Économie et social

Clin d'œil de l'histoire: Volvo Cars pourrait passer sous pavillon chinois

Ford, qui poursuit son recentrage sur la marque à l'ovale bleu, a annoncé récemment le choix du chinois Geely Automobile pour la vente de Volvo, depuis dix ans dans l'orbite du deuxième constructeur américain. Amusant quand on se souvient du prurit chauvin des Suédois bloquant en 1995 la fusion entre Renault et Volvo et de l'itinéraire des deux entreprises européennes depuis cette date. Analyse.

Philippe Riès

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Volvo bientôt sous contrôle chinois?

L'Histoire est parfois d'une ironie cruelle. Les fiers «Vikings» de Volvo, qui s'étaient soulevés en 1995 pour empêcher le rapprochement de cette icône automobile suédoise avec les «Latins» jugés douteux de Renault, pourraient bientôt émarger auprès d'un constructeur chinois de taille modeste, Geely Automobile. Le constructeur américain Ford Motor, qui avait absorbé Volvo Cars en 1999 après l'échec du rapprochement avec l'ancienne Régie, a sélectionné la maison-mère de Geely, Zhejiang Geely Holding Group, comme candidat préféré à la reprise de sa filiale de Göteborg.
Le groupe privé chinois, fondé et dirigé par Li Shufu, qualifié un peu vite de «Henry Ford chinois», serait prêt à mettre sur la table quelque deux milliards de dollars (certes dévalués), soit moins du tiers de ce que Ford avait déboursé (6,45 milliards de l'époque) pour racheter le premier constructeur suédois. Ce qui en ferait néanmoins la plus importante acquisition d'une marque automobile étrangère par une entreprise chinoise, et un développement important dans la stratégie officielle exposée en 2004 par le gouvernement de Pékin, visant à concentrer l'industrie automobile nationale, aujourd'hui encore très dispersée, en une poignée de grands groupes capables de rivaliser avec les marques étrangères. Pour Geely, qui ne dispose pas du patronage politique, national ou local de ses concurrents à capitaux publics, une survie indépendante passe sans doute par une opération comme le rachat de Volvo.
Dans le cas de Ford, le seul des anciens «Big Three» de Detroit à avoir évité le passage par la faillite et l'appel au contribuable américain, il s'agit de solder définitivement la désastreuse stratégie de Jack Nasser, débarqué sans ménagement en 2001 par la famille Ford (qui contrôle toujours les destinées du constructeur avec une participation au capital pourtant résiduelle). Une stratégie de diversification, à la fois verticale (services financiers, distribution, équipements) et géographique (rachat de Volvo et par ailleurs de Jaguar, Land Rover et Aston Martin pour former le «Premier Automotive Group»). Ou plutôt une stratégie de contournement d'une difficulté croissante à résister aux assauts de la concurrence asiatique sur le marché américain et de l'incapacité à s'attaquer aux causes structurelles du déclin de Detroit.
«Back to basics» (retour aux fondamentaux), avait d'ailleurs affirmé William Clay Ford, l'arrière-petit-fils du fondateur, en reprenant temporairement les rênes au siège de Dearborn, avant de laisser la direction opérationnelle en 2006 à Alan Mullaly, ancien patron de l'aviation civile chez Boeing. Dans le «One Ford» (Un seul Ford) de Mullaly, il n'y a plus de place pour un petit constructeur suédois (375.000 véhicules vendus en 2009), presque constamment déficitaire.

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