Roger Chartier, professeur au Collège de France, et François Bon, écrivain féru de numérique, publient deux ouvrages qui battent en brèche la conception habituelle du livre, l’importance canonique du manuscrit original et la place sacralisée de l’auteur sur lesquelles s’est fondée la littérature des XIXe et XXe siècles. Analyse symétrique.
SiSi chaque rentrée littéraire semble désormais amener avec elle son affaire de plagiaire, l’idée même de plagiat est relativement récente dans l'histoire de la littérature. Avant le XVIIIe siècle, dans un régime d’écriture pré-romantique, l'écrivain Camille Laurens n’aurait pu accuser sa collègue Marie Darrieussecq de «plagiat psychique», puisqu’il était fréquent que des contemporains, a fortiori publiant chez le même éditeur, produisent des textes proches les uns des autres, voire écrivent à plusieurs mains. Flammarion n’aurait pas eu besoin de montrer les dents quand le prix Goncourt 2010, Michel Houellebecq, fut accusé d’avoir recopié des passages de Wikipédia, puisque l’étendue de ce qui était considéré comme du domaine public de l’écrit était alors vaste.