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« L’esprit critique » littérature : roman pointilliste et fresque romanesque

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Notre podcast culturel discute de « L’entroubli », signé Thibault Daelman ; de « Vertu et Rosalinde », publié par Anne Serre au Mercure de France, et du nouveau livre de l’Irlandais John Boyne, « Les Éléments », lauréat du prix Femina étranger.

Un premier roman placé sous le double signe de François Villon, à la fois le poète du XVe siècle et le collège du XIVe arrondissement de Paris. Un étrange carrousel sensoriel de textes dessinant l’autoportrait d’une écrivaine. Et un récit déployé sur plusieurs décennies pour capter la déflagration infinie d’une agression sexuelle, d’un personnage à l’autre, d’un territoire au suivant.

On discute aujourd’hui dans « L’esprit critique » de L’Entroubli, signé Thibault Daelman et prix Envoyé par la poste 2025, publié par les éditions Le Tripode ; de Vertu et Rosalinde que fait paraître l’écrivaine Anne Serre au Mercure de France. Et enfin du nouveau livre de l’Irlandais John Boyne, Les Éléments, traduit chez Jean-Claude Lattès et lauréat récent du prix Femina étranger.

« L’Entroubli »

Un premier roman placé sous le signe de François Villon, à la fois le poète et le collège. Parce que son titre, L’Entroubli, est un hapax, à savoir un terme qui n’apparaît qu’une fois, en l’occurrence sous la plume de ce poète du XVe, où il désigne alors un état de demi-conscience propice à la réminiscence, ce qui est sans doute une première piste pour entrer dans ce récit.

Et parce qu’un des établissements dans lesquels le narrateur tout à la fois souffre et apprend ressemble furieusement à un collège de bord de périphérique baptisé du nom du poète médiéval. 

L’auteur de L’Entroubli s’appelle Thibault Daelman, il avait été retenu par ce qui est sans doute le meilleur prix littéraire de France, à savoir le prix Envoyé par la poste 2025. Il est publié par les éditions Le Tripode.  

Thibault Daelman raconte une enfance et une jeunesse passée entre un père alcoolique et bientôt impotent et une mère dure qui ne jure que par l’élévation scolaire de ses cinq enfants, une fratrie parmi laquelle se singularise une envie d’écrire.

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« Vertu et Rosalinde »

Vertu et Rosalinde est le titre relativement étrange d’un livre pas nécessairement facile à saisir. Il est signé Anne Serre et est publié au Mercure de France. Tout ne s’éclaire pas tout à fait, même lorsqu’on sait que Vertu et Rosalinde sont deux personnages féminins que l’on retrouve à la campagne, en train d’écrire. Le roman est en effet éclaté en trente chapitres courts de seulement deux, trois ou quatre pages. L’identité de la narratrice fluctue de l’enfance à l’âge adulte tout en changeant de prénom. Et le ton alterne entre le mordant et le léger, dans une écriture qui brouille les frontières, pouvant sembler aussi bien cynique qu’enfantine.

On assiste à un match entre l’équipe des Vic, « constituée de trente-deux filles victimes – d’inceste, de pédophilie, de gestes inappropriés, mais aussi d’injustice sociale pour certaines ayant grandi dans des milieux ou pauvres ou bêtes ou sans intérêt » et l’équipe des Non-Vic, comme à la description de correspondances décrites en ces termes : « Parfois je recevais des lettres d’admirateur(s) (trices) qui arrivaient chez mon éditrice, et mon sentiment général lorsque je les ouvrais chez moi, c’était que les gens qui m’admiraient portaient toujours de drôles de noms et habitaient toujours à de drôles d’adresses. »

Anne Serre est l’autrice d’une quinzaine de romans mais a aussi reçu le prix Goncourt de la nouvelle, en 2020, pour un recueil qui s’intitulait Au cœur d’un été tout en or.

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« Les Éléments »

L’écrivain irlandais John Boyne, connu notamment pour son roman intitulé Le Garçon en pyjama rayé, publie chez Jean-Claude Lattès un copieux ouvrage de plus de 500 pages intitulé Les Éléments, dans une traduction de Sophie Aslanides.

Le roman déploie sur plusieurs décennies, en quatre parties baptisées chacune du nom d’un des quatre éléments, des histoires reliées entre elles, de façon visible, par des personnages aperçus dans la partie précédente, mais surtout, de façon plus souterraine et structurelle, par les effets diffractés de violences sexuelles qui semblent dessiner une chaîne infinie.

Combien de personnes, si l’on se donne une large échelle de temps pour observer et raconter ce qui se transmet dans les corps et les esprits, une agression sexuelle entraîne-t-elle depuis sa déflagration initiale ? Et quelles sont les différentes attitudes possibles face à ces actes dont on a été victime, témoin, complice ou acteur ?

Posées de cette manière, ces interrogations qui structurent le roman de John Boyne rendent sans doute mal compte d’un ouvrage qu’il est  difficile de lâcher, tant l’Irlandais maîtrise l’art du portrait, du dialogue, du flash-back, de la chute et du cliffhanger, mot rendu célèbre par les séries télévisées qui désigne cette manière de laisser l’action en suspense au bord d’une falaise qui pourrait ressembler à celles de certains paysages décrits par John Boyne dans ce roman, qui vient par ailleurs d’obtenir le prix Femina Étranger.

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Avec :

  • Lise Wajeman, professeure de littérature comparée qui chronique l’actualité littéraire pour Mediapart 
  • Youness Bousenna, qui chronique l’actualité littéraire pour Télérama
  • Copélia Mainardi qui écrit notamment pour Libération

 « L’esprit critique » est un podcast proposé enregistré par Corentin Dubois et réalisé par Karen Beun.