Les engrais de l’usine Timac polluent l’atmosphère de Saint-Malo

Annexes

  • Les pouvoirs publics n’ébruitent pas l’affaire

Ce sont les associations Eau et rivières de Bretagne et Bretagne vivante qui finissent par informer les citoyens et élus régionaux des infractions de la Timac. « La préfecture a envoyé les mises en demeure à la ville et à Roullier, mais pas à la région. Il y a eu une faute de transparence. On lui a fait savoir », confie une source proche de dossier, qui préfère rester anonyme.

Menée jusqu’en juin 2020 par le divers droite Claude Renoult, la municipalité n’ébruite pas davantage l’affaire, malgré l’inquiétude de ses administrés. « Depuis 20 ans, aucun maire n’a décidé de prendre la question de l’impact de l’activité industrielle à bras le corps. Il y a un manque de courage, une forme d’autocensure », analyse notre interlocuteur. Claude Renoult n’a pas donné suite à nos sollicitations.

Il faut dire que les investissements massifs du groupe Roullier sur le port lui assurent le soutien des élus. En témoigne son Centre mondial de l’innovation (CMI), un bâtiment flambant neuf qui accueille 200 ingénieurs en nutrition animale et végétale, financé par un prêt de 50 millions d’euros de la Banque européenne d’investissement (BEI). Sa première pierre a été posée le 7 avril 2014 par le ministre Jean-Yves Le Drian en personne, aux côtés de Claude Renoult, maire fraîchement élu.

« Roullier est indéboulonnable par son influence avec ses emplois sur Dinard et Saint-Malo, précise encore une Malouine inscrite sur une liste d’opposition aux dernières municipales. Son emprise sur le port est devenue très forte. »

  • Un réseau d’influence de la cité corsaire jusqu’à l’Europe

Daniel Roullier fut à l’origine du Club des Trente, lobby rassemblant les industriels bretons les plus influents. Il en posa d’ailleurs les jalons à Saint-Malo même, dans les locaux de la chambre de commerce et de l’industrie (CCI) qu’il présidait en 1988. À l’échelle nationale, le groupe Roullier assure la vice-présidence de l’Union nationale des industries de la fertilisation (Unifa).

La holding du groupe, la CFPR, est aussi membre de cinq groupes d’influence liés aux fertilisants, selon le registre de transparence de la Commission européenne. Elle lui attribue en 2019 une subvention de 758 440 euros, notamment au titre d’un programme intitulé « Défis sociétaux : changement climatique et ressources ».

Depuis l’été 2020, le directeur de cabinet du ministre de l’agriculture Julien Denormandie n’est autre que Fabrice Rigoulet-Roze, l’ancien directeur stratégique du groupe Roullier (de 2008 à 2011). « Un groupe comme nous fait du lobbying. Il nous faut des énarques », commente, peu surpris, un ancien cadre de la Timac.

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