier de Saint-Armel, a trouvé une tête de porc sur le palier de son appartement, a rapporté Ouest-France. Des pieds de cochon ont également été envoyés sur le balcon de ce couple qui habite avec ses six enfants. « Une famille de confession musulmane a été ciblée par une mise en scène d’une rare violence symbolique », ont dénoncé des conseillers départementaux du Morbihan.

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Une plainte a été déposée. Une enquête pour violences est en cours, avec la circonstance aggravante qu’elles ont été commises en raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, a confirmé le parquet à Mediapart.

Une femme se fait arracher son foulard

Nanterre

Un homme à vélo, supposément armé, a agressé une femme qui portait le foulard vendredi 23 mai. Une enquête a été ouverte pour violences sans incapacité avec arme en raison de la religion, a confirmé le parquet de Nanterre à Mediapart. À ce jour, le responsable ne semble pas avoir été identifié.

Profanation d’une salle de prière en Moselle

L’Hôpital

« Voilà ce qu’ils ont fait dans la salle où on priait : ils ont tout cassé. » Des membres de l’association musulmane Les Amis du peuple méditerranéen ont découvert le 25 mai que leur siège social, situé dans la ville de L’Hôpital (Moselle), avait été saccagé.

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Dans une vidéo diffusée en ligne, on voit des corans sur le sol, un tag de croix gammée, mais aussi les mots « Nique voile » sur un mur. Des bonbonnes de gaz et des pneus ont été entassés dans une pièce. Le bâtiment était utilisé jusqu’en 2021 comme mosquée, avant d’être fermé au public à cause des normes de sécurité.

Trois jeunes adultes et un mineur ont été interrogés par la police, qui, malgré les tags, ne privilégierait pas la piste de l’acte antireligieux, d’après Le Républicain lorrain. Auprès de Mediapart, le responsable de l’association s’émeut : « On lit dans la presse que ça ne serait pas islamophobe. Excusez-moi, mais quand on jette des corans et qu’on urine dessus, quand on a des croix gammées sur les murs, qu’ils rassemblent des bouteilles de gaz au même endroit… » Depuis l’incident, le religieux n’a pas de nouvelles de l’enquête en cours. Les fidèles sont quant à eux laissés à l’abandon, sans autre lieu pour se recueillir.

Le tueur de Hichem Miraoui affichait publiquement sa haine

Puget-sur-Argens

Alors qu’il était au téléphone avec sa famille, le Tunisien Hichem Miraoui, qui habitait en France depuis une décennie, a été abattu par son voisin de plusieurs balles. Le tueur est Christophe B., un Français adepte du Rassemblement national, qui affichait sa haine publiquement sur son compte Facebook depuis des années.

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Avant et après être passé à l’acte, il a diffusé des vidéos dans lesquelles il affirme qu’il faut « tuer les Arabes », « se révolter et tirer sur la population maghrébine » et dire « stop aux islamiques de mes deux ». Au cours de l’attaque, Afik B., un autre homme de nationalité turque de 25 ans, a été blessé à la main.

« Le commerce constitue une cible dans le cadre de la stratégie des Frères musulmans »

Alexandre Brugère, à la fois actuel préfet des Hauts-de-Seine, suppléant d’une députée macroniste et proche de Gérald Darmanin, estime, sur RTL, que le développement des boucheries halales fait partie de la « stratégie d’entrisme des Frères musulmans ».

Dans les médias

Un homme de 60 ans menace la mosquée de Sucy-en-Brie : « Vous voulez être des victimes, sales porcs […] on va vous égorger » (Actu). Une femme musulmane a porté plainte après avoir été poussée par terre par une femme qui aurait hurlé : « Je vais brûler le kebabier et tabasser les Turcs », en arrachant son voile. (Le Progrès). Des tags de croix gammées et des graffitis « Stop islam » retrouvés pendant des semaines à Nice près d’un collège (Nice-Matin). Laurent Wauquiez suspend des aides de la région Auvergne-Rhône-Alpes à l’université Lyon 2, à cause de « dérive islamogauchiste » (La Voix du Nord). Plusieurs salarié·es du Collectif contre l’islamophobie en Europe ont été perquisitionné·es à leur domicile et mis·es en garde à vue à Paris (Politis). À Poissy, une mosquée vandalisée (Le Parisien). Un médecin vendéen racisé découvre un pot de rillettes rempli d’excréments et de vers morts dans sa boîte aux lettres (Ouest-France). Une tenue de l’influenceuse Léna Situations associée à de « l’entrisme » par une cadre macroniste (Libération). Le collège-lycée musulman Ibn-Khaldoun de Marseille se voit supprimer ses aides (La Provence). L’université de Reims condamne le détournement de son logo sur une affiche qui ordonne aux « bougnoules » de « se soumettre » ou de « quitter le territoire français », mentionnant « Allah » (Ici).

Juin

« On est en France, pas en Iran ! » : une jeune femme vilipendée par son ancienne professeure

Saint-Étienne

Avec l’arrivée des beaux jours, les rues du centre-ville de Saint-Étienne se remplissent généralement de monde en fin de journée. Assma, 25 ans, a l’habitude de les traverser avec ses écouteurs dans les oreilles. Mardi 4 juin, sur les coups de 19 h 30, la Ligérienne entend, à travers sa musique, « quelqu’un qui parle fort ».

« Automatiquement, je relève la tête, relate-t-elle à Mediapart. C’est une dame qui s’adresse à moi. Là, je me rends compte qu’il s’agit de mon ancienne prof de français de collège ! Je crois qu’elle me salue, mais au fur et à mesure que je m’approche, j’entends qu’elle hurle à propos de mon voile : “Enlevez-moi ça. Je ne veux pas voir ça dans la rue, ici on est en France, pas en Iran !” »

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D’abord « sidérée », Assma finit par s’éloigner sans rien dire, mais la professeure la suit, « colle son visage » contre le sien et continue ses invectives islamophobes. Il faut qu’un petit groupe de passant·es s’interpose pour la faire cesser. « Parmi eux, il y avait des personnes de types européen et maghrébin. Elle s’en est prise uniquement à ces dernières, en les traitant de barbares et de sauvages », se souvient-elle. « Je pense qu’elle ne m’a même pas reconnue. Pourtant j’avais un bon souvenir d’elle en classe, on s’entendait bien, j’étais bonne en français… »

Assma a décidé de porter plainte, pour agression à caractère raciste et en raison de la religion réelle ou supposée.

Fête de l’Aïd : le directeur épingle les enseignants absents

La Courneuve

Le directeur d’une école primaire de La Courneuve (Seine-Saint-Denis) a placardé, sur l’un des panneaux devant l’établissement, la liste des prénoms et noms d’enseignant·es musulman·es, les désignant comme « absents » à cause d’une « fête religieuse » – en l’occurrence, ils et elles célébraient l’Aïd el-Kébir.

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« Rien ne va dans cette affiche, dénonce le syndicat FSU-SNUipp 93 auprès de Mediapart. Déjà, on ne peut révéler le motif d’absence d’un agent. Ensuite, c’est une mise en danger, quand on voit que les attentats d’extrême droite sont en hausse en France. »

Plusieurs des enseignants, choqués, ont entamé des démarches pour obtenir la protection fonctionnelle. La direction départementale académique a fait retirer l’affiche dès le lendemain. « Nous rappelons que les autorisations d’absence pour fêtes religieuses sont prévues par la réglementation et relèvent d’un cadre strictement administratif, validé par l’institution. Aucune dérive, aucun manquement ne peut être reproché à nos collègues », précise le syndicat dans un communiqué.

« L’islam n’a aucune différence avec l’islamisme »

Éric Zemmour, président du parti d’extrême droite Reconquête et plusieurs fois condamné pour incitation à la haine ou injure à caractère raciste, a réitéré, sur l’antenne Europe 1 de Vincent Bolloré et au micro de Sonia Mabrouk, un parallèle qu’il fait souvent entre islam et islamisme.

Une boucherie recouverte d’affiches islamophobes

Plaisance-du-Touch

« Pour plus de sécurité, on a aussi enlevé l’affiche “halal”. » Khaled Belhaj, boucher musulman né dans l’Aveyron, a retrouvé des affiches « Les cochons en France, les Arabes dehors » placardées sur sa vitrine et aux alentours, selon La Dépêche du Midi. « Il y a un racisme d’atmosphère, je pense que c’est à cause de la conjoncture actuelle, de toute l’actualité aussi qu’on a ces derniers temps qui font que les gens sont de plus en plus en colère », explique le commerçant de Plaisance-du-Touch (Haute-Garonne) à BFMTV.

Des étudiantes traquées par l’extrême droite en plein Parlement européen

Strasbourg

Plusieurs militant·es d’extrême droite s’en sont pris·es aux membres du Forum of European Muslim Youth and Student Organisations (Femyso) dans l’enceinte du Parlement européen à Strasbourg. Le Rassemblement national de la jeunesse et les jeunes d’Identité libertés (le mouvement de Marion Maréchal) ont déployé chacun leur banderole devant l’institution : « Femyso : Frères musulmans = hors d’Europe », « Pas d’islamistes au Parlement ». Le lendemain, deux influenceurs d’extrême droite, Alice Cordier et Damien Rieu, se sont filmés en provoquant ces mêmes jeunes, afin de diffuser une séquence virale sur les réseaux sociaux. Le mouvement compte porter plainte très prochainement.

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Pour Hania Chalal, présidente du Femyso, ces attaques sont en lien direct avec la publication du rapport gouvernemental sur les Frères musulmans. Une partie de ce rapport, largement contesté, fait état de l’existence de « figures féminines » participant à la « structuration de la mouvance ». Hania ferait, selon cet écrit, partie de « la troisième génération de femmes, dont la religiosité est moins affirmée, qui ont fait des études, sont passées par le cursus militant associatif et tiennent un discours encore plus républicain ».

« Rhétorique qui mêle soupçon idéologique et logique néocoloniale, répond la jeune femme auprès de Mediapart. Il illustre, de manière particulièrement inquiétante, une tendance croissante à criminaliser l’engagement citoyen des jeunes musulmans et à délégitimer leur participation à la vie publique. » Par ailleurs, le Forum nie tout lien avec la confrérie, reproche qui leur est fait depuis des années.

Elles voulaient dîner entre copines en bord de mer, le restaurant les refuse

La Grande Motte

Alors qu’elle avait réservé pour dix personnes dans un restaurant de La Grande Motte (Hérault) où elle a ses habitudes, une femme s’est vu refuser, avec ses amies qui portent le foulard, d’entrer dans l’établissement, qui n’accepterait pas « les signes religieux ». Quelques jours plus tard, dans un communiqué, l’établissement a présenté des excuses : « Nous déplorons la situation qui résulte d’une incompréhension et allons faire une enquête interne pour savoir ce qu’il s’est passé et s’assurer que ce type d’incident ne puisse pas se reproduire. »

Dans les médias

Neuf députés du Rassemblement national font partie d’un groupe Facebook où fleurissent des commentaires islamophobes (Les Jours). « La France c’est mon pays, pas le vôtre, parce que vous avez un foulard noir sur la tête », lance une Varoise à une fille de 16 ans (Tajmaat). Dans la rue, une femme âgée est filmée en train de cracher sur une femme qui porte le foulard et de l’invectiver (Alertes Racisme). Le principal d’un collège de Rennes refuse l’absence des élèves musulmans pendant l’Aïd, le rectorat lui donne tort (Le Télégramme). Une femme sans domicile fixe de 47 ans a agressé verbalement une ado de 16 ans en lui enjoignant de retirer son voile, avant d’agripper le voile d’une passagère de bus de 60 ans (Le Progrès). Louis Aliot, maire d’extrême droite de Perpignan, tente de faire interdire une conférence sur l’islamophobie, en vain (France 3). À la sous-préfecture de Montluçon, une femme a été écartée d’une cérémonie de naturalisation parce qu'elle porte un voile (La Montagne). Depuis deux ans et demi, des bibliothèques de Toulouse victimes de dégradations racistes, et notamment islamophobes (France 3). La mosquée de Roussillon a été vandalisée, des affiches d’extrême droite ont été collées sur place (Le Dauphiné libéré). Une mosquée de Rennes a été attaquée, des coups ont été portés par un objet lourd sur la porte alors que des croyantes étaient dans l’édifice (Ouest-France).

Boîte noire

Pour donner à voir cette haine qui déforme la France, Mediapart a décidé de se concentrer sur les affaires d’islamophobie, quitte à écarter les faits qui relèvent d’autres formes de racisme.

Par exemple, nous n’avons pas intégré les faits de négrophobie ou de racisme antimaghrébin, bien que ces formes de discrimination se croisent à de nombreux endroits.

Nous avons fait ce choix pour mettre en exergue le contraste saisissant entre les paroles politiques – à commencer par celle du ministre chargé des cultes – qui assurent que l’islamophobie n’existe pas ou peu, et la réalité bien tangible des violences vécues par des Français·es parce que musulman·es ou perçu·es comme tel·les.

Pour effectuer ce travail, forcément parcellaire, nous avons consulté une trentaine de titres de presse quotidienne régionale et nationale ainsi que des sites communautaires. Nous avons aussi contacté des avocat·es et des associations identifiées sur le sujet. Certaines des affaires présentées dans ce long format sont racontées ici de manière exclusive.

Sabrina Kassa, journaliste et responsable éditoriale aux questions raciales à Mediapart, a participé au travail de veille pour la réalisation de ce recensement.

Crédits

Textes

Caroline Coq-Chodorge, David Perrotin, Marie Turcan et Khedidja Zerouali

Design, développement et intégration

Prisciana Le Meur, Jean-Claude Simpson

Édition et coordination

Lisa Castelly, Mathilde Goanec, Donatien Huet, Nelson Kontogom

Correction

Alexandra Buisseret, Clémentine Granier, Camille Monnier, Nicolas Pernet, Bertrand Rouziès