« Au nom du Duce », en 1993, Amos Gitaï filme la résurgence du fascisme italien

Fratelli d’Italia, parti post-fasciste mené par Giorgia Meloni, a largement dominé les élections italiennes du 25 septembre dernier. Comme avant en Suède, en Hongrie…, l’extrême droite s’installe. En 1990, le cinéaste israélien a réalisé une trilogie sur cet inquiétant virage politique européen. Le documentaire que nous vous présentons, en partenariat avec Tënk, la plateforme du documentaire d’auteur, a été filmé en 1993 à Rome et à Naples. Ici, la tête d’affiche avait surtout un nom : Mussolini.

Ce documentaire est en accès libre.

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Tënk et Mediapart

8 octobre 2022 à 10h29

Son prénom est Alessandra. C’est la petite fille de Benito Mussolini, fondateur du fascisme et allié à Adolf Hitler durant la Seconde Guerre mondiale. Elle se présente sous l’étiquette du MSI, le Mouvement social italien, fondé dès 1946 par d’anciens fascistes et sympathisants. Elle n’a pas grand-chose à dire de son programme politique, elle précise d’ailleurs n’être pas toujours d’accord avec le MSI, mais qu’importe, elle a un nom qui suffit à raviver une idéologie, elle le brandit. Mussolini rassemblera 30 % des voix à Naples lors de ces élections municipales.

Amos Gitaï ne s’attarde pas sur elle, qui débite les poncifs, mais cherche à tout prix à filmer l’affiche électorale que le MSI ne veut pas dévoiler à « la presse étrangère ». Sa ténacité lui permettra de saisir un instant l’image où ne claque qu’un seul nom.

Amos Gitaï fait le cinéma qu’il a toujours fait : des images qui se mêlent, un kaléidoscope, des sons qui se couvrent les uns les autres. Comme pour signifier ici la confusion qui peut mener au chaos.

Entre les meetings, les manifestations et les invectives dans la rue, s’intercalent pourtant de longs récits de juifs napolitains persécutés durant la Seconde Guerre mondiale. Ils disent la douleur des souvenirs, l’inquiétude de l’avenir. Cette vérité historique que le MSI voudrait occulter, Amos Gitaï décide de la brandir à son tour.

Et si l’un de ces juifs admet ne pas avoir peur en ce jour de 1993, il ne peut cacher sa crainte de la résurgence de l’antisémitisme avec la renaissance du fascisme : car « les choses ne commencent pas par des déclarations officielles », prévient celui qui sait, du fait de son histoire, que ces discours autorisent implicitement qu’adviennent « des manifestations populaires, des attaques ou des graffitis contre les juifs ».

Film à petit budget tourné en une poignée de jours, Au nom du Duce a été fait pour que l’on n’oublie pas. En 1993 comme en 2022.

Désolé, les droits de diffusion de ce film sur Mediapart ont expiré.

Lire aussi sur Mediapart : « La droite fasciste n’a jamais disparu de la société italienne », un entretien avec l’historienne Stéfanie Prezioso réalisé par Fabien Escalona. Et notre dossier sur les dernières élections italiennes.

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Fiche technique : In the Name of the Duce (Au nom du Duce/Naples-Rome). Israël, Italie, Grande-Bretagne, 1994, 52 min. // Auteur & réalisateur : Amos Gitaï // Éditeur & distributeur : Agav Films.

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À voir en ce moment sur Tënk :

  • Classe de lutte, du Groupe Medvedkine de Besançon. Premier film réalisé par les ouvriers du Groupe Medvedkine. Il suit la création d’une section syndicale CGT dans une usine d’horlogerie par une ouvrière dont c’est le premier travail militant en 1968.
  • Battle, de Ricardo Mollan Saito, Caio Castor, Guilherme Cerqueira César et Clara Lazarim. 2018, jour d’élection présidentielle au Brésil. Une journaliste exprime son inquiétude face à la polarisation extrême du discours politique. Les partisans de Bolsonaro qui passent près d’elle l’invectivent.
  • Loin du Vietnam, de Chris Marker, Jean-Luc Godard, William Klein, Alain Resnais, Joris Ivens, Claude Lelouch et Agnès Varda. En 1967, ce groupe de réalisateurs coréalisent ce film pour affirmer leur solidarité avec le peuple vietnamien. Onze façons différentes et personnelles de présenter ce conflit, sur fond d’indignation de l’opinion publique mondiale. 

Tënk est un site de vidéos sur abonnement (6 euros par mois, 60 euros par an) lancé à l’été 2016 et qui propose sept nouveaux documentaires par semaine, organisés par plages thématiques. Plus de détails avec l’interview d’un de ses créateurs, Jean-Marie Barbe.