France Parti pris

«Vive la République, Vive la France»: Eric Besson se voit-il déjà Président?

Lors du débat sur l'identité nationale organisé à l'Assemblée, Eric Besson a conclu son intervention sur cette interjection: «Vive la République, Vive la France»! Mais pour qui se prend-il précisément? Parti pris – après une plongée dans les archives parlementaires.

Mathilde Mathieu

Les conseillers d'Eric Besson diront qu'on cherche la petite bête, qu'on se noie dans les détails, qu'à force de zoomer sur les discours du ministre, on voit tout flou, tout noir, qu'on «pixellise» sa pensée, qu'on caricature le personnage. Tant pis. C'est le week-end, on a le temps. Mardi dernier donc, à l'Assemblée, lors du débat sur l'identité nationale, un fragment de l'intervention d'Eric Besson m'a désarçonnée. Oh, pas grand-chose... Une vétille, sans doute. Mais à mes oreilles de «rubricarde» parlementaire, ça sonnait complètement déplacé. Et – vérification faite – ça l'était.
Eric Besson, à 21h15, a conclu son intervention par ces mots: «Vive la République, vive la France»! Outre que tant d'emphase frisait le ridicule (devant un hémicycle quasi vide où douze députés assuraient la permanence UMP), ces six petits mots n'avaient pas grand-chose à faire là, dans cette bouche-là. En effet, le «code» parlementaire, la tradition «maison», réserve cette interjection au président de la République (voire au chef du gouvernement).
Les archives des comptes-rendus officiels de séance disponibles sur le site internet de l'Assemblée (qui remontent seulement à 1997) montrent qu'aucun ministre n'a jamais, dans l'enceinte du Palais-Bourbon, lancé: «Vive la République, vive la France.» En tout cas pas ces douze dernières années. Ça ne se fait pas, tout simplement.
Depuis 1997, l'interjection n'a d'ailleurs été «dégainée» que trois fois devant les députés: Nicolas Sarkozy l'a lancée en juin dernier, à Versailles, quand il a convoqué le Congrès; Jacques Chirac l'a employée dans un message solennel à l'Assemblée de juillet 2002, au lendemain de sa victoire contre Jean-Marie Le Pen; enfin Dominique de Villepin (Premier ministre) l'a lancée lors d'une séance de questions au gouvernement de 2005, alors que le PS lui reprochait une loi reconnaissant les effets «positifs» de la colonisation.
Interrogé sur ce «détail», Denys Pouillard, le directeur de l'Observatoire de la vie politique et parlementaire (qui a réalisé une étude sur le sujet), confirme que l'expression se fait rare, même sous la plume des présidents de la Ve République, quand ils s'adressent à la représentation nationale: «Georges Pompidou ne l'a jamais utilisée, pas plus que Valéry Giscard d'Estaing.»

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