Entre deux projets monumentaux, Wang Bing a réalisé une terrassante miniature de moins d'une heure trente. Présenté à la Documenta 14 de Cassel, puis lauréat du Léopard d’or de Locarno, Madame Fang accompagne les derniers jours à la fois solitaires et peuplés d'une femme atteinte d'une forme d'Alzheimer.
Un lieu commun veut que, pour être un grand cinéaste, il suffise de bien savoir filmer deux ou trois attitudes du corps humain. Wang Bing a commencé par réinventer l'homme qui marche et qui, marchant, porte : les ouvriers bientôt au chômage d'Àl'Ouest des Rails, le paysan solitaire de L'Homme sans nom… Puis il s'est tourné vers des gens couchés, ne portant rien que leur douleur ou leur attente : les « droitiers » dans le camp du Fossé, les patients sous la couette d'À la folie… Madame Fang, qui accompagne les dernières heures d'une femme atteinte d'une forme d'Alzheimer, appartient d'évidence à cette seconde catégorie de posture et de film. Passé le prologue, Fang Xiuying ne quitte pas son lit, tandis que ses proches vaquent à leurs occupations, commentent les progrès de son mal, organisent ses obsèques ou vont à la pêche.