La mise en garde inhabituelle contre la dégringolade du dollar lancée par le président de la Réserve fédérale des Etats-Unis, Ben Bernanke, a une portée qui va au-delà du simple constat : une monnaie faible contribue à importer de l'inflation (en renchérissant les prix des importations) et se trouve par conséquent malvenue à un moment où la Fed est critiquée pour avoir, sous la pression de la crise financière, abaissé sa garde alors même que la stabilité des prix est menacée.
Cette apparition du patron de la Fed sur un terrain, celui des taux de changes, habituellement réservé au secrétaire au Trésor, reflète l'inquiétude des autorités américaines face à ce qui apparaît comme une tendance structurelle à l'affaiblissement du billet vert, et par conséquent à son statut de première monnaie de réserve au monde. Statut dont les Etats-Unis ont tiré des avantages exorbitants depuis l'éclatement du système de Bretton Woods en août 1971.
En outre, il n'est pas indifférent que Ben Bernanke ait tenu ces propos en s'adressant par liaison satellitaire aux participants à l'International Monetary Conference, réunie à Barcelone. L'IMC n'est pas n'importe quel cénacle financier : c'est la réunion annuelle des patrons (président ou directeur général) des cent plus grandes banques internationales.
La déclaration du patron de la Fed intervient alors que le secrétaire au Trésor, Henry Paulson, vient d'achever une tournée dans le Golfe où il a défendu le lien fixe (peg) entre le billet vert et les monnaies des pétromonarchies, expression de leur dépendance à l'égard des Etats-Unis, mais qui leur inflige aujourd'hui une politique monétaire laxiste, décidée à Washington et inadaptée à leur situation de surchauffe économique.
Ces interventions peuvent manifester l'intention des autorités américaines d'aller au-delà des déclarations rituelles sur le «dollar fort (qui est) dans l'intérêt des Etats-Unis».
Qu'a dit exactement Ben Bernanke ?
«Les défis rencontrés par notre économie au cours de l'année écoulée ont généré certaines pressions à la baisse sur la valeur externe du dollar, qui ont contribué de manière indésirable à l'augmentation des prix à l'importation et à l'inflation des prix à la consommation. Nous sommes attentifs aux implications des changements dans la valeur du dollar pour l'inflation et les anticipations d'inflation et nous continuerons à formuler une politique à même de prévenir les risques menaçant les deux dimensions de notre mandat, y compris le risque d'une érosion dans les anticipations d'inflation à long terme. Avec le temps, l'engagement de la Réserve fédérale tant sur la stabilité des prix que pour un emploi soutenable le plus élevé possible ainsi que la solidité foncière de l'économie américaine - notamment des marchés flexibles et une innovation et une productivité solides - seront des éléments clefs pour garantir que le dollar demeure une monnaie forte et stable.»
Europe Analyse
Que doit faire l’Europe face au déclin structurel du dollar ?
Les déclarations inusitées de Ben Bernanke, patron de la banque centrale américaine, sur les risques d'une nouvelle baisse du dollar signalent l'inquiétude de Washington devant l'affaiblissement du statut du billet vert, dans la foulée de la crise financière. Mais si le déclin face à l'euro est bien structurel, comme le pensent nombre d'experts, la réponse européenne ne peut pas se contenter d'expédients de court terme. Enjeu majeur, même si l'audition organisée mardi 3 juin par la commission des Finances de l'Assemblée nationale n'a attiré qu'une poignée de députés. On trouvera sous l'onglet Prolonger la proposition originale de l'économiste Patrick Artus pour augmenter l'offre d'euros et enrayer la hausse de la devise européenne.
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