L’esprit critique Podcast

« L’esprit critique » arts plastiques : à l’intérieur des corps

Le podcast culturel de Mediapart évoque aujourd’hui l’exposition « Zombis » du Quai Branly, « L’intime » scruté par le musée des Arts décoratifs et la première rétrospective en France de l’artiste états-unienne contemporaine Martine Syms.

Cet article est en accès libre.

Pour soutenir Mediapart je m’abonne

© Mediapart

« L’esprit critique » de ce jour sonde les rapports entre le privé et le public, l’intérieur et l’extérieur, l’apparence et l’appartenance, ce qui nous agit et ce sur quoi nous pouvons agir. Nous nous rendrons successivement pour cela au Quai Branly, qui consacre une roborative exposition aux « Zombis » d’Haïti, très éloignés de l’imagerie des morts-vivants du cinéma ; au musée des Arts décoratifs, qui propose d’explorer, sur deux siècles, « L’intime. De la chambre aux réseaux sociaux » ; et enfin à la découverte de Martine Syms, une artiste noire-américaine de Los Angeles, à laquelle la fondation Lafayette consacre une première rétrospective en France.

« Zombis. La mort n’est pas une fin ? » 

L’exposition « Zombis. La mort n’est pas une fin ? » a ouvert au musée du Quai Branly, à Paris, le 8 octobre, et sera visible jusqu’à la mi-février de l’année prochaine.

L’exposition, qui fait débat parmi les spécialistes, entend emmener les visiteurs et visiteuses loin des fantasmes et des imageries que suscite le terme même de zombi, souvent réduit au cinéma et à la télévision à une créature assoiffée de sang et symbole d’une mort contagieuse.  

L’exposition nous mène pour cela à Haïti, là où le mot zombi, d’origine ouest-africaine et désignant l’esprit ou le fantôme d’un mort, possède une autre dimension. Venu en même temps que les personnes esclavisées, victimes de la traite atlantique, le zombi s’y est en effet transformé au contact du vaudou, une religion mélangeant des rites et des croyances africaines, caribéennes et chrétiennes.

À Haïti, le zombi désigne ainsi, d’abord, une personne qu’une société secrète chargée d’une justice parallèle a transformée en être drogué, privé de liberté et condamné à errer, hagard, dans les rues ou les cimetières. Mais le zombi étant polysémique, il peut aussi bien nommer l’individu désocialisé, celui atteint de troubles psychiatriques ou encore une personne faisant l’objet d’une fausse reconnaissance destinée à combler un vide familial.

Le commissariat de cette exposition est signé Philippe Charlier, associé à Lilas Desquirion, ancienne ministre de la culture d’Haïti, et Erol Josué, prêtre vaudou.  

© Mediapart

« L’intime. De la chambre aux réseaux sociaux » 

« L’intime. De la chambre aux réseaux sociaux » est le titre de l’exposition qui a ouvert au musée des Arts décoratifs, à Paris, à la mi-octobre. À travers des objets, des tableaux et quelques textes, ce parcours qui assume rester dans « le contexte occidental » nous emmène du XVIIIe siècle du peintre Fragonard jusqu’à la dernière version de l’iPhone d’Apple de nos jours.

L’intime, du latin intimus, constitue ce qui est le plus à l’intérieur de soi et, par extension, tout ce qui relève de la vie privée. Si le mot apparaît en France au XVIIIe siècle, il s’impose au siècle suivant, lorsque la bourgeoisie opère une séparation plus nette de la sphère professionnelle et de la sphère familiale, mais aussi entre les activités masculines et féminines.

On croise donc dans cette exposition aussi bien des lits anciens que des toiles de maîtres, des urinoirs qui ne sont pas signés Duchamp que des parfums siglés Chanel, des sex toys de toutes les couleurs que des journaux intimes manuscrits ou dessinés.

Le commissariat de l’exposition est signé Christine Macel et Fulvio Irace.

© Mediapart

« Total. Martine Syms » 

« Total » est le titre choisi pour la première rétrospective en France de l’artiste américaine Martine Syms, qui investit pour cela totalement, du rez-de-chaussée au troisième étage, l’espace de Lafayette Anticipations, dans le quartier du Marais, à Paris.

Martine Syms, née en 1988 à Los Angeles, diplômée d’un master en beaux-arts du Bard College, combine vidéo, installations, cinéma, écriture et performances pour examiner notamment, mais pas seulement, les représentations de l’identité noire, la « blackness ».

L’exposition rassemble des œuvres anciennes, des objets produits récemment et des éditions disponibles à la vente. On y entre donc à la fois comme dans l’atelier de Martine Syms mais aussi comme dans un magasin, puisqu’on y voit d’abord des tee-shirts de l’exposition, qu’on peut acheter en même temps que d’autres objets dérivés, comme c’est le cas dans de nombreuses expositions contemporaines, sauf qu’ici la division entre l’exposition et la boutique est abolie.

« Total » de Martine Syms a ouvert le 16 octobre dernier et sera visible jusqu’au début du mois de février 2025.

© Mediapart

Avec :

  • Magali Lesauvage, rédactrice en cheffe de l’Hebdo, le numéro hebdomadaire spécial enquêtes du Quotidien de l’art ;
  • Margot Nguyen, travailleuse de l’art indépendante.

« L’esprit critique » est un podcast enregistré dans les studios de Gong et réalisé par Karen Beun.