L’ayatollah al-Sistani, porte-parole d’un nationalisme chiite irakien?
La récente décision du grand ayatollah Ali al-Sistani de restreindre son expression politique ne saurait être lue comme un retour au quiétisme « traditionnel » de la direction religieuse chiite. Elle en traduit plutôt un repositionnement tactique, dans le contexte irakien de fragmentation de l’autorité politique.
LeLe 13 juin 2014, quelques jours après la prise de Mossoul par l’organisation qui se proclamera ensuite « État islamique », Abd al-Mahdi al-Karbala’i, gardien du mausolée de l’imam Hussein à Kerbala, prononce son prêche du vendredi. Comme à l’accoutumée, la seconde partie du prêche retransmis en direct à la télévision nationale consiste en un communiqué politique de celui qu’al-Karbala’i représente : le grand ayatollah Ali al-Sistani, basé dans la ville sainte irakienne de Nadjaf. Il appelle les Irakiens à prendre les armes pour défendre la nation menacée. Dans les semaines qui suivent, une mobilisation considérable se met en place ; un an et demi plus tard, elle rassemble plus de cent mille combattants, dans leur immense majorité chiites, répartis en une quarantaine de milices. Cet épisode fondamental dans l’histoire immédiate de l’Irak consacre l’importance de celui qui, depuis la chute de Saddam Hussein en 2003, s’est imposé comme un élément central de la vie politique irakienne.