Le podcast culturel de Mediapart s’empare de trois romans qui ont en commun, sinon une écriture, du moins une atmosphère faite de silences, d’inquiétude, voire de menaces qui planent au-dessus des vies de leurs personnages principaux.
On évoque d’abord Aliène de Phœbe Hadjimarkos Clarke, publié aux Éditions du sous-sol ; puis Sous la menace, de Vincent Almendros, paru aux Éditions de Minuit, et enfin La Nuit chienne, de Rachel Yoder que vous pouvez lire aux éditions Flammarion.
« Aliène »
Aliène, qui évoque l’anglais mais s’écrit à la française, est le second roman de Phœbe Hadjimarkos Clarke. Traductrice de profession, autrice d’un premier roman remarqué intitulé Tabor, Phœbe Hadjimarkos Clarke plante le décor de son nouveau livre publié par les Éditions du sous-sol dans un petit bourg rural.
Fauvel, qui a perdu un œil après un tir de LBD, accepte de garder la chienne du père d’une amie. Celle-ci, baptisée Hannah, est le clone d’une première chienne du même nom et éveille la suspicion du village à mesure qu’on découvre des animaux massacrés dans le coin.
« Sous la menace »
Sous la menace est le quatrième roman de Vincent Almendros publié aux Éditions de Minuit. Le narrateur est un adolescent qui a perdu son père quelques années auparavant dans ce qu’il pense être un accident de voiture. On le saisit là alors qu’il rend visite à ses grands-parents en compagnie de sa cousine Chloé et de sa mère, avec laquelle il entretient des relations tendues, surtout depuis qu’il est sous la menace d’une expulsion de son collège après une altercation avec un autre élève. Comment se déploie une narration forgée par un adolescent de 14 ans ?
« La Nuit chienne »
La Nuit chienne est le premier roman de Rachel Yoder qui a grandi au sein d’une communauté mennonite au pied des Appalaches avant de devenir journaliste. Le livre est traduit aux éditions Flammarion par Hélène Borraz. Une jeune mère de famille a priori typique de la norme états-unienne, plus diplômée que son mari mais totalement aliénée par les exigences de son jeune bambin et les absences professionnelles de son époux, se découvre une attirance, voire davantage, pour le monde canin. Véritable transformation de la mère au foyer en chienne vorace ou vision hallucinée due à une solitude domestique qu’elle peut presque toucher « comme un deuxième enfant » ?
Écart existentiel en tout cas entre la mère qui répond au jardin d’enfants « J’adore ! J’adore être maman », alors qu’elle aurait plutôt eu envie de répondre, mais sans oser le faire : « Je suis devenue une personne que jamais je n’aurais imaginé être, et je ne sais pas comment appréhender ça. J’aimerais être satisfaite, mais au lieu de cela, je suis coincée dans une prison que j’ai moi-même créée, où je me tourmente sans fin, jusqu’à ce que je me retrouve à me goinfrer de Figolu à minuit pour ne pas éclater en sanglots. […] J’ai peur de ne plus jamais être intelligente, heureuse ou mince. Je crains de me transformer en chien. »
On discute de ces trois livres avec :
- Lise Wajeman, professeure de littérature comparée qui chronique l’actualité littéraire pour Mediapart ;
- Blandine Rinkel, à la fois écrivaine, critique et musicienne ;
- Youness Bousenna, qui chronique l’actualité littéraire pour Télérama.
« L’esprit critique » est un podcast proposé par Joseph Confavreux pour Mediapart, réalisé par Samuel Hirsch et enregistré dans les studios de Gong par Karen Beun.