En baissant mardi pour la sixième fois son principal taux d'intérêt directeur, la Réserve Fédérale des Etats-Unis , désormais très inférieur au rythme de l'inflation, s'est engagé sur la pente glissante empruntée dans les années 1990 par la Banque du Japon. Au risque d'y perdre sa crédibilité.
WilliamWilliam McChesney Martin, resté 19 ans (1951-1970) à la tête de la Réserve Fédérale des Etats-Unis, est l'homme d'une seule citation : «Le rôle de la banque centrale est de retirer le saladier de punch quand la fête commence à s'animer». Autrement dit, empêcher les agents économiques et les marchés de céder à l'ivresse de l'altitude quand la croissance s'envole.. Sous le règne d'Alan Greenspan (1987-2006), la banque centrale est devenue celle qui entre dans la pièce les bras chargés de bouteilles de rhum pour rassasier tous les bois sans soif de la finance. Dans une sorte de réflexe pavlovien, ce Républicain militant a répondu à chaque accident de parcours par des injections massives de liquidités. L'homme qui pontifie aujourd'hui dans les colonnes du Financial Times et sur les estrades à propos de «la crise financière la plus grave depuis la Seconde Guerre Mondiale» (lire : depuis la Grande Dépression des années Trente) devrait commencer par balayer devant sa porte : il est un des principaux responsables de l'enracinement aux Etats-Unis de cette économie de la dette qui vacille aujourd'hui tel un château de cartes. Indépendante du gouvernement américain, la Fed de Greenspan est tombée sous la dépendance des marchés. Son successeur Ben Bernanke, universitaire qui s'est fait connaître par ses travaux sur la Grande Dépression, se coltine l'héritage de Greenspan, matériel et intellectuel : la dislocation des marchés de crédit depuis l'éclatement de la crise des «subprime», mais aussi la psychologie d'intermédiaires et d'investisseurs financiers transformés en «junkies» de la reflation monétaire.