L’ultime essai de Tzvetan Todorov, Le Triomphe de l’artiste, la révolution d’Octobre et les créateurs russes, 1917-1941, offre une analyse lumineuse sur l’engagement des artistes. Et affirme que la création artistique peut sauver le monde : en faisant obstacle à la déshumanisation, en portant « l’esprit de responsabilité » de l’artiste créateur, en incarnant « un double engagement » envers l’art et la société.
Khalid Lyamlahy (En attendant Nadeau)
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PourPour son dernier ouvrage, Todorov retourne en Russie et achève une œuvre qu’il a patiemment construite entre la théorie littéraire et la pensée humaniste. Comme un signe de ce double ancrage, la traduction des formalistes russes (qui lui a valu sa renommée dès 1965) laisse place dans ce livre posthume au rapport des artistes russes à la révolution d’Octobre 1917. Après Insoumis, Todorov poursuit l’exercice du portrait comme un moyen d’explorer le pouvoir de l’art face aux mouvements conjugués de la politique et de l’histoire. Plaidant pour « un examen plus détaillé » du bouleversement apporté par la révolution d’Octobre et l’expansion puis la chute du pouvoir communiste, le projet de Todorov fait écho à ce que Pascal appelle, dans l’épigraphe de l’ouvrage, « la grandeur des gens d’esprit », réputée « invisible » aux responsables politiques. En centrant son étude sur la période entre 1917 et 1941 (date de l’entrée de l’URSS dans la Seconde Guerre mondiale), Todorov éclaire les rapports compliqués des « artistes créateurs » à la révolution, d’abord comme « idée » (avant Octobre 1917) puis comme institution et incarnation du pouvoir (après Octobre 1917).