Culture et idées

Le festival Entrevues projette l'argent roi

Ouverture samedi à Belfort de l'édition 2012 d'Entrevues, festival de cinéma bouillonnant qui programme une rétrospective de films consacrés à l'argent. Pour mieux comprendre la crise en cours ?

Ludovic Lamant

On est au bureau de poste des 4 000, à La Courneuve, au pied de l'une des tours. Au début des années 1990, 1993, 1994, on ne sait pas trop. C'est l'hiver au dehors. Un homme, sans doute retraité, s'approche, montre la caméra du doigt, demande à la réalisatrice, hors-champ : « Alors on peut dire n'importe quoi ? » – « Ce que vous voulez », rectifie Dominique Cabrera, qui signe là l'un de ces premiers documentaires.
L'homme marque un temps. Il reprend : « Ah, tiens, une question. » Il s'avance encore un peu, jusqu'à ce que sa tête occupe tout l'écran, puis c'est un flot de paroles qui déferle : « Où est l'argent de la France ? Y a bien du pognon en France ! (…) On est l'un des pays les plus riches (…) Alors il est où l'argent, puisqu'il y en a pour personne ? (…) L'argent dans un système capitaliste, c'est fait pour circuler. Mais là, ça circule pas. Y en a qui bloquent. (…) C'est tout. » Le vieil homme s'éloigne, ravi d'avoir déconstruit d'un coup des siècles de théorie économique construite autour de la « main invisible » d'Adam Smith, et quitte le bureau de poste.
Une poste à La Courneuve (1994) est proche d'un travail de sociologue : occupation patiente des lieux, observation intelligente, allers-retours de part et d'autre du guichet. La caméra enregistre, jamais ne s'impose, laisse venir les coups d'éclat. D'un côté de la vitre, des familles frappées par la crise, déjà elle, qui font la queue, s'impatientent, multiplient les acrobaties à l'approche des fins de mois, jonglent avec les très petites coupures. De l'autre côté, des employés censés représenter l'État, qui n'en mènent pas large, conscients des limites de leur action.

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