Le Planning familial, des générations de militantes engagées

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Plus de soixante ans après sa création, le Planning se renouvelle. Les jeunes militantes sont imprégnées de l’héritage du mouvement féministe. Une histoire de transmission par les femmes, de génération en génération.

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  1. Isabelle Eshraghi

    Centre socio-culturel de l’Esplanade, Strasbourg (Bas-Rhin), 10 juin 2022. Alice, 23 ans, est entrée au Planning familial de Strasbourg quand elle avait 15 ans. Au lycée, elle fonde un club féministe et organise des séances de prévention. « On échangeait sur le consentement sexuel. C’était un vrai dialogue ! » À 16 ans, elle rejoint le conseil d’administration national, où elle représente les jeunes militant·e·s et au niveau local, elle devient animatrice de prévention. « C’était hyper-intéressant d’aller dans les écoles, de parler à des jeunes de mon âge, d’être dans une approche de pair à pair. » Alice a apprécié le terrain en tant qu’éducatrice à la vie affective et sexuelle. « Je faisais des entretiens individuels, des animations au niveau local. Ça s’est chevauché avec le début de mon mandat au bureau national. Être en contact avec le public me permettait de nourrir mon plaidoyer avec des témoignages concrets. C’était vraiment très complémentaire, du terrain à l’état pur ! »

    À 18 ans, elle est élue au bureau européen et international, où elle participe à la réforme de la gouvernance des fédérations, à la construction des plaidoyers communs pour la mobilisation sur le droit à l’avortement, à la création de ponts avec l’Europe, à la mobilisation de fonds, au travail avec les donateurs sur les actions à mettre en place. « Le Planning familial français est un planning extrêmement militant comparé à d’autres, plus institutionnels. C’était très intéressant de pouvoir partager notre pratique et de se nourrir des stratégies politiques d’autres pays. » Élue en 2020 au bureau national, elle arrive bientôt à la fin de son mandat. « Je suis très fière d’avoir engendré une dynamique avec le programme jeune. »

  2. Isabelle Eshraghi

    Centre socio-culturel de l’Esplanade, Strasbourg (Bas-Rhin), 10 juin 2022. Sarah, 35 ans (au centre de la photo), est Orléanaise. Elle a commencé à travailler au Planning familial à l’âge de 17 ans. « Une moitié de vie au Planning ! », dit-elle, enthousiaste. Durant ses études d’assistante sociale, elle choisit d’y faire son stage. « J'ai été séduite par la possibilité de travailler et de militer politiquement. Être sur le terrain, utiliser ce que l’on observe et porter la parole des personnes qui ne peuvent pas la prendre dans la sphère publique et visible. Pendant 12 ans, j’ai été nourrie des paroles et du vécu des personnes. Je n’avais pas besoin de lire un livre pour voir ce qu’il se passait ou de regarder la télé. C’est fatiguant, passionnant, des fois c’est triste, mais on rigole aussi. » Sarah milite beaucoup sur les questions liées à l’avortement. « J’ai parlé publiquement de mes avortements afin que la parole se libère. » Depuis deux ans, elle est co-présidente, et nouvellement nommée au Conseil à l’égalité pour le planning. Avant la présidentiellea, le planning a réalisé des micro trottoirs dans la région parisienne. « On a cherché des publics très différents pour démontrer qu’il n’y avait pas de séances d’éducation à la sexualité, et que les gens en voulaient, et que c’était un levier très important. » Sarah m’explique qu’être féministe, ce n’est pas si simple. Depuis deux ans, lors des manifs du 8 mars, elle sent que ça monte de plus en plus. Même dans les débats à l’Assemblée nationale, rien n’est acquis, tout reste fragile.

  3. Isabelle Eshraghi

    Centre socio-culturel de l’Esplanade, Strasbourg (Bas-Rhin), 10 juin 2022. Betty, 58 ans (à gauche), et Annie, 66 ans, ne s’étaient jamais vues, et pourtant elles ont en commun d’avoir aidé la même femme, victime de violences conjugales. Après avoir quitté son mari en 2019, Sabiha loge dans un foyer à Lyon. La peur au ventre ne la quitte pas. Betty décide d’utiliser son réseau de copines militantes pour la mettre à l’abri à Bordeaux chez une amie. Annie prend le relais et fait le suivi avec la mairie de Bordeaux. Grâce à ces efforts, Sabiha trouve un logement et un travail d’agent d’entretien dans une crèche. Toutes deux ont échangé des tas de mails tout au long du parcours difficile de cette femme. En avril 2022, happy end : Sabiha reprend confiance en elle et retourne vivre à Lyon.

    Avant de rejoindre un atelier, Annie prend un moment pour me parler de la dynamique féministe. « C’est revenu comme un boomerang. Il était temps ! Ce déclic des différents #MeToo, avec cette libération de la parole, a fait écho chez les unes et les autres à des tas de situations, à des tas de convictions. On s’est rendu compte que tout n’était pas acquis. Du coup, ça a amené énormément de jeunes bénévoles, de nouvelles militantes. La montée des anti-choix nous a déterminés à nous bouger. Au niveau national et international, ils sont très structurés, très financés, très politisés, très infiltrés. Ils ont l’idéologie. À Bordeaux, ils sont très présents, il y a beaucoup de cathos intégristes. À quatre reprises, nos locaux ont été tagués par les anti-IVG : “Assassins !”, avec un poupon pendu plein de peinture noire. La dernière fois, c’est quand la loi est passée à deux semaines de plus pour l’IVG. On a porté plainte, sans avoir de suite. »

  4. Isabelle Eshraghi

    Centre socio-culturel de l’Esplanade, Strasbourg (Bas-Rhin), 10 juin 2022. Nicole (2e en partant de la droite), 74 ans, a débuté sa carrière en médecine du travail. Elle est entrée au planning à Strasbourg en 1980. « Une amie m’avait dit, il faut des médecins, vient ! Ça te prendra deux heures par semaine. On accueillait des jeunes pour la contraception. À l’époque, on n’avait pas encore l’agrément de l’État. »

    Après avoir suivi un stage de formation avec Marie-France Casalis, elle participe en 1983 à la première motion sur les violences et rejoint ensuite la commission violence. Elle y consacre une dizaine d’années, tout en poursuivant ses activités. Elle tient les permanences médicales pour les jeunes et fait des animations dans les prisons. « À partir de 1994, j’ai animé le premier groupe de parole pour des femmes victimes de viol et de viol par inceste. Ça a duré 17 ans ! Après toutes ces années, j’ai eu la présidence et j’ai rempilé plusieurs fois jusqu’en 2019. Au début, le gros du boulot, c’était de faire connaître le planning partout avec un nombre incalculable de réunions collectives, institutionnelles, informelles, de partenariats. »

    Nicole a pris sa retraite. Il lui arrive de faire des remplacements quand il manque quelqu’un aux permanences médicales. À vie, elle reste militante du planning.  

  5. Isabelle Eshraghi

    Centre socio-culturel de l’Esplanade, Strasbourg (Bas-Rhin), 10 juin 2022. Durant deux jours, les Rencontres nationales sont organisées afin d’échanger sur les pratiques de terrain, de poursuivre une réflexion politique et de rendre visible le Planning comme acteur de lutte contre les violences. Venues des quatre coins de France, 55 participantes sont présentes. Une vingtaine d’ateliers à huis clos sont programmés afin de mettre en valeur les dispositifs existants. La matinée a débuté par une présentation de l’histoire de l’engagement du Planning dans la lutte contre les violences. Beaucoup des jeunes militantes ont écouté attentivement Nicole. Après la pause déjeuner, un “brise-glace” est mis en place. Un cercle se forme par ordre alphabétique et chacune prononce son prénom : Adèle, Alice, Anne-Lyse, Betty, Bérénice, Blandine, Camille, Samantha, Sara, Vaena... Puis chaque association départementale se regroupe comme sur une carte de France et l’animatrice leur demande de présenter une spécialité culinaire de chaque région. « Il va falloir parler fort, parce que la France est très grande ! On commence par le Sud. » C’est l’Hérault qui commence : « Montpellier, AD34, la spécialité vient de Sète, on mange des tielles, c’est avec des poulpes et de la sauce tomate. AD06, Nice. On mange de la pissaladière. Je n’ai pas pu en ramener, mais j’ai apporté des soccas, galettes de pois chiches. Gap, AD05, des oreilles d’âne, une sorte de lasagnes. Bordeaux, AD33… » Applaudissements. Les ateliers de l’après-midi peuvent reprendre.

  6. Isabelle Eshraghi

    Centre socio-culturel de l’Esplanade, Strasbourg (Bas-Rhin), 10 juin 2022. Madalina (à droite ), 26 ans, et Vaena, 25 ans, vivent à Nice et militent au Planning familial des Alpes-Maritimes. Madalina siège au conseil d’administration depuis trois mois. Elle a d'abord créé l’application Help&React, qui travaille en partenariat avec le Planning. « Quand j’ai fini mes études, j’ai eu envie de faire quelque chose car j’ai fait le constat qu’autour d’une table de dix jeunes filles, on était dix à avoir été victimes de violences. Aucune n’avait connaissance des structures associatives comme le Planning familial pour être aidée, écoutée et soutenue. Je me suis dit : c’est incroyable qu’il y ait autant de solutions et qu’elles soient si peu connues. J’ai eu envie de pouvoir les valoriser à Nice et j’ai mis en place une application mobile gratuite et anonyme pour aider les victimes à trouver les lieux d’aide adaptés, les associations, les forces de l’ordre, les centres de soins. Le planning dispose d’un grand réseau. Avec l’application, il est possible de visibiliser les aides de manière très simple. Parmi les associations qui ont été répertoriées, un partenariat naturel s’est fait avec le Planning familial 06, né d’une volonté d’unir nos forces. En parallèle, on m’a proposé de prendre place au conseil d’administration. »

    Vaena, elle, est animatrice de prévention en santé sexuelle et reproductive depuis janvier, mais son militantisme a débuté en 2021. C’est dans le cadre du stage de son master en étude de genres, qu’elle a suivi à la Fédération Nouvelle Aquitaine, qu’elle matche avec les valeurs du Planning familial. Dès son retour à Nice, elle se présente comme bénévole. Elle est ensuite embauchée et intègre l’équipe de 6 personnes.

  7. Isabelle Eshraghi

    Centre socio-culturel de l’Esplanade, Strasbourg (Bas-Rhin), 10 juin 2022. Francesca, 47 ans, est salariée depuis 2015. Elle a deux masters : en philosophie et en politique publique sur les questions de genre. Francesca a débuté au Planning un jour par semaine. On lui a ensuite proposé un temps partiel, puis un temps plein.

    « Je n’ai pas vécu le mouvement féministe, je suis née en 1975. Je me suis retrouvée avec tous les droits acquis. Ma génération a développé la théorie, j’ai pu faire une thèse en philosophie sur le féminisme. La théorie, c’est une posture, très importante aussi. Les anciennes, comme on les appelle, étaient dans l’action. Elles ne comptaient pas les heures, elles étaient au Planning du matin au soir. Les revendications salariales n’étaient pas d’actualité à l’époque. Les jeunes qui viennent avec Bac+5 cherchent à monter en compétence. Elles savent analyser, et partager le travail. »

    Francesca a une double casquette, elle travaille sur la coordination scolaire, et se plaint d’ailleurs des enseignants qui veulent guider les séances d’éducation à sa place, et elle ajoute : « Le rectorat de Strasbourg ne nous a jamais reçu, c’est hallucinant ! » Elle dirige aussi le programme handicapé·e·s. En ce moment, elles font des séances d’éducation à la vie affective et sexuelle et des permanences individuelles auprès des travailleurs et travailleuses d’un Établissement et service d’aide par le travail (Esat), une structure qui propose aux personnes en situation de handicap une activité professionnelle et un soutien médico-social et éducatif.

  8. Isabelle Eshraghi

    Centre socio-culturel de l’Esplanade, Strasbourg (Bas-Rhin), 10 juin 2022. Alice se prépare pour la conférence publique du soir intitulée : « L’éducation à la sexualité, un levier fondamental pour la lutte contre les violences. » Plus de vingt ans après l’adoption de la loi Aubry instaurant trois séances d’éducation à la sexualité par an et par niveau, 25 % des écoles répondent n’avoir mis en place aucune action ou séance, nonobstant leur obligation égale, selon le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.

    Y participent Christelle Wieder, adjointe à la mairie de Strasbourg en charge des droits des femmes, Matilde Cordero, administratrice de la FCPE du Bas-Rhin, Estelle Flatter, de l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (INSPE), Louise Battisti et Francesca Bonsignori, du Planning familial 67. Manque à l’appel la représentante de la Maison des lycéen·nes.

    Estelle, professeure à l’INSPE, dirige le module optionnel dédié à l’éducation à la sexualité et à l’égalité fille-garçon en master Métiers de l’enseignement, et vise le long terme. « Certains enseignants ne sont pas prêts tout de suite, mais je sème des graines pour plus tard, peut-être dans dix ans, ce sera gagné. »

  9. Isabelle Eshraghi

    Centre socio-culturel de l’Esplanade, Strasbourg (Bas-Rhin), 11 juin 2022. Les Rencontres nationales se terminent après le bilan en sous-groupes et la conclusion des deux jours. Chacune se dirige vers le tableau des messages. « La question des violences est une thématique qui anime l’ADN des militantes. Ces rencontres ont été l’occasion d’échanger des exemples d’actions des différents plannings, auprès des victimes et des auteurs de violence », constate Alice.

     

  10. Isabelle Eshraghi

    Strasbourg (Bas-Rhin), 11 juin 2022. Devant la gare, j’échange avec Anne-Lise (à droite), animatrice à Paris. « Il est important d’être dans un mouvement avec des féministes de toutes les générations, à la fois jeunes, à la fois vieilles, sinon c’est stérile. Le Planning familial est vraiment un lieu que je trouve très démocratique pour ça. Il y a beaucoup de débats. On est traversé par les conflits féministes et c’est productif, ça produit de la pensée, ça fait sortir des impensés. C’est la vertu du conflit ! Dans nos permanences, on accueille aussi bien des mineures que des femmes qui se retrouvent enceintes avant la ménopause. Même en termes de violences, il n’y a pas d’âge. »

    Anne-Lise me donne rendez-vous au festival Solidays, à Paris, où le Planning a un stand dans le village des Solidarités.

  11. Isabelle Eshraghi

    Place de la République, Paris, 24 juin 2022. Avant même qu’aux États-Unis, la Cour suprême publie sa décision d’annuler l’arrêt Roe v. Wade (1973) qui garantit l’avortement dans tout le pays, le Planning familial appelle avec d’autres organisations féministes à se rassembler pour défendre le droit à l’avortement. La grande crainte est que la décision américaine ne renforce les autres mouvements anti-femmes, anti-avortement et anti-genre partout dans le monde.

  12. Isabelle Eshraghi

    Solidays, hippodrome de Longchamp, Paris, 25 juin 2022. Sur le stand n°47 du village des Solidarités, qui réunit cette année 100 associations, le Planning familial est présent. Une équipe de 10 jeunes des milieux festifs se relaient durant les trois jours du festival et avec enthousiasme permet aux festivalier·es d’accroître leurs connaissances.

    Cette année, après deux ans d’absence pour cause de crise sanitaire, Solidays a battu son record de fréquentation. Le Planning familial a accueilli sur son stand 715 personnes ; en 2019, le décompte était de 520 personnes.

    Les conversations tournent autour de l’annonce de la Cour suprême des États-Unis de retoquer l’arrêt qui garantit le droit à l’avortement sur tout le territoire américain. Camille est interviewée par Julie Drouin, de France Inter, pour le journal de 18 heures. Elle répond aux questions de la journaliste et insiste sur les mouvements anti-choix, leur pouvoir et l’argent dont ils disposent. Autre inquiétude, avec 89 députés RN à l’Assemblée nationale, il faut inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution pour qu’il n’y ait pas dans l’avenir de retour en arrière.

  13. Isabelle Eshraghi

    Solidays, hippodrome de Longchamp, Paris, 25 juin 2022. Anne-Lise sensibilise les jeunes sur les moyens de contraception, la question de l’avortement et l’IVG sans délai. Sur la table du stand, il y a des peluches aux formes des différentes infections sexuellement transmissibles, un clitoris rose géant, une boîte noire de contraception, des culottes de règles, un remonte-couilles toulousain et un Andro-switch (outil de contraception testiculaire). « Dans une perspective d’éducation populaire, ça nous permet d’amener la discussion, d’amener les gens à poser des questions, à être actrices, acteurs de leur apprentissage ! D’apprendre aussi des choses en commun. »

  14. Isabelle Eshraghi

    Solidays, hippodrome de Longchamp, Paris, 25 juin 2022. Nolween présente l’anneau contraceptif masculin, l’Andro-switch. Elle explique qu’il est possible de vérifier si ça fonctionne avant qu’il y ait une grossesse non désirée. « Avec un spermogramme, on va récupérer un échantillon de sperme et on va analyser le nombre de spermatozoïdes. Si c’est en dessous d’un million, on considère que c’est bon, si c’est au-dessus d’un million, il faut faire attention. »

    Florian, festivalier, se pose des questions sur ce moyen de contraception, qui n’a pas été encore validé par des essais cliniques aux normes CE. « Et si jamais j’ai un gamin ! » s’inquiète-t-il. Nolween le rassure. « La procédure a été testée sur 500 couples pendant plusieurs mois et il y a eu une seule grossesse. L’efficacité est à 99 %, ça passe devant la contraception féminine. »

    Camille intervient : « Tu es en train de découvrir ce que cela veut dire d’avoir la charge de la contraception. Tu verbalises exactement ça. C’est-à-dire, je prends un truc, on me garantit que ça marche et j’ai cette responsabilité ! »

    Amandine, l’amie de Florian, demande si après l’utilisation des études ont été faites : « Oui, tout à fait, ça a été testé sur plusieurs années. On s’est même rendu compte que la production est à l’arrêt pendant toute la procédure et à partir du moment où vous l’enlevez, la reproduction repart en hausse ! »

    Rires ! Les garçons blaguent sur l’anneau du lendemain.

    L’Andro-switch a 3 ans. Dix mille anneaux ont été vendus. Le slip chauffant, contraception thermique, lui, a 40 ans, il a été développé dans les années 1980 et expérimenté, malgré les réticences du corps médical.

  15. Isabelle Eshraghi

    Solidays, hippodrome de Longchamp, Paris, 25 juin 2022. Florian (au centre), Amandine, Thomas et Anaïs ont passé plus d’une heure sur le stand du Planning familial. Florian, 28 ans, est doctorant en biologie à l'université de Toulouse. « C’est important de sensibiliser les gens sur les différentes méthodes de contraception, sur les IST, comment lutter. Ça manque, beaucoup de gens ne sont pas au courant de tout. Même moi qui me considère comme plutôt bien informé au final, il y a plein de choses que je ne savais pas et que j’ai pu apprendre ici, je suis content d’être venu. Par exemple, comment soigner certaines IST. Il y a des questions qu’on aborde ici comme la contraception masculine. Je m’y intéresse parce que je suis un homme. C’est vrai que j’ai pu apprendre beaucoup dessus. Si un jour une entreprise les commercialise, je pourrai y penser. » Avant de rejoindre un concert avec ses amis, Florian confie qu’il souhaite pouvoir prendre part à la contraception, autant que les femmes qui galèrent depuis des années. « En tant qu’homme, on n’est pas maître de notre contraception, et c’est cool de se dire que l’on va pouvoir l’être bientôt ! »

  16. Isabelle Eshraghi

    Solidays, hippodrome de Longchamp, Paris, 25 juin 2022. Nolween (à gauche) et Wendy devant la scène du dôme. Nolween, 29 ans, est surveillante dans un collège de 900 élèves à Paris et bénévole au Planning familial depuis 2018, après son service civique à la confédération nationale. Je la félicite pour son intervention auprès du groupe de jeunes âgés de 25 à 28 ans. « Il y a toujours des choses à apprendre sur la santé sexuelle. On est un peu à la ramasse, la loi Aubry de 2001 n’est pas particulièrement respectée en France. »

    Quand elle est arrivée dans son établissement en 2019, elle a voulu mettre en place des ateliers de santé sexuelle, puis la pandémie a stoppé net son projet. Début 2020, sans l’aide des infirmières scolaires débordées, elle a commencé à discuter santé sexuelle avec des élèves volontaires le midi pendant une heure. « En général, ce sont les mêmes élèves qui viennent. Ils servent d’élèves ressources, ils peuvent relayer. Ça permet de redistribuer les informations auprès de leurs camarades. Beaucoup d’élèves n’osent pas venir. Ils savent que ça va être connoté, ils ont peur au regard des autres. Ce qui est normal quand on est adolescent·e·s. Des élèves viennent aussi me poser des questions d’ordre personnel dans la cour de récré. »

    Nolween a une formation d’animatrice de prévention. Il lui arrive de faire des tests de grossesse à des élèves qui stressent. « Tests jamais positifs ! Le stress ça suffit à bloquer les règles. L’aspect psychologique est très important. Le fait d’avoir un test négatif les rassure. » Elle tient à souligner que les élèves testées n’avaient pas eu de rapport. N’ayant pas d’éducation à la santé sexuelle, elles pensent tomber enceinte par simple contact avec des gouttes de sperme sur la cuvette des toilettes.

  17. Isabelle Eshraghi

    Solidays, hippodrome de Longchamp, Paris, 25 juin 2022. Wendy, 24 ans, Bac+5, Sciences Po et EHEES, est bénévole au Planning familial d’Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine) depuis septembre 2021. Elle fait partie du regroupement des jeunes militants de moins de 30 ans. « J’ai toujours été intéressée par l’éducation à la santé sexuelle. Je trouve que toutes les classes sociales manquent d’éducation sexuelle. On nous en parle brièvement, alors que c’est une partie importante dans la vie des jeunes. » Sur l’animation du stand, il y a un jeu Tabou spécifique, Sexoploration, qui permet de poser des questions au hasard. « Quelle est la part de personnes trans qui subissent ou vont subir un viol au cours de leur vie, parmi les quatre réponses, quelle est la bonne ? 1 sur 2, 1 sur 5, 1 sur 10, 1 sur 100 ? » La jeune festivalière en face d’elle répond 1 sur 5. La bonne réponse est 1 sur 2. « Je me suis trompée. On ne se rend pas compte en fait, pas du tout. C’est un truc de malade ! » s’étonne Mathilde, 20 ans. Puis Wendy lui montre les peluches qui représentent les IST, morpions, syphilis, chlamydia et le tout mignon, précise-t-elle, « c’est l’herpès ». Sans oublier : comment bien mettre le classique préservatif sur un pénis. La présentation finie, Wendy distribue des autocollants avec des slogans sur les milieux festifs, des badges, ainsi que des préservatifs vaginaux.

  18. Isabelle Eshraghi

    Solidays, hippodrome de Longchamp, Paris, 25 juin 2022. Maude, 23 ans, est étudiante à Sciences Po. Elle a fait son stage de master au planning familial. « J’ai décidé d’intégrer le Planning familial il y a un an pour militer sur la question de la liberté de disposer de son corps dans un projet féministe. Combat qui s’inscrit dans une démarche plus globale de rendre aux femmes, aux minorités de genre et aux personnes concernées plus de liberté et d’autonomie sur ce qu’elles veulent faire de leur corps et de leur vie. »

    Maude constate qu’à Sciences Po, il y a un peu de retard sur ces questions. Bien qu’elle précise n’avoir pas de profs anti-avortement. « Peu de cours nous invitent à réfléchir. Pour moi, pour des raisons politiques, on devrait en parler. Les gender studies, ce serait soi-disant importé des États-Unis et pas souhaitable en France. Il y a aussi un discours montant des partis d’extrême droite qui nous disent que c’est dangereux les études de genre. La nouvelle Assemblée nous inquiète. Les 89 députés du RN pour l’instant ne se prononcent pas trop sur la question de l’avortement mais on sait que l’on n’est pas à l’abri. »

    Elle tient à souligner que l’allongement du délai légal de l’IVG de 12 à 14 semaines en mars 2022 n’était pas un projet de la majorité présidentielle. « Ça a été porté par l’opposition. Les député·es en marche ont voté pour cette loi, mais le gouvernement s’est positionné officiellement contre ! Ça on ne le dit pas beaucoup ! »

  19. Isabelle Eshraghi

    Solidays, hippodrome de Longchamp, Paris, 25 juin 2022. Vaena rejoint le stand après avoir participé à la Marche des Fiertés. À peine arrivée, elle répond aux questions des festivalier·es. Elle tient à repréciser que le Planning familial est une association féministe d’éducation populaire et explique qu’il y a différents types de plannings, parfois avec des médecins, des sages-femmes, mais pas toujours.

    Les festivalier·es s’étonnent de découvrir la contraception masculine. « La contraception masculine ainsi étalée, je ne pensais pas que ça existait ! », dit l’une. Son copain hésite. « Je ne sais pas ce que ça fait, je n’ai jamais essayé, j’ai des a priori sur les sensations… À voir. »

    Vaena s’attèle ensuite à montrer comment porter un préservatif dans le bon sens et rappelle les risques. « Avant une éjaculation, il y a potentiellement du liquide pré-séminal, où il peut y avoir des spermatozoïdes, et ce liquide peut aussi être un fluide par lequel il y a transmission d’IST. »

  20. Isabelle Eshraghi

    Solidays, hippodrome de Longchamp, Paris, 25 juin 2022. À 20h55, Wendy et Inès prennent la parole sur la scène du Dôme avant le concert du groupe Black Pumas.

    « Nous venons aujourd’hui vous parler d’un droit pour lequel le Planning se
    bat depuis des décennies. Beaucoup le croient acquis. Il est pourtant remis en cause, partout, tout le temps : ce droit, c’est le droit à l’avortement. »

    Wendy, la scène, elle connaît, elle a fait du théâtre. Cette fois-ci, son discours est très politisé, avec un message très fort. Avec Inès, elles ont travaillé le texte pour le faire tenir en 3 minutes. Elles ont eu des sessions de coaching organisées par Solidarité Sida : prendre des bonnes postures, faire des pauses, savoir tenir le micro.

    Après leur intervention, Wendy me confie : « L’entrée en scène était stressante, la foule, le public, on ne voit qu’une masse de personnes. Les gens étaient très réceptifs à notre discours. C’était un moment très intense, et très gratifiant. Notre message a été reçu. »

    Inès me parle du travail collectif réalisé et de son appréhension. « Au début, on a écrit le texte avec nos mots, nos mots de bénévoles. Avec le coach, on a travaillé la forme et le contenu, comment alléger le texte pour qu’il soit plus efficace. Malgré le fait que je ressentais une pression, c’était important pour la cause. J’ai partagé la colère que j’ai avec d’autres personnes, comme dans une fourmilière où chacun se permet des choses. »