Je voudrais prélever quelques moments — trois ou quatre — dans Moi, Daniel Blake, afin d’essayer de décrire quel cinéaste est Ken Loach. C’est une question qui, bizarrement, n’est pas posée. De moins en moins en tout cas. Il y eut un moment, le début des années 1990, époque de Riff-Raff, de Raining Stones et de Ladybird, où les films de Loach étaient encore regardés comme des films. Prétendre que cela reste vrai serait très exagéré. Le cinéaste britannique a ses admirateurs, d’ailleurs nombreux. Il a aussi ses adversaires. Les uns et les autres semblent s’accorder sur un point : sa voix est porteuse de convictions trop incontestables, sa dénonciation des injustices est trop nécessaire pour qu’on pinaille sur les traductions cinématographiques que Loach travaille à leur donner. Les premiers estiment que ces convictions et cette dénonciation suffisent à en faire un cinéaste d’exception, lui-même incontestable et nécessaire. Les seconds considèrent qu’avec lui c’est d’autre chose que de cinéma qu’il est question, et qu’au fond ce n’est pas grave : il est des situations, n’est-ce pas, où il faut savoir faire la part des choses.
«Moi, Daniel Blake»: lui, Ken Loach et la peur de l’art
Cela fait trop longtemps que les films de Ken Loach sont regardés davantage pour leur contenu politique que pour leurs propriétés cinématographiques. La sortie de Moi, Daniel Blake est l’occasion idéale pour inverser la tendance.
24 octobre 2016 à 07h34