Dossier Accidents du travail, ces victimes qu’on ne veut pas voir
Chaque jour en France, deux personnes meurent au travail en moyenne. Bien plus se blessent, plus ou moins gravement. Une hécatombe invisible, très rarement au centre des débats politiques ou médiatiques, mais qui dit beaucoup des inégalités qui persistent dans le monde du travail.
Le 25 octobre 2021, cet étudiant de 18 ans est mort, au premier jour d’un CDD dans l’abattoir de volaille du groupe LDC où travaille sa mère. L’entreprise vient d’être condamnée, et ses parents veulent « faire passer ce sujet de la rubrique des faits divers à celle des faits de société ».
Julien Pieraut s’est ôté la vie en 2018 à 26 ans. Le tribunal de Saint-Quentin a jugé que le « lien entre ce suicide et le travail » était établi, et a condamné la SNCF à verser 80 000 euros à ses parents. Le jeune homme avait alerté à de nombreuses reprises sur l’éloignement entre son domicile et son lieu de travail.
Officiellement, sept personnes sont décédées pendant l’été 2022 des suites de la canicule sur leur lieu de travail. Mais la manière de compter et la difficulté à estimer les conséquences des températures extrêmes laissent penser que ce chiffre est sous-estimé. Mediapart a enquêté sur ces morts invisibles.
Le 11 avril, près de Grenoble, un salarié employé par un sous-traitant du Réseau de transport d’électricité est mort à la suite d’un accident du travail avec une débroussailleuse. Une enquête a été ouverte par le parquet.
Alors que la mobilisation contre la réforme des retraites dénonce un projet violent pour les salariés les plus fragiles, le livre « L’Hécatombe invisible » raconte combien le travail tue ces mêmes salariés. Son auteur, Matthieu Lépine, est notre invité.
À l’entrepôt de Brétigny-sur-Orge, un électricien a été gravement brûlé en octobre, et a porté plainte contre le géant de la logistique. Deux syndicalistes estiment aussi que la direction les a prises pour cible. L’entreprise dément.
L’an dernier, quatre ouvriers autoroutiers sont morts dans l’exercice de leur métier. Une première depuis 2017. Dans le même temps, les sociétés concessionnaires, Vinci en tête, mènent une chasse aux arrêts de travail, entre incitations financières cyniques et vidéosurveillance.
Le géant de la logistique est mis en cause par Force ouvrière car il inciterait ses services de santé à ne pas déclarer tous les accidents du travail survenant dans son entrepôt de Brétigny-sur-Orge, en Essonne. Un intérimaire y est pourtant décédé d’un arrêt cardiaque en janvier.
Des décès tous les jours : c’est le constat qui a conduit notre partenaire Mediacités à enquêter sur la catastrophe silencieuse des accidents du travail.
La multinationale pétrolière, touchée par une grève dans ses raffineries, comparaît mardi 11 octobre pour des manquements ayant contribué à la survenue d’une violente explosion dans ses installations de Gonfreville-l’Orcher.
Ancien mécanicien robinetier, Ghislain Lafosse a dû être amputé d’une jambe après un accident survenu en 2018 dans son ancienne entreprise, filiale du groupe Eiffage. Au civil, la faute inexcusable de l’employeur a été reconnue en première instance, mais le procès pénal n’est toujours pas programmé.
À la suite de la mort de Moussa Sylla, 49 ans, des personnels de l’Assemblée nationale, soutenus par des députés de la Nupes, exigent l’ouverture d’une enquête par le CHSCT et dénoncent la politique de sous-traitance de l’institution.
En France chaque semaine, quatorze salariés décèdent à leur poste, rien que dans le privé. La sociologue Véronique Daubas-Letourneux dévoile ce que disent ces événements des inégalités et des rapports d’exploitation dans le monde professionnel.
Arthur Bertelli, 23 ans, et Vincent Dequin, 33 ans, sont morts ensevelis dans un silo à sucre le 13 mars 2012. Le géant du sucre Cristal Union (marques Daddy et Erstein) et un sous-traitant ont été condamnés pour homicide involontaire et blessures involontaires.
Militaire gravement blessé lors d’un accident de service en 2003, Olivier Tardy a vu défiler les ministres lui promettant que la France ne le laisserait pas tomber. Aujourd’hui, il est handicapé à vie et l’État menace de saisir ses biens parce qu’il aurait reçu un dédommagement financier trop important pour son accident.
Arthur Bertelli, 23 ans, et Vincent Dequin, 33 ans, sont morts ensevelis dans un silo à sucre le 13 mars 2012. Condamnés en première instance, le géant du sucre Cristal Union et son sous-traitant Carrard Services étaient jugés en appel le 21 septembre.