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L’esprit critique « spectacles » : une certaine idée de la performance

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Notre podcast culturel évoque le « Musée Duras », mis en scène par Julien Gosselin, « The Brotherhood », de Carolina Bianchi, et « Honda Romance », la nouvelle proposition de Vimala Pons.

Dix heures de Duras en douze textes et onze propositions scéniques, des dizaines d’émotions et d’états d’âme parcourus en moins de deux heures par dix interprètes, et près de quatre heures de spectacle déconseillé aux moins de 18 ans, car il y est question frontalement de sexe, de nudité, d’alcool et de viol…

« L’esprit critique » essaiera d’être à la hauteur de l’intensité des spectacles dont il sera question aujourd’hui, à savoir le Musée Duras, mis en scène par Julien Gosselin aux ateliers Berthier Odéon-Théâtre de l’Europe qu’il dirige par ailleurs ; la nouvelle proposition de la performeuse, actrice, écrivaine et metteuse en scène brésilienne Carolina Bianchi, qui s’intitule The Brotherhood et se donne à la Grande Halle de la Villette dans le cadre du Festival d’automne ; et enfin Honda Romance, de la grande équilibriste qu’est Vimala Pons, qui était donné tout récemment à l’Odéon et à Rennes mais sera bientôt visible de nouveau à Paris, au Centquatre, et dans de nombreuses villes de France…

« Musée Duras »

Musée Duras est le titre d’un projet ambitieux de Julien Gosselin, directeur de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, qui met en scène dix heures de spectacle à partir de Marguerite Duras aux ateliers Berthier, dans le nord de Paris. Un projet conçu avec des élèves de la promotion 2025 du Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris.

On peut y voir onze propositions scéniques distinctes autour de textes de Marguerite Duras, certains très connus et d’autres qui le sont moins, certains extraits de ses romans, d’autres de son cinéma, de son théâtre, voire de ses entretiens. Ils sont interprétés en solo ou en collectif par ces jeunes acteurs et actrices.

Vidéo et musique électro sont, comme souvent, au rendez-vous de cette mise en scène de Julien Gosselin qui retraverse à toute allure une œuvre elle-même composite dans un décor dépouillé, entièrement blanc, où le public, installé dans un dispositif bifrontal, est à la fois le plus souvent très près des interprètes et en dessous d’un écran géant reproduisant sous d’autres angles ce qu’il peut voir sur scène.

Au début du spectacle, une voix nous demande de fermer les yeux, pendant que des corps sont allongés par terre, puis de nous couvrir les oreilles. Surgit alors en lettres immenses le mot « Porn »… 

Le Musée Duras est visible jusqu’au 30 novembre prochain.

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« The Brotherhood »

The Brotherhood est le titre de la nouvelle proposition de l’écrivaine, metteuse en scène, performeuse et actrice Carolina Bianchi, qui avait déjà présenté l’an dernier une pièce marquante, intitulée La Mariée et Bonne nuit Cendrillon où elle s’administrait elle-même du GHB, la drogue dite du violeur qui rend inconscientes et impuissantes celles qui l’ont bue à leur insu.

Toujours à la Villette et de nouveau dans le cadre du Festival d’automne, Carolina Bianchi et la compagnie Cara de Cavalo proposent ici le deuxième chapitre de la trilogie Cadela Força. Il est déconseillé aux moins de 18 ans, car il y est question de sexe, de nudité, de viol, au point qu’une table d’accueil et d’écoute est installée à l’entrée de la salle pour les personnes qui auraient été perturbées par ce qu’elles ont vu…

Alors que dans Bonne nuit Cendrillon, Carolina Bianchi s’endormait sous l’effet de la drogue et le regard des spectateurs et spectatrices, elle se réveille ici, au début de la pièce, pour « tourner son regard vers les hommes, la masculinité et la fraternité des “Boys Club” ».

Le spectacle est truffé de références, que ce soit au théâtre de Shakespeare ou à celui de Tchekhov, mais aussi à la mythologie, à la peinture, à plusieurs autrices du XXe siècle, en particulier Sarah Kane, mais aussi à des chansons populaires. Et il s’ouvre par une citation de l’écrivain chilien Roberto Bolaño qui en synthétise le projet : « La violence ni la poésie ne se peuvent corriger. »

The Brotherhood, de Carolina Bianchi et de la compagnie Cara de Cavalo, est visible à la Grande Halle de la Villette dans le cadre du Festival d’automne jusqu’au 28 novembre prochain. La pièce ira ensuite à Genève et à Avignon. 

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« Honda Romance »

Honda Romance est le titre du nouveau spectacle de Vimala Pons, autrice, actrice, circassienne, musicienne, qui était la cheville ouvrière de deux pièces sidérantes de la dernière décennie : De nos jours, du collectif Ivan Mosjoukine, et celle intitulée Grande.

Ce spectacle-ci est présenté dans le cadre du Festival d’automne. Il était visible récemment au Théâtre de l’Odéon à Paris et au Théâtre national de Bretagne, à Rennes, et entend donner un aperçu en accéléré des métamorphoses ultrarapides de nos émotions contemporaines, comme une sorte de collage théâtral ou de « scrolling » physique et sensible.

Le titre fait référence à la fois à une marque de moto qui prétend bientôt envoyer des satellites dans l’espace, à l’amour et à la définition d’une « pièce musicale simple », sens originel du terme « romance ».

Sur scène, beaucoup de choses : un satellite géant qui paraît être le narrateur de l’histoire, des canons à air extrêmement puissants, de la musique signée notamment Tsirihaka Harrivel et Rebeka Warrior et dix interprètes en mouvement perpétuel et en déséquilibre permanent…

Honda Romance sera visible du 4 au 7 décembre au Centquatre-Paris, avant de partir en tournée à Nantes, à Bruxelles, Chambéry, Tours, Strasbourg et Lyon.

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Avec :

  • Zineb Soulaimani, que vous pouvez lire dans Le Quotidien de l’art et dont vous pouvez aussi écouter le podcast « Le Beau Bizarre » ;
  • Caroline Châtelet, qui écrit pour ScèneWeb et les trimestriels Théâtre, Novo et Jeux ;
  • Vincent Bouquet, dont vous pouvez retrouver la plume sur ScèneWeb.

« L’esprit critique » est un podcast enregistré par Corentin Dubois et réalisé par Karen Beun.