Économie et social

Le dollar ou comment s'en débarrasser

A la veille du sommet du G20, le dollar flirte avec ses plus bas niveaux, à 1,48 pour un euro. Et pourtant, ni les Etats-Unis ni leur monnaie n'ont été jusqu'ici sanctionnés pour avoir provoqué la plus grave crise financière depuis les années 30. Le maintien ou non du statu exorbitant du billet vert, ingrédient essentiel dans la genèse de la crise, sera pourtant l'enjeu de la prochaine décennie. Sur ce sujet, à Pittsburgh, motus et bouche cousue. Analyse.

Philippe Riès

Evoquer, à Pittsburgh, Etats-Unis, le statut exorbitant du dollar et son rôle central dans la genèse de la crise financière mondiale serait parler de corde dans la maison d'un pendu. Par conséquent, comme lors du précédent sommet du G20 à Londres au printemps, la question ne sera pas même posée. Et pourtant....
Alors que la devise américaine évolue à ses plus bas niveaux de l'année (au-dessus de 1,48 dollar pour un euro), la banque centrale du Kazakhstan a fait savoir tout récemment qu'elle avait l'intention de réduire ses avoirs en dollar sur le long terme. Comme le font remarquer les analystes de Brown Brothers Harriman and co. (BBH), une banque d'investissement qui surveille de près l'évolution des réserves des banques centrales, avec en tout et pour tout 17 milliards de réserves, l'institut d'émission kazakh pourrait se débarrasser instantanément de ses billets verts sans même que le marché des changes s'en aperçoive. Le fait qu'il ne s'y résolve pas, pas plus que les autres banques centrales, «ne reflète pas tant une absence de choix qu'un manque de volonté», écrivent les analystes de BBH.
«Le Kazakhstan et la plupart des autres banques centrales pourraient adopter une allocation en devises en ligne avec la pondération actuelle des DTS [droits de tirage spéciaux, unité de compte du FMI basée sur un panier de devises fortes], si elle le voulaient. Elles choisissent le dollar, en dépit de tous ses défauts. C'est cela avant tout, sinon exclusivement, qui maintient le système monétaire international investi en dollar. Un libre choix.»
Toute la question est de savoir si cette «libre volonté» va perdurer, non pas à l'horizon des traders en devises qui excède rarement quelque mois, mais à moyen et long terme. Pour tenter d'y répondre, il faut commencer par évaluer le bilan de ce régime dollar, que les Etats-Unis ont imposé et maintenu pratiquement sans aucune contrepartie depuis près de quarante ans. Bilan qui doit inclure évidemment la multiplication et la fréquence des crises financières, processus qui a culminé avec l'implosion du système bancaire américain, et par extension de la plus grande partie de la planète financière, à partir de l'été 2007.
Afin d'éclairer le lien entre les «déséquilibres globaux» et la crise financière mondiale, l'économiste bruxellois Daniel Gros a eu recours à une analyse actif/passif portant sur le décalage énorme entre la production d'actifs financiers de long terme aux Etats-Unis (notamment les désormais fameux crédits hypothécaires, «subprime» et autres) et la faiblesse de la demande internationale pour de tels actifs, sachant que l'épargne américaine (tombée à 0 pour les ménages) ne pouvait les financer.

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