Quel rôle pour l’entreprise dans la société?

Avec les débats autour de la loi Pacte, la question du rôle de l’entreprise dans la société a été relancée. Le code civil devrait désormais obliger à une prise en compte « des enjeux environnementaux et sociaux ». Une révolution de façade pour Mireille Bruyère, maîtresse de conférences en économie à l’université Toulouse-II Jean-Jaurès, et Benjamin Coriat, professeur d’économie à l’université Paris-XIII.

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À la rentrée, le Parlement va examiner le projet de loi Pacte (pour « Plan d’action et de transformation des entreprises »). Un projet de loi largement axé sur la dérégulation, mais qui comporte un changement majeur : la modification de la définition de la « société » par le code civil. Désormais, cette dernière devra non seulement être « gérée dans l’intérêt propre des associés », comme auparavant, mais aussi « en prenant en compte les enjeux environnementaux et sociaux ». Une modification inspirée du rapport Sénard-Notat remis au premier ministre en février.

Cette évolution est-elle majeure ou n’est-elle qu’une nouvelle façon de « tout changer pour ne rien changer », pour reprendre la célèbre phrase de Lampedusa dans Le Guépard ? Mireille Bruyère, maîtresse de conférences à l’université Toulouse-II-Jean-Jaurès et auteure d’un livre intitulé L’Insoutenable Productivité du travail, aux éditions du Bord de l’eau, en discute avec Benjamin Coriat, professeur à l’université Paris-XIII et auteur d’une note des Économistes atterrés sur le rapport Sénard-Notat (à retrouver dans l’onglet Prolonger).

Tous les deux considèrent que la loi Pacte rate l’essentiel. Mireille Bruyère souligne que le nœud du problème de l’économie capitaliste est devenu l’obsession d’une croissance fondée sur une augmentation continue de la productivité, elle-même dépendante d’une « réification » chiffrée du travail. Or ce schéma a atteint ses limites physiques et ne peut plus que provoquer des crises douloureuses. La loi Pacte, qui entend développer la croissance, y reste enfermée.

De son côté, Benjamin Coriat estime que la modification du code civil ne fait qu’entériner la jurisprudence actuelle et renonce à bâtir des entreprises capables de réellement prendre en compte l’intérêt général. Selon lui, ceci passerait avant tout par une démocratisation du fonctionnement de l’entreprise afin de prendre en compte les « communs ».

Cette émission est également disponible en podcast (à retrouver ici).