De notre envoyé spécial à Bruxelles.
L'Union européenne est encore loin d'être sortie de la crise, mais les chefs d'État, eux, ont repris leurs petits calculs d'apothicaires à Bruxelles. Dans un contexte d'austérité généralisée, les négociations engagées sur le budget européen, pour la période 2014-2020, prennent la tournure d'une éprouvante bataille politique, où chaque État membre tente, comme au bon vieux temps, de tirer le plus de couverture à soi.
C'est à qui brandira son veto en premier. Ici en défense des agriculteurs français, là pour les bénéficiaires des fonds de cohésion en Europe de l'Est, sans oublier, pour Londres, le maintien du « rabais » britannique... Chacun veut un « juste retour » sur son investissement (comprendre : sur l'argent qu'il verse au budget européen), sans se soucier de la seule question qui vaille : pour quelle Europe ?
Aussi techniques soient-elles, ces discussions, censées déboucher sur un accord d'ici la fin de l'année, sont décisives. Elles doivent permettre d'évaluer le sérieux des capitales, qui s'étaient engagées, lors du conseil de juin dernier, pour un « pacte de croissance », mettant l'accent sur la relance du continent, et la lutte contre le chômage. Le dossier était, à l'époque, la priorité du nouveau président français, François Hollande, qui se montre désormais extrêmement silencieux sur ces enjeux budgétaires.
« Ces perspectives financières n'ont rien à voir avec un simple exercice comptable. Elles doivent servir d'instrument pour atteindre les objectifs politiques que l'Union s'est fixés, en particulier en matière de croissance », veut croire Ivailo Kalfin, un eurodéputé socialiste, ex-ministre des affaires étrangères bulgare, aujourd'hui co-rapporteur du texte sur le « cadre financier pluriannuel » au Parlement.
Surtout, depuis le revers subi par le Britannique David Cameron devant son parlement, le 31 octobre, la question du départ de la Grande-Bretagne de l'Union (le « Brexit ») est ouvertement posée. À la surprise générale, une alliance des travaillistes (gauche) et des euro-sceptiques de droite est parvenue à rejeter la motion, proposée par le gouvernement britannique, d'un gel du budget européen pour les années à venir, calqué sur les dépenses effectives réalisées en 2011. Ils ont ainsi exhorté Cameron à durcir encore le ton dans ce dossier, quitte à désarçonner un peu plus les partenaires européens.
Budget européen : le bal des égoïstes
C'est reparti pour un tour : les Français veulent sauver les aides à l'agriculture, les Britanniques conserver leur « rabais »... Avec les négociations sur le budget européen, les États ont repris leurs calculs d'apothicaires. Quitte à oublier le « pacte de croissance » qu'ils avaient signé, en juin, pour relancer l'économie du continent.
12 novembre 2012 à 18h37