La France et le Yémen: cartographie d’un mensonge d’Etat

Par Disclose
Cet article est en accès libre. L’information nous protège ! Je m’abonne

Les services du premier ministre ont répondu pour cette enquête au nom de l'ensemble du gouvernement. Voici l'intégralité de leur réponse.

« La France a noué avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis des partenariats stratégiques autour d’intérêts de sécurité communs : la lutte contre le terrorisme et la préservation de la sécurité au Moyen-Orient. Ces partenariats sont anciens. C’est dans ce cadre que se développent nos coopérations de défense. Elles incluent des exportations de matériels militaires. Ces exportations ne se sont pas interrompues en bloc après 2015, mais, leur autorisation au cas par cas fait naturellement l’objet d’une vigilance renforcée.

Il ne faut pas oublier ce qui a conduit à la situation actuelle au Yémen. Les Houthis, alliés de Saleh, conquièrent par les armes le contrôle de la capitale Sanaa et la moitié du territoire du pays, conduisant au vote de la résolution 2216 des Nations unies. 

Cette résolution (2216) prend note de la sollicitation des autorités yéménites légitimes adressée au Conseil de coopération du Golfe et à la Ligue des États arabes pour lui venir en aide.

La Coalition arabe lutte aussi contre Daech et al-Qaïda dans la Péninsule arabique, qui sont présents au Yémen et qui représentent une menace pour notre propre sécurité.

La France est partie au Traité sur le commerce des armes et nous encourageons son universalisation. Il fait partie, de même que la Position commune européenne, des textes que nous mettons en œuvre lorsque nous décidons d’autoriser ou non des exportations de matériels de guerre. Ces autorisations relèvent d’une procédure interministérielle, la CIEEMG, sous l’autorité du Premier ministre. Les risques pour les populations civiles sont évidemment en tête des critères d’examen pris en compte. Vous savez l’importance que les Armées accordent au droit international humanitaire dans la conduite de nos opérations. Ce sont des exigences que nous faisons valoir auprès de nos partenaires émiriens et saoudiens, auxquels incombent la responsabilité de les respecter.

La France soutient activement les efforts de l’ONU et de l’Envoyé spécial des Nations Unies pour le Yémen, pour permettre un règlement politique durable du conflit dans les meilleurs délais. Elle appuie la pleine mise en œuvre des accords de Stockholm établis sous les auspices des Nations Unies. Elle a pris plusieurs initiatives pour venir en soutien de la population, notamment en organisant à Paris, en juin 2018, une conférence humanitaire.

Le gouvernement rend régulièrement compte aux parlementaires des priorités et de ses actions en matière de politique étrangère. Comme vous le savez, les exportations d’armements françaises font l’objet de rapports annuels au Parlement. Ces rapports sont publics.

La France est un partenaire responsable et fiable. Des actions offensives sont régulièrement menées depuis le Yémen vers le territoire de nos partenaires de la région – nous l’avons constaté avec des attaques de missiles balistiques ou de drones porteurs d’explosifs par exemple. La France entretient un dialogue constant avec ces partenaires pour répondre à leurs besoins de défense.

Par ailleurs, à notre connaissance, les armes françaises dont disposent les membres de la coalition sont placées pour l’essentiel en position défensive, à l’extérieur du territoire yéménite ou sur des emprises de la coalition, mais pas sur la ligne de front, et nous n’avons pas connaissance de victimes civiles résultant de leur utilisation sur le théâtre yéménite. La France n’est pas parmi les premiers fournisseurs d’armes des pays engagés au Yémen.

Le gouvernement a des échanges réguliers avec ses homologues émirien et saoudien. Ces préoccupations y tiennent naturellement une place importante. »

Pas de mobilisation sans confiance
Pas de confiance sans vérité
Soutenez-nous

Disclose est un nouveau média et une ONG de journalisme d’investigation, à but non lucratif, entièrement financé par le don. Des équipes de journalistes mènent des enquêtes pendant plusieurs mois, puis publient leurs sujets sur un site en accès libre et avec des médias partenaires. Objectif : maximiser l’impact des révélations et soutenir le droit à l’information des citoyens. 

Mediapart, soucieux de soutenir les différentes formes de journalisme d’enquête qui se développent, a décidé d’accompagner cette démarche journalistique. C’est pourquoi nous publions, en accès libre sur notre site, cette première grande enquête de Disclose, en trois volets.

Elle apporte des révélations inédites et irréfutables sur un scandale déjà documenté sur Mediapart : le rôle des armes françaises dans la sale guerre menée au Yémen par la coalition des armées de l’Arabie saoudite et des Émirats.

L’un des documents qui y est révélé est classé « confidentiel défense ». Si nous avons décidé de le publier, c’est parce qu’il est d’évidence d’intérêt public, le droit de savoir des citoyens rendant légitime sa révélation : il prouve en effet le mensonge du gouvernement français sur sa responsabilité dans une guerre qui tue des milliers de civils depuis 2015.

Par ailleurs, sa publication n’est aucunement susceptible de mettre en danger l’armée française, ses engagements ou ses militaires. Il y est seulement question de l’utilisation par des pays tiers d’un matériel d’armement qui leur est vendu par la France.

Nous n’avons publié qu’un extrait des documents révélés par cette enquête, mais l’ensemble d’entre eux peut être retrouvé sur le site de Disclose.

Cette enquête s’appuie aussi sur différentes bases de données sur le Yémen.

Le Yemen Data Project est une initiative pour la transparence qui rassemble des données non officielles sur les bombardements de la coalition au Yémen. Ces données proviennent de sources ouvertes qui ont ensuite été recoupées à l’aide d’informations recueillies par l’ONG britannique Acled (Armed Conflict Location and Event ).

À cela s’ajoutent les données publiques de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, l’Organisation mondiale de la santé et l’IPC (Integrated Food Security Phase Classification).