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« L’esprit critique » théâtre : trois monologues féminins

Le podcast culturel de Mediapart s’intéresse aujourd’hui à trois seules en scène, dans lesquels trois actrices s’emparent de textes de combat : « Bérénice » d’après Racine, « Nom » de Constance Debré et « Le Consentement » de Vanessa Springora.

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Un des plus grands classiques du théâtre dépouillé de tous ses personnages masculins ; un texte qui a incarné et catalysé tout un pan du mouvement #MeToo et l’adaptation d’un livre qui s’affiche comme une propagande par le fait en faveur de la dissolution de la famille. Autrement dit : une séparation, un retour à l’envoyeur et une rupture radicale.

En tout cas trois seules en scène où trois actrices s’emparent de textes puissants pour en faire des détonateurs théâtraux. Trois monologues qui reposent la question de savoir comment éviter les deux travers d’un effacement trop prudent derrière le texte qui pourrait rapprocher la performance d’une simple lecture et d’un habillage excessif qui pourrait le noyer.

On évoque aujourd’hui dans « L’esprit critique » Bérénice mis en scène par Roméo Castelluci, avec Isabelle Huppert, Le Consentement de Vanessa Springora adapté par Sébastien Davis, avec Ludivine Sagnier, et Nom de Constance Debray mis en scène par Hugues Jourdain, avec Victoria Quesnel.   

« Bérénice »

Bérénice, d’après Jean Racine, par Roméo Castellucci et avec Isabelle Huppert – même si le fascicule donné aux spectateurs et spectatrices à l’entrée met ces deux noms exactement sur le même plan, au point qu’on peut se demander si Isabelle Huppert n’est pas ici considérée autant comme autrice que comme actrice –, a été l’événement théâtral du mois de mars à Paris.

Donné au Théâtre de la Ville, désormais renommé Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt, ce Bérénice fait le choix radical d’évacuer toutes les tirades de Titus et d’Antiochus, les personnages masculins de Racine. Ce choix ainsi que les déformations sonores de la voix d’Isabelle Huppert ont suscité moult réactions, en général acerbes, visant encore plus fréquemment la comédienne star que la mise en scène du célèbre metteur en scène.

« Nom »

Nom, texte de l’écrivaine Constance Debré paru en 2022 chez Flammarion, est pour la première fois mis en théâtre au Théâtre du Rond-Point par le metteur en scène Hugues Jourdain, avec l’actrice Victoria Quesnel sur un plateau vide et nu pour simple décor et une chaise d’école en guise de seul accessoire. Un dépouillement qui fait écho à la façon dont l’écrivaine s’est dépouillée de (presque) tous les attributs de sa vie antérieure.

Victoria Quesnel est en effet mise au défi d’incarner cette figure de la littérature contemporaine en rupture totale avec sa vie antérieure d’avocate, de mère et de femme mariée. En rupture totale aussi avec son propre nom, et ce qu’il désigne de son milieu d’origine, celui de la plus haute aristocratie républicaine qui puisse exister puisque son grand-père était Michel Debré, ancien premier ministre du général de Gaulle et rédacteur de la Constitution de la Ve République.

Nom, dont « L’esprit critique » avait rendu compte, est un ouvrage où l’on peut lire des phrases comme : « Je suis née pour terminer un sale boulot, je dis sale mais je pense beau, un beau boulot, le plus juste, le plus moral, j’insiste, le plus moral, celui de détruire, de finir, je dis ça calmement, simplement, juste comme ce qui doit être fait, ce qu’on a tous à faire, pas réparer comme ils disent toujours il n’y a rien à réparer, mais au contraire rompre, partir, participer à la grande entreprise de perte, l’accélérer, achever les choses. »

« Le Consentement »

L’adaptation sur scène de l’ouvrage de Vanessa Springora, Le Consentement (Grasset, 2020), sur la relation d’emprise que la future éditrice a subie avec l’écrivain Gabriel Matzneff quand elle était encore collégienne, a été créée à Toulon, avait déjà été montrée à Paris à l’espace Cardin du Théâtre de la Ville et était de nouveau visible dans la capitale au Théâtre du Rond-Point, avant une probable poursuite de la tournée puisque la salle était chaque soir comble.

La mise en scène est signée Sébastien Davis et c’est l’actrice Ludivine Sagnier qui prête sa voix à Vanessa Springora dans un décor sobre, avec une table, une chaise et un lit aux draps noirs pour seuls accessoires. Elle partage la scène avec Pierre Belleville, musicien électro et batteur, dont les sons accompagnent et scandent le récit.

Pour en discuter :

  • Ysé Sorel, que vous pouvez lire dans le quotidien d’idées en ligne AOC ;
  • Caroline Châtelet, qui écrit notamment pour la revue Regards.

« L’esprit critique » est un podcast enregistré dans les studios de Gong et réalisé par Karen Beun.