France

OGM : le calvaire de Nathalie Kosciusko - Morizet

La secrétaire d'Etat à l'Ecologie a dû s'excuser mercredi 9 avril auprès de Jean-Louis Borloo et de Jean-François Copé, pour des propos acides tenus en marge du débat sur les OGM. Poussé par les parlementaires, François Fillon a lâché Nathalie Kosciusko-Morizet, accusée d'avoir assoupli le projet de loi. La bataille doit se poursuivre le 16 avril au Sénat, mais NKM l'aborde exsangue.

Mathilde Mathieu

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A l'Assemblée nationale, elle était sur toutes les lèvres, mais interdite de banc. Mercredi 9 avril, Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat à l'Ecologie, a été privée d'hémicycle par François Fillon, châtiée pour avoir traité de «lâches» Jean-Louis Borloo et Jean-François Copé (patron du parti au Palais-Bourbon), dans une interview au Monde. Elle était surtout punie pour avoir contrarié le gros des troupes UMP ces derniers jours, en contribuant à faire passer des amendements qui encadrent les cultures OGM. Mardi, dans un premier temps, Nathalie Kosciusko-Morizet avait répondu qu'elle tenait simplement le cap fixé par le gouvernement lors du Grenelle de l'environnement – quitte à doucher quelques ardeurs anti-OGM sur sa droite. Mais son attitude avait été jugée«ambiguë» par le président du groupe (courtois), «déloyale» par le vice-président (poli), «coupable» par les élus de base (revanchards). Dans un entretien avec un journaliste du Monde, elle avait ensuite dérapé.

Mercredi midi, après avoir découvert l'article et "l'outrage", Jean-François Copé a illico annulé son déjeuner, mitraillé les élus de SMS pour convoquer une réunion de crise à l'Assemblée à 14h30. Dans la salle, une centaine d'élus électrisés ont accueilli François Fillon, sommé d'arbitrer : « Elle doit faire des excuses publiques, sinon j'en tirerai toutes les conséquences», a concédé le Premier ministre, sous les vivats. Depuis une poignée de bancs, le mot a fusé : « Démission!» « L'UMP, ça ne veut pas dire Union des masochistes populaires !», lâchait ainsi Thierry Mariani, à la sortie. Tandis qu'en aparté, deux parlementaires soupesaient les carences politiques des jeunes « technos » issus respectivement de l'Ecole centrale et de Polytechnique (comme "NKM"...).

A 15h00, rasséréné par les propos du Premier ministre, droit sur ses ergots devant la forêt de micros, Jean-François Copé a pu exiger sans risque un geste officiel de Nathalie Kosciusko-Morizet :

«L'esprit du Grenelle est mort aujourd'hui»

Jean-François Copé a poussé jusqu'à réclamer le versement de son dû avant la séance sur les OGM, la dernière, programmée une heure après. Timing serré pour la secrétaire d'Etat, qui a finalement lâché un communiqué, déclarant : « Je souhaite présenter des excuses à Jean-Louis Borloo et Jean-François Copé.» « Les propos qu'on me prête dans le journal Le Monde ont été déformés, a-t-elle ajouté pour sauver quelque apparence. Je comprends d'ailleurs qu'ils aient pu les heurter. Par ailleurs, je me tiens à la disposition du groupe parlementaire UMP pour m'expliquer.» Une autre fois, peut-être. Jean Leonetti, vice-président du groupe UMP, décrétait la controverse enfin close :

A 16h00, lors de la séance consacrée aux ultimes explications de vote sur le texte OGM et au scrutin lui-même, l'orateur socialiste, Germinal Peiro, s'est justement empressé de rattacher l'épisode au fond : « Mme Kosciuscko-Morizet a disparu des bancs du gouvernement ; elle ne se serait pas montrée suffisamment favorable aux OGM. Aujourd'hui, l'esprit du Grenelle de l'environnement est mort !»

Après avoir obtenu le "retrait" de la ministre, les élus UMP exigent désormais celui de l’amendement 252, véritable casus belli : déposé par le communiste André Chassaigne, toléré ostensiblement par Nathalie Kosciuscko-Morizet et voté le 2 avril grâce à quelques voix de droite, le "252" est accusé de «déséquilibrer le texte», en restreignant la culture OGM dans certaines zones (AOC, etc.). L’UMP veut donc le liquider avant l’adoption définitive de la loi.

Une secrétaire générale adjointe de l'UMP plombée

S'il est déjà trop tard à l'Assemblée, où les élus avaient bouclé mardi l'examen des articles et ont voté mercredi le projet de loi, les espoirs se reportent sur la seconde lecture au Sénat, prévue le 16 avril. Jean Leonetti, vice-président du groupe UMP, annonce la couleur :

De quoi faire bondir le Vert Yves Cochet, adepte du "252" :

Jean-Louis Borloo, jusqu'à présent discret, ne serait-il pas sensible à cet argumentaire, à l'image de sa secrétaire d'Etat, à la différence de François Fillon? Mercredi, il a salué dans l'hémicycle l'adoption du texte par l'Assemblée (249 voix contre 228), « amélioré par plusieurs amendements, notamment ceux de MM. Grosdidier, Saddier... ». Tous UMP. Aussitôt, la gauche a crié : « Et l'amendement Chassaigne ?! ». «Oui, celui de votre collègue aussi», a lâché Jean-Louis Borloo... Alors qu'en est-il de la position du gouvernement ? « Il y a un moment où il faut sortir de l'ambiguïté et de l'esquive », a poursuivi le ministre... On ne saurait mieux dire, en attendant de l'observer au Sénat.

Enfin, à 18h00, rue de la Boétie, l'UMP réunissait son bureau politique. Là encore, le nom de Nathalie Kosciusko-Morizet, propulsée secrétaire générale adjointe du parti au lendemain des municipales, était sur toutes les lèvres. A-t-elle encore sa place? Incarne-t-elle vraiment une sensibilité, un courant? « Elle incarne une personnalité, des convictions qui lui sont propres », déclarait mercredi Patrick Devedjian... Guère plus, visiblement.