Belle histoire, magistralement filmée, Un prophète est aussi un grand film politique puisqu'il donne à voir une réalité sociale demeurée invisible au cinéma: la prison. Co-scénariste du film, Thomas Bidegain explique comment avec Jacques Audiard ils ont très concrètement relevé ce défi alors que le film a raflé la mise aux César 2010. Nous republions ici l'entretien accordé à Mediapart en septembre 2009.
Jacques Audiard n'aura eu de cesse de s'en défendre lors des nombreux entretiens qu'il a accordés depuis Cannes, où il montra son Prophète pour la première fois, force est pourtant de reconnaître, pour s'en féliciter, qu'il a réalisé un grand film politique. Ses mises en garde liminaires sur le mode « c'est une totale fiction » participent de la croyance généralisée dans l'univers du cinéma, parmi les cinéastes comme les critiques, en l'existence d'un fort étrange dispositif de vases communicants : plus un film serait estampillé « de société » moins il pourrait prétendre au label « auteur ». C'est le syndrome Dossiers de l'écran, perpétué et aggravé par la désastreuse politique de commande de « téléfilms à sujets » des télévisions, publiques et privées.