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« L’esprit critique » théâtre : pétrole, pétales et latex

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Notre podcast culturel discute de « Pétrole », signé Sylvain Creuzevault, de « Maledizione », de la performeuse Pamina de Coulon, et revient sur le portrait du chorégraphe François Chaignaud proposé par le Festival d’Automne.

Une interprétation théâtrale d’un texte inachevé débordant de puits de pétrole et de sexes dressés ; une conférence performée repartant du Moyen Âge pour mieux comprendre notre monde ; et le portrait d’un chorégraphe-danseur-chanteur créant des univers délirants avec le plus grand sérieux…

On évoque aujourd’hui dans « L’esprit critique » Pétrole, l’adaptation que propose Sylvain Creuzevault du texte de Pasolini au théâtre de l’Odéon ; Fire of Emotions, le one woman show en deux volets de l’actrice suisse Pamina de Coulon ; et enfin le travail de François Chaignaud à l’occasion du portrait-constellation que lui consacre le Festival d’Automne à Paris.

« Pétrole »

Pétrole est le titre du nouveau spectacle du metteur en scène Sylvain Creuzevault, présenté du 25 novembre au 21 décembre au théâtre de l’Odéon, avant de partir en tournée, et qui a fait figure de petite sensation du Festival d’Automne 2025.

Habitué à adapter des textes non théâtraux (Marx, Dostoïevski ou Peter Weiss), Sylvain Creuzevault s’attaque ici à la mise en scène d’un texte qui pouvait sembler impossible à adapter. Pétrole est en effet le dernier texte, inachevé et fragmentaire, de Pier Paolo Pasolini retrouvé après son assassinat en 1975 sur une plage de la grande banlieue de Rome dans des conditions qui demeurent troubles un demi-siècle après sa mort.

Sur plus de huit cents pages, organisées en une centaine de notes juxtaposées, se déploient les motifs obsessionnels de Pasolini sur le fascisme, l’Italie des années de plomb, la politique, la sexualité, mais aussi des percées sur la psychanalyse, des visions mystiques, des considérations esthétiques…

Le liant entre ces notes éclatées est l’histoire d’un homme scindé en deux. Carlo I connaît une ascension fulgurante au sein de l’ENI, la compagnie pétrolière nationale italienne, après la mort du magnat du pétrole Enrico Mattei, mort dans un accident d’avion suspect en 1962. Carlo II, lui, se consacre à une frénétique quête sexuelle, qui le voit forniquer aussi bien avec sa mère qu’avec des dizaines de jeunes ouvriers sur un terrain vague.

Sylvain Creuzevault répond à cette scission du personnage principal de Pétrole avec un spectacle en deux parties. La première, largement filmée en direct depuis l’intérieur d’une baraque de chantier installée sur scène, oscille entre soirée mondaine et rendez-vous d’affaires et pétrolifères. La seconde alterne des scènes d’orgie avec moults déploiements de phallus en plastique, éjaculation de pétrole et autres tableaux qui font que le spectacle est déconseillé aux moins de 16 ans.

Pétrole de Sylvain Creuzevault part prochainement en tournée à la Comédie de Saint-Étienne, puis à celle de Reims mais aussi au théâtre Vidy-Lausanne.

À signaler aussi, au mois de janvier, à la Commune d’Aubervilliers, deux spectacles dans lesquels Sylvain Creuzevault poursuit sa traversée du continent Pasolini.

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« Fire of Emotions. Maledizione  »

Après l’eau, un nouvel élément. On ne vous parle pas aujourd’hui de la sortie du dernier opus de la série Avatar qui s’intéresse au feu, mais du nouveau spectacle de la saga Fire of Emotions de la performeuse et comédienne suisse Pamina de Coulon, qui se penche cette fois sur la puissance du vent. Au théâtre Silvia-Monfort à Paris étaient présentées successivement Niagara 3000, remarqué dans le off du Festival d’Avignon récemment et sa nouvelle création, intitulée Maledizione.

Débit mitraillette, souci de la planète, coq-à-l’âne et autres animaux, bifurcations du discours comme de nos modes de vie : on retrouve dans Maledizione ce qui faisait le style de Niagara 3000. Alors que cette pièce évoquait la force hydraulique des larmes, les turbines du futur et ces drôles d’endroit pour une rencontre que sont les deltas fluviaux, c’est plutôt au souffle et au pollen dispersés par le vent qu’est consacrée cette nouvelle traversée théorique et théâtrale de notre monde contemporain mal en point, passant aussi bien par l’histoire des réunions Tupperware que par le dernier livre de la philosophe Émilie Hache.

En amont de ces digressions, Pamina de Coulon part d’une autre question : pourquoi le Moyen Âge connaît-il un retour de hype ? Ce qui amène à se demander comment il serait possible d’écrire une autre histoire du passé qui permettrait éventuellement de rouvrir l’avenir…

Les deux spectacles de Pamina de Coulon, Niagara 3000 et Maledizione partent prochainement en tournée à Nantes, Cergy, Angoulême et Vandœuvre-lès-Nancy.

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« Portrait François Chaignaud »

Sylphides, Revue des Tumerels, Fracas × 7, Radio Vinci Park, Romances inciertos, un autre Orlando, Mirlitons… Les seuls titres des spectacles présentés dans le cadre du portrait que le Festival d’Automne consacre au danseur et chorégraphe François Chaignaud indiquent que nous entrons dans un univers en soi, qui peut se déployer autant dans des parkings mal éclairés que dans la lumière du Grand Palais, avec une prédilection pour les collisions et les hybridations, par exemple entre un univers de garage homoérotique et un clavecin baroque.

Pour ce portrait en forme de constellation, François Chaignaud a écrit ses pièces en collaboration avec des artistes venus d’autres champs de la création : le plasticien Théo Mercier, le danseur de butō Akaji Maro, le beatboxer Aymeric Hainaux, la claveciniste Marie-Pierre Brébant ou encore la musicienne Nina Laisné. Mouvements de la danse classique, musique lyrique, créatures étranges, moto qui rugit et danse tout à la fois… 

Chaque spectacle proposé par François Chaignaud compose ainsi des images hybrides, étonnantes, portées par des sons qui ne le sont pas toujours moins. François Chaignaud prendra à partir du 1er janvier prochain la direction du Centre chorégraphique national de Caen.

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Avec :

  • Zineb Soulaimani, que vous pouvez lire dans Le Quotidien de l’art et dont vous pouvez aussi écouter le podcast « Le Beau Bizarre ».
  • Caroline Châtelet, qui écrit pour Sceneweb et les trimestriel Théâtre, Novo et Jeux.
  • Vincent Bouquet, dont vous pouvez retrouver la plume sur Sceneweb.

 « L’esprit critique » est un podcast enregistré et réalisé par Karen Beun.