L’échappéeVidéo

L’échappée. Contre racismes et sexismes, la révolution Rébecca Chaillon

Cet article est en accès libre.

Pour soutenir Mediapart je m’abonne

L'échappée. Contre racismes et sexismes, la révolution Rébecca Chaillon © Vidéo Mediapart

L’autrice, metteuse en scène et performeuse révolutionne le théâtre en partant à l’assaut de toutes les discriminations et dominations qui traversent nos sociétés.

Edwy Plenel

Il y a deux ans, en juillet 2023 au Festival d’Avignon, Rébecca Chaillon vivait un temps de consécration qui fut aussi un moment d’humiliation. Le 16 décembre, le tribunal de Paris rendra son jugement contre les cyberharceleurs racistes qui se sont alors déchaînés à propos de son spectacle, Carte noire nommée désir.

En marque de solidarité, ce traumatisme est le point de départ de notre échange à la rencontre de cette poétesse, autrice, metteuse en scène, performeuse et comédienne qui aime se présenter ainsi : « Elle milite comme elle respire, adore faire des débats et jouer nue. » Ayant très tôt, dès l’école primaire, fait du théâtre son échappée, elle anime depuis vingt ans (et donc depuis sa vingtième année) sa propre compagnie, Dans le ventre, en continuité avec le monde militant de l’éducation populaire, notamment les Ceméa, où elle fit ses premiers apprentissages.

Depuis le plateau où ses créations s’inventent à même le jeu, elle mène sa propre révolution, à la fois artistique et politique. Sollicitant le public, n’épargnant pas spectateurs et spectatrices, transgressant les codes, bousculant les conformismes et moquant les convenances, elle ébranle tous nos préjugés, racistes et sexistes au premier chef, mais aussi grossophobes, validistes, familialistes, etc.

Notre conversation est l’occasion de découvrir ses univers, ses références, ses imaginaires, ses complices et ses inspiratrices, mais aussi ses écrits, notamment Boudin Biguine Best of Banane (Arche éditions, 2023), et ses lieux, entre Picardie et Martinique, en passant par Montreuil (Seine-Saint-Denis), où elle crée actuellement, au TPM, son prochain spectacle, La Parabole du seum.

Surtout, Rébecca Chaillon nous fait entendre, par-delà le succès et la notoriété, ce que c’est que de vivre comme une personne racisée : « Je me retrouve dans une situation, confie-t-elle, où j’ai l’impression qu’il va falloir toujours courir derrière et toujours mentir pour pouvoir être. […] La sensation de toujours devoir courir après les choses, ce n’est pas tenable en fait. On est sans cesse essoufflé, sans cesse épuisé. » Refusant de s’y résigner, plus encore de s’y habituer, elle fait le choix de renverser la situation : « Donc il y a ce truc de se retourner et de dire : “Moi, je vais créer quelque chose qui fait que, peut-être, c’est les autres qui vont courir derrière pour comprendre…” »