Dans son chapitre « Manières impropres » de La Fin du poème (dédié à Giorgio Caproni) le philosophe Agamben rapporte la boutade de Pasolini selon laquelle le poète de la Toscane ne parlerait pas l’italien, comme on pourrait imaginer, « mais une autre langue, le capronais ». Une langue privée, un espace propre, une « chambre à soi ». La métaphore de la spatialisation de la langue, son habitation, est devenue un lieu commun de la critique littéraire, un topos plus ou moins récurrent pour définir non pas uniquement la singularité de tel ou tel autre projet d’écriture, mais son occupation. Évidemment il y a de l’essentialisme dans la notion de langue à soi ; mais il y a aussi du politique, des enjeux de pouvoir, la recherche ou la revendication d’une parole singulière (autant pour les écrivains que pour les critiques) et bien sûr un individualisme guidé par la stratégie de la différence, cette recherche de la démarcation que prône le marché, un devenir marqué par le traitement « personnel » d’un langage.
La langue «brouillée» de Carlo Emilio Gadda
Les Éditions du Seuil rééditent Quer pasticciaccio brutto de via Merulana, un des plus grands romans du XXe siècle, sous une nouvelle traduction due à Jean-Paul Manganaro et un nouveau titre L’Affreuse Embrouille de via Merulana. L’occasion de découvrir une nouvelle vibration linguistique où la prose est poussée jusqu’à ses extrémités.
Christian Galdón (En attendant Nadeau)
1 janvier 2017 à 12h01