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Le 14 mai 2022. Prison de La Esperanza, San Salvador (Salvador). Jessica Ramírez (à gauche) est originaire du département d’Usulután, dans l’est du Salvador. Début mai, son fils de 20 ans, Luis Enrique Torres Ramírez, a été détenu arbitrairement et transféré à la prison de La Esperanza, également connue sous le nom de Mariona, la plus grande prison de San Salvador. Depuis son arrestation, Jessica s’est rendue dans la capitale du pays avec sa plus jeune fille, âgée de 11 ans. Ensemble, elles ont passé des semaines à dormir devant la prison dans des conditions insalubres, sans argent pour se nourrir, exposées à des températures extrêmes et aux gaz d’échappement. Avant d’arriver à La Esperanza, Jessica avait rassemblé tous les documents nécessaires pour prouver que son fils n’était pas membre d’un gang : bulletins scolaires, déclarations d’anciens employeurs, photos du jeune homme dans un lit d’hôpital, tout juste opéré de la rate. En 2019, Jessica a voté pour Nayib Bukele (parti conservateur), mais elle affirme aujourd’hui qu’elle ne l’élirait pas à nouveau car il l’a déçue : « Je n’ai jamais pensé qu’il se comporterait de la sorte. Ce qu’il a fait, c’est trop : je pense qu’il est pire qu’un membre de gang, explique-t-elle. Le président a détruit nos vies, nous pouvons donc aussi le poursuivre pour l’injustice qu’il fait subir à des innocents. » Après trois semaines d’attente, Jessica a finalement dû se résigner et est rentrée chez elle où elle attend toujours de savoir ce qu’il adviendra de son fils.
Au Salvador, avec l’état d’urgence, « le président a détruit nos vies »
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Au Salvador, la guerre contre les gangs déclarée en 2019 par le président Nayib Bukele a pris une tournure drastique ces derniers mois. L’état d’urgence a été déclaré en mars, après une journée sanglante visant à réprimer les gangs qui s’est soldée par quatre-vingt huit homicides. Il a été prolongé cinq fois depuis. Des milliers de personnes ont été détenues sans respecter les exigences légales, les arrestations touchant principalement les communautés les plus vulnérables. Le discours officiel répète que, parmi plus de cinquante mille personnes arrêtées, la plupart sont membres de gangs. Mais des centaines de familles défendent l’innocence de leurs proches et appellent à leur libération.
Mahé Elipe (photos) et Caterina Morbiato (texte)
14 septembre 2022 à 12h30