Nicolas Sarkozy l'a répété il y a peu, dans le désormais célèbre discours «recyclé» plusieurs fois aux agriculteurs: «La France se battra et convaincra ses partenaires pour mettre en œuvre la taxe carbone aux frontières de l'Europe. Il ne s'agit pas de protectionnisme, il s'agit de raison.»
Même s'il est peu probable que la diplomatie française enfourche ce cheval de bataille à la conférence de Copenhague, où l'effet sur les délégations des pays émergents directement visés serait on ne peut moins «diplomatique», cette revendication élyséenne soulève aux moins deux questions: une telle taxe serait-elle légale en droit commercial international, c'est-à-dire «OMC compatible» ? Et si oui, pourrait-elle être effectivement mise en œuvre, à quelles conditions et avec quels résultats? Questions prises au sérieux dans les organisations multilatérales où elles sont apparues récemment sur les écrans radars.
La réponse à la première question est «oui, certainement», à certaines conditions très précises. Et ce de l'avis même d'une source proche de l'Organisation mondiale du commerce. «Les contraintes environnementales sont intégrées dans la charte de l'OMC, dans les barrières techniques au commerce, dans la négociation», indique cette source de haut niveau, en soulignant que la lutte contre la destruction de la couche d'ozone dans les couches supérieures de l'atmosphère avait déjà conduit à imposer des taxes aux frontières contre les importations de CFC ou de produits contenant ces substances nuisibles à l'environnement. «Dans aucun cas pour le moment, il n'y a eu de conflit entre un accord multilatéral sur l'environnement et les règles de l'OMC», ajoute-t-elle.
Et aux experts s'interrogeant aujourd'hui sur la portée exacte des dispositions de l'article XX (alinéa b) du GATT, qui autorise des mesures «nécessaires pour protéger la vie humaine, animale ou celle des plantes ou la santé», ce responsable signale que la «jurisprudence autorise tout à fait les obstacles aux frontières pour protéger l'environnement». «L'arrêt UE contre Brésil sur les pneus rechapés est absolument limpide. Fondamental», explique-t-il.
Comme souvent en droit, ce n'est pas l'objet du contentieux qui compte, en l'occurrence un affrontement de portée économique limitée entre les exportateurs européens de pneus rechapés et le gouvernement brésilien, mais la signification universelle de la jurisprudence. Rendu en décembre 2007 par le jury d'appel du mécanisme de règlement des différends de l'OMC, ce jugement était d'autant plus intéressant qu'il donnait raison à Brasilia sur le fond, la possibilité d'invoquer un risque environnemental et de santé publique pour s'opposer ces importations, et tort dans la mise en œuvre, jugée discriminatoire.
Économie et social — Analyse
Une taxe carbone Sarkozy aux frontières de l’UE: légal? possible?
La taxe carbone aux frontières de l'UE, que Nicolas Sarkozy se fait fort d'imposer pour punir les pays émergents qui ne joueraient pas le jeu de la réduction des émissions, serait-elle compatible avec les règles de l'OMC? Et quels problèmes soulèverait son éventuelle mise en œuvre? Le débat entre experts est lancé, éclairé par un jugement peu connu des juges de l'OMC sur un contentieux entre l'Europe et le Brésil à propos des pneus rechapés. Analyse.