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« L’esprit critique » littérature : une langue pour des lieux

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Notre podcast culturel débat de « La Petite Bonne » de Bérénice Pichat, d’« Amiante », premier roman du québécois Sébastien Dulude et de la nouvelle plongée dans le quartier de Harlem du double prix Pulitzer Colson Whitehead, « La règle du crime ».

Paris dans les années 1930, Harlem dans les années 1970, et une ville québécoise patrie de l’industrie de l’amiante dans les années 1980… « L’esprit critique » propose aujourd’hui d’investir littérairement trois époques et trois lieux différents, grâce à trois romans qui ont en commun de façonner une langue exigeante – versifiée, surprenante ou truculente – pour refaire vivre les endroits et les temps dont ils s’emparent.

On discute et dispute aujourd’hui de La Petite Bonne, le texte en vers et prose de Bérénice Pichat publié aux éditions Les Avrils ; d’Amiante, premier roman du québécois Sébastien Dulude paru chez La Peuplade et enfin de la nouvelle plongée dans le quartier d’Harlem du double prix Pulitzer Colson Whitehead, La Règle du crime que publient les éditions Albin Michel.

« La Petite Bonne » 

La Petite Bonne est le nom de l’ouvrage publié aux éditons Les Avrils par Bérénice Pichat, romancière, professeure des écoles et passionnée d’histoire. Son livre prend ainsi place dans l’entre-deux-guerres, et confronte deux mondes, deux personnes et deux corps : celui de la « Petite Bonne » éponyme, la bonniche, et celui de son « maître », Blaise Daniel, pianiste au Ritz avant la guerre, mais déchiqueté pendant la bataille de la Somme. Entre les deux, Alexandrine, la femme dévouée de Blaise s’autorise pour la première fois de sa vie un week-end loin de son mari, pendant lequel elle laisse ce dernier entre les mains de cette « Petite Bonne » dont nous ne connaîtrons pas le prénom…

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« Amiante » 

Amiante est le titre du premier roman singulier publié par Sébastien Dulude chez l’éditeur québécois La Peuplade. Comme l’auteur, le narrateur grandit dans un quartier de la ville phare de l’industrie de l’amiante québécoise. Âgé de 9 ans, Steve Dubois, qui partage donc ses initiales avec l’auteur du livre, lie une relation d’autosuffisance avec un autre enfant du quartier, le petit Poulin.

Les deux enfants, entre une construction de cabanes et une virée dans les paysages modelés par les mines et usines d’amiante, collectionnent les coupures de journaux relatant les nombreuses catastrophes de l’année 1986, de l’explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl à celle de la navette spatiale Challenger. Une relation qui permet notamment au narrateur de fuir la violence de son père, un des travailleurs de l’amiante.

« La poussière fibreuse de la ville d’amiante se soulevait sous nos pas et se fichait en une pellicule grise et crayeuse contre notre sueur, écrit Sébastien Dulude. Nos mollets étaient couverts de ce talc qu’on dit cancérigène – pays de l’or blanc. »

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« La Règle du crime » 

Le double prix Pulitzer, Colson Whitehead, publie aux éditions Albin Michel le deuxième volume d’une trilogie sur le quartier noir emblématique de New York, Harlem, débutée dans les années 1960 avec le roman Harlem Shuffle et qui devrait se terminer avec un troisième opus situé dans les années 1980.

Ce roman-ci, intitulé La Règle du crime et traduit par Charles Recoursé, se déploie dans les années 1970 et se découpe en trois parties situées à quelques années de distance autour, successivement, d’un braquage, le tournage d’un film de blaxploitation durant lequel une actrice disparaît et une série d’incendies criminels visant à rénover à marche forcée le quartier.

Le roman suit de nouveau le personnage de Ray Carney, qu’on avait découvert dans Harlem Shuffle. Ce dernier, propriétaire d’un magasin de meubles, retombe dans le recel dans le but de dégotter des billets pour le concert ultra-complet des Jackson Five dont rêve sa fille.

L’intrigue se déroule sur fond d’affrontements stratégiques et politiques entre des groupes activistes noirs. « La brouille entre les Panthers et la Black Liberation Army, qui avait fait sécession, n’était pas qu’une question de sémantique, écrit ainsi Colson Whitehead. De ce débat philosophique découlaient l’ambiance dans les rues, la position des forces de l’ordre à l’égard de Harlem, et cette multitude de sirènes. Et, si on prenait un peu de hauteur, peut-être que ça disait tout. »

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Avec :

  • Blandine Rinkel, écrivaine, critique et musicienne.
  • Rose Vidal, qui écrit notamment pour le quotidien d’idées en lignes AOC
  • Aïnhoa Jean-Calmettes, responsable littérature et idée du magazine Mouvement.


L’esprit critique est un podcast enregistré dans les studios de Gong et réalisé par Karen Beun.