Mémoires franco-algériennes : « À chaque fois l’histoire te rattrape »
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À la croisée de l’intime et du collectif, Lynn S.K. a photographié et recueilli les témoignages d’une vingtaine de personnes marquées par les mémoires transgénérationnelles liées à la colonisation et à la guerre d’Algérie.
Sylviane et Lalla, Paris.Lalla: «Dans la famille, il y a deux approches très différentes de la religion et de la conversion au christianisme. Certains étaient très pieux, d’autres en avaient un usage de bandit: ils prenaient ce qu’il y avait à prendre et vivaient leur vie.»
Sylviane: «On est venus en France en 1962. On n’était pas à l’aise là-bas en tant que chrétiens. Aujourd’hui, je suis la seule Kabyle dans l’Ehpad, et j’ai toujours peur que cela puisse mal tourner pour moi.»
Lalla: «Tu as toujours eu la peur d’être repérée. Du coup, est-ce que ta crainte, c’est celle des Français qui seraient dans une démarche imprégnée de l’OAS [Organisation armée secrète, organisation terroriste française d’extrême droite créée en 1961 pour la défense de l’Algérie française– ndlr], ou est-ce que tu as peur des Algériens qui pourraient te reprocher ta religion ou le fait de ne pas être restée?»
Sylviane: «Les deux! J’ai la double peine. On a perdu du temps, quand les Français nous ont envahis, ça aurait pu bien se passer. Ils auraient pu intégrer les “indigènes”, comme ils les appelaient. C’est dommage, mais on ne peut pas réécrire l’histoire. Depuis que je suis à l’Ehpad, je pense beaucoup à ça, tout l’ancien ressort…»